lundi 31 janvier 2011

Le syndrome Nerval

Ce titre m'a attirée et je l'ai donc emprunté dans ma bibliothèque de quartier. Ce roman "policier", écrit par Caroline Gutman, se lit avec plaisir. Le personnage principal, éternel doctorant, préparant une thèse sur Gérard de Nerval, est recruté par un docteur, spécialiste des personnes âgés, à la tête d'un important groupe médical. Ce médecin, fou de Nerval, est à la recherche d'un texte inédit et séquestre une certaine Louise, fille d'un grand médecin qui aurait eu des renseignements inédits sur le poète maudit. Le lecteur suit donc les aventures de notre jeune doctorant avec une galerie de personnages loufoques et déjantés. Le thème de secte littéraire autour de Gérard de Nerval maintient l'intérêt du lecteur avec des histoires de cabales, d'identités usurpées et de secrets toujours recherchés par des fous de littérature, obsédés par la découverte d'un inédit de Gérard de Nerval. Ce roman m'a donné envie de relire les poèmes et Les Filles du feu du mystérieux et du malheureux Nerval. Un bon moment de lecture...

jeudi 27 janvier 2011

Dictionnaire amoureux

J'ai parlé hier de Philippe Sollers, et je poursuis une lecture très distrayante en feuilletant son "Dictionnaire amoureux de Venise", qui contient des articles classés par ordre alphabétique. Son érudition est impressionnante et il nous présente une Venise "dépoussiérée", "démuséeifiée", authentique malgré une saturation d'images, de clichés, de préjugés, de kitsch. Cette collection des Editions Plon est vraiment "sympathique". Il existe un dictionnaire qui pourrait vous convenir : du rugby à la gastronomie, du rock au golf, de l'opéra aux chats, du cinéma à la mythologie. Ne parlons pas de tous les pays traités : Espagne, Italie, Provence, Egypte, France, Amérique, Russie... On y trouve aussi les trains, la chasse (bof), la médecine, la mer et l'aventure, les langues. Il y en a pour tous les goûts. Ces dictionnaires sont composés par des écrivains ou des essayistes connus : Claude Hagège, Yves Berger, Michel del Castillo, Dominique Fernandez, Jacques Lacarrière, etc. J'ai, dans ma bibliothèque, un des plus originaux : "le dictionnaire amoureux des menus plaisirs" que je trouve délicieux... Je rêve de quelques titres qui seraient publiés, car j'ai remarqué que quelques uns de mes centres d'intérêt ne sont pas encore "dictionnarisés". Si j'avais de l'audace, j'enverrais un courrier à l'éditeur pour lui donner cette liste indicative :
- un dictionnaire amoureux de la littérature écrit par Charles Dantzig
- un dictionnaire amoureux du livre écrit par Michel Melot
- un dictionnaire amoureux des bibliothèques et des librairies écrit par Alberto Manguel
- un dictionnaire amoureux des femmes artistes écrit par Marie-Jo Bonnet
- un dictionnaire amoureux du féminisme écrit par Gisèle Halimi
- un dictionnaire amoureux de la philosophie écrit par Régis Debray
- un dictionnaire amoureux de l'Antiquité écrit par une historienne (quel dommage que Jacqueline de Romilly ne soit plus avec nous...)
Je peux élargir ma liste en pensant à un dictionnaire amoureux pour des pays ou des villes que j'aime (vus ou en projet): , la côte Basque (évidemment), Lisbonne, Bruxelles, Rome, etc.
Dans ma vie, je suis passée de la librairie aux bibliothèques, mais il m'a manqué quand même ce côté découverte, de lectrice de manuscrits, créatrice d'idées de collections. La vie est, hélàs, trop courte pour réaliser tous les rêves que l'on porte en soi... Quelle chance déjà de ne pas avoir éprouvé le moindre ennui en travaillant dans ces palais de livres et de lecteurs : les bibliothèques et les librairies !

