mardi 3 novembre 2020

"Portrait de femme"

 J'ai décidé de lire un "classique" par mois. La lecture des classiques s'amoindrit de plus en plus. Du collège au lycée et à l'université, ma formation littéraire s'est nourrie de classiques incontournables et je me suis "longtemps couchée de bonne heure" pour dévorer Balzac, Flaubert, Hugo, Stendhal, Maupassant, Zola et tant d'autres du XXe siècle : Proust, Giono, Colette, Gide, Beauvoir, Sartre, etc. J'éprouve une certaine nostalgie quand je pense à ces lectures essentielles où la découverte de ces mondes m'a offert une boussole pour la vie. Je n'avais pas encore ouvert "Portrait de femme" d'Henry James, publié en 1880 et je l'ai emporté dans mes bagages lors de ma dernière escapade à Paris. L'héroïne, Isabelle Archer se retrouve appauvrie après la mort de son père à New York. Sa tante maternelle l'invite en Angleterre dans sa propriété de Gardencourt appartenant à son mari américain, banquier et philanthrope. Dans sa nouvelle vie, elle rencontre son cousin, Ralph Touchett, avec qui elle se lie. Un ami de celui-ci, Lord Waburton s'intéresse à elle ainsi qu'un énergique entrepreneur, Gaspar Goodwood, qui lui demande sa main. Mais, Isabelle ne s'engage pas et refuse leurs avances. Elle hérite d'un pécule important à la mort de son oncle et devient une proie pour une amie de la famille, Madame Merle. Cette intrigante séduit la jeune femme naïve et à Florence, elle tombe dans le piège en tombant amoureuse d'un expatrié américain, séducteur et esthète, Gilbert Osmond. Ce mariage sera évidemment un échec pendant de longues années. Malgré l'aide de ses proches, Isabelle vit sous la coupe despotique de cet imposteur qui l'a trompée avec Madame Merle. Son cousin Ralph se meurt en Angleterre et elle se rend à son chevet malgré les menaces de son mari. Elle a enfin compris sa duplicité. Mais, Isabelle après la mort de son cousin, retourne auprès de son mari, par fidélité et par soumission. Henry James décrit une micro-société de privilégiés, cultivés, riches, mondains qui voyagent, traversent l'océan, font des réceptions, adorent l'Italie. Mais, il oppose aussi l'esprit d'ouverture des Américains face au vieux continent européen, figé dans les conventions passéistes. Isabelle Archer n'aurait pas dû traverser l'Atlantique... J'imaginais ses retrouvailles avec son mari et elle annonçait sa rupture avec une détermination sans faille comme l'aurait fait une femme libre et moderne. Mais, l'écrivain américain ne veut pas tout révéler, ménage le suspens, se met en retrait. Victime d'elle-même, de son masochisme, l'héroïne s'oublie, se sacrifie et fuit cette société patriarcale en s'enfermant dans sa tour d'ivoire. J'avais envie de la secouer pour qu'elle se libère mais l'époque du XIXe n'était pas une vie de rêve pour les femmes. Isabelle Archer résume à elle seule la condition féminine à la manière d'une Emma Bovary. Un grand et beau roman, une écriture somptueuse avec des passages magnifiques sur Rome et sur Florence.