lundi 17 mars 2014

"Béton armé"

J'ai lu récemment le récit de voyage de Philippe Rahmy, "Béton armé" après un conseil très avisé, recueilli au sein de l'atelier de lecture. Cet écrivain est membre fondateur du site de création et de critiques littéraires Remue.net. Il a aussi obtenu le prix des Charmettes/Jean-Jacques Rousseau pour son livre, "Mouvement par la fin, un portrait de la douleur", édité au Cheyne en 2005. Philippe Rahmy, natif de Genève, souffre de la maladie des os de verre. Dans son récit de voyage sur la ville de Shangaï, il évoque avec beaucoup de lucidité cette maladie handicapante qui lui a donné une identité différente, une sensibilité hors du commun et une énergie sans faille. Lorsque il est invité en résidence par l'Association des écrivains de Shangaï, Philippe Rahmy n'hésite pas à se lancer dans ce voyage malgré son état de santé. Dès qu'il arrive dans cette mégapole de 20 millions d'habitants (!!!), il note ses impressions : "Des millions de visages continueront à défiler dans les phares des voitures. Des pas rapides sur le trottoir, étouffés, comme le murmure d'un peuple marchant sur la pointe des pieds. Et des yeux noirs, perdus, derrière lesquels on verra briller la force de chaque jour." Les descriptions de cette ville révèlent sa beauté, mais aussi sa monstruosité. Il s'interroge au fil du récit sur les Chinois de Shangaï, leur caractère, leur tempérament et leur mode de vie. L'écrivain intègre à son journal de voyage, ses souvenirs d'enfance, sa famille, et il rend un hommage à la lecture, aux livres, à la littérature. Je ne résiste pas à vous offrir cet extrait : "Ces textes ne m'ont pas seulement ouvert l'esprit. Ils sont aussi devenus mon corps. Comment la littérature, toute de nuances et de faux-fuyants, qui ne nous aide pas à comprendre la vie, mais à en faire notre demeure, qui nous désoriente avec bonheur, multipliant les chemins des écoliers et les occasions de faire l'école buissonnière sur la ligne droite qui mène du berceau à la tombe, aurait-elle le pouvoir de commander la matière ? (...) Un après-midi, je m'en souviens très bien, nous venions de terminer Le Grand Meaulnes, je me suis redressé. J'ai senti mes jambes prêtes à me porter. Je me suis levé. J'étais Augustin Meaulnes, grand et mystérieux au seuil de la vie". Philippe Rahmi a écrit un beau récit de voyage, dépaysant et poétique, des souvenirs autobiographiques attachants et un hymne à la vie malgré la présence de la maladie.