mercredi 26 janvier 2011

Trésor d'amour

Philippe Sollers se retrouve à la une de la revue littéraire, "Transfuge" de janvier 2011. Il vient de publier son dernier opus, "Trésor d'amour" : je reste toujours "dubitative" après avoir lu Sollers. J'aime bien son côté amoureux fou de Venise, une Venise hors touristes (quelle chance il a !), amoureux de Stendhal, amoureux des femmes. Ce roman à la fois journal intime, guide de voyage, étude littéraire, parle de la vie agitée de Stendhal à la recherche de l'amour, de la quête amoureuse du personnage (Sollers ?)qui vit une relation parfaite avec une Minna, beaucoup plus jeune que lui. Ce roman "sollérien" possède un charme lié à l'atmosphère italienne, à la littérature (Stendhal et sa "Chartreuse de Parme" qu'il m'a donné envie de relire), à son style haché, vivant, parsemé de pensées ironiques sur des sujets de société. On le lit avec plaisir et Philippe Sollers ne laisse pas son lecteur indifférent. Les écrivains servent à nous "mettre en mouvement", à nous entraîner dans des rêves éveillés... Je ne manque jamais le rendez-vous littéraire annuel avec Philippe Sollers (qui est loin d'être un de mes écrivains préférés) mais cet homme cultive l'art de vivre et l'art d'aimer avec un talent fou...

mardi 25 janvier 2011

Rubrique cinéma (suite)

Ce mois de janvier, j'ai battu un record de fréquentation : cinq films (c'est super la retraite !). J'ai déjà mentionné les deux premiers : "Quattro Volte" et "Même la pluie ne nous appartient pas". J'ai donc vu la semaine dernière le très long film de Raul Ruiz, "Les mystères de Lisbonne", exploit "physique" pour moi (4H30) sur un rythme lent, trop lent... C'est une histoire de secrets qui s'emboîtent jusqu'à former un enchaînement de malheurs entre une mère qui abandonne son fils, un abbé qui le recueille mais qui cache une autre personnalite, cet enfant perdu qui retrouve sa mère, etc. Télérama s'était enthousiasmé... Je l'ai trouvé long, très long, un peu ennuyeux et les faits tragiques racontés ont fini par me lasser... J'avoue que je n'ai peut-être pas compris l'intérêt de ce film.
Le second, "Des dieux et des hommes", déjà vu par des millions de Français, m'a aussi un peu déçue, car j'attendais plus. j'ai tout de même apprécié la solidarité des frères entre eux, leur bonté envers la population algérienne, leurs interrogations face au terrorisme, leur amour inconditionnel de leurs pratiques religieuses. On sait que la tragédie a lieu et on éprouve une grande admiration envers ses moines qui sacrifient leur vie pour vivre leur idéal.
Le troisième film vu hier, "Au-delà" de Clint Eastwood, m'a "captivée" : les deux heures m'ont semblé deux minutes... La première scène du tsunami est incroyablement reconstituée. Les personnages en quête de vérité sur leur propre expérience de la mort provoquent chez le spectateur une adhésion irrationnelle : l'au-delà existe-til ? La question primordiale est posée : que devenons-nous après la mort ? Quand on a vécu des catastrophes intimes comme la perte d'êtres chers, ce film détient un pouvoir consolateur... Pourquoi pas cet "ailleurs" perçu par ceux qui ont survécu ? Ne manquez ce beau film, profond et grave, simple et compliqué à la fois...

lundi 24 janvier 2011

L'imposteur

Damon Galgut est né en Afrique du Sud en 1963. Son roman, "L'imposteur", provoque un malaise. Pourquoi continuer à le lire alors ? Ce texte vous pousse à poursuivre pour comprendre jusqu'où les personnages vont se vautrer dans cette imposture... Imposteur, le personnage principal, Adam, déprimé, solitaire et s'imaginant poète. Il décide de partir vivre dans une région du bush sud-africain pour chercher l'inspiration... Il rencontre un ancien camarade de classe, autre imposteur de taille, qui le prend sous son aile. Adam se greffe sur la personnalité "bling-bling" de Canning dont il n'a, par ailleurs, aucun souvenir. Il devient l'amant de sa femme, call-girl de luxe. La propriété de cet ami mystérieux est un magnifique territoire sauvage, hérité d'un père absent et ce domaine va se transformer en projet de golf par l'intermédiaire d'un "russe", trafiquant d'armes et de drogue. Ce roman ressemble à un polar social et politique avec sa cohorte d'hommes infréquentables, sur fond de magouilles. La corruption dans le milieu politique et économique en Afrique du Sud plombe l'atmosphère glaçante du livre. Parfois, il faut faire des efforts de lecture car la littérature, ça sert aussi à décrire les côtés obscurs, peu réjouissants du comportement humain dans un contexte tendu. La critique a comparé Damon Galgut à J.M. Coetzee, écrivain majeur d'Afrique du Sud, sans concession et d'une lucidité à faire peur. Ce jeune écrivain mérite le détour...

jeudi 20 janvier 2011

Philosophie sentimentale

Cet essai, primé à la rentrée, est une invitation agréable pour s'introduire en douceur dans le monde parfois austère de la philosophie. Frédéric Schiffter nous offre une conversation en nous racontant des anecdotes très significatives sur quelques philosophes et écrivains qu'il apprécie tout particulièrement : Nietzsche, Pessoa, Proust, Schopenhauer, Montaigne, Chamfort, Freud, Rosset. Le style de Schiffter ne ressemble en aucun cas au style obscur, souvent incompréhensible de la prose philosophique. Cet essai peut convenir à tous ceux et celles qui n'osent pas lire de la "philosophie" par intimidation et complexe intellectuel. Ce livre vous apportera un "éclaircissement" limpide et lumineux sur ces quelques philosophes et écrivains. Dans l'introduction, j'ai relevé un passage sur Biarritz, ma deuxième résidence. Frédéric Schiffter raconte son "atterissage" dans cette ville un peu par hasard dans les années 70. Je cite ce passage : "Mon Biarritz n'est pas le Lisbonne de Pessoa, mais de ce lieu de villégiature estivale bordée au nord par le palais de la princesse, et au sud par le château du capitaine Nemo, alias le baron Albert de L'Espée,j'ai fait ma capitale, et aussi le labyrinthe balisé de mes flâneries ; son atmosphère de station balnéaire fantôme durant l'hiver ; ses vieux hôtels de luxe ; ses modestes pensions ; ses modestes maisons de pêcheurs aux murs salpêtreux ; ses imposantes demeures des années trente construites par des milliardaires cosmopolites ; ses rues et ruelles pentues ; ses lacets piétons qui serpentent le long des plages ; ses rochers et ses falaises attaqués par la houle ; ses tamaris éventrés et tordus par le vent salé mais toujours debout ; ses longs boulevards de sable mouillé qui semblent menés aux Pyrénées par marée basse ; cette ville , oû les tempêtes défraient la chronique davantage que les intempéries géopolitiques de la planète, réunissait pour l'orphelin que j'étais toutes les conditions propices à cultiver son desassossego." Ce Biarritz qu'il décrit si bien ressemble à mon Biarritz qu'il ne faut pas confondre avec une ville, hélas, aujourd'hui envahie par des touristes qui râlent à la moindre goutte de pluie ! J'aime aussi l'esprit de ce livre, teinté de désenchantement, de lucidité et d'intelligence. Il parle de cette vie "paresseuse" qu'il mène grâce à son métier de professeur de philosophie... J'aimerais bien le rencontrer ce "prof de philo" quand je me promène au bord de la mer à Biarritz et que je respire un air iodé et tonique tout en admirant la force dynamisante des vagues basques. Un jour, je le rencontrerai peut-être sur nos chemins de sable... En attendant ce moment hasardeux, je peux retrouver sa "bonne compagnie" en découvrant sa philosophie.

mercredi 19 janvier 2011

Jours toxiques

Ce titre reflète l'air du temps en ce moment (scandale du médiator par exemple...). Roxana Robinson, écrivaine américaine, a écrit un très beau roman, "Jours toxiques" aux éditions Buchet-Chastel. On n'en ressort pas indemne tant le sujet du livre est difficile à supporter. C'est l'histoire d'un naufrage total, celui d'un jeune homme, Jack qui se pique à l'héroïne. Malgré cet échec programmé, la mère de Jack, Julia se bat en associant le cercle familial : le frère de Jack, son mari dont elle est divorcée, ses parents, sa soeur. Tout le roman tourne autour de la question posée mille fois par Julia : pourquoi cette chute dans l'enfer ? Ce drame fait basculer toute la famille dans une crise qui déclenche une remise en question pour chacun d'entre eux. Le frère de Jack reprend des études, le père de Julia se rend compte de son caractère tyrannique et intolérant. Julia renoue une amitié avec son ex-mari, et finit par comprendre que les enfants deviennent des adultes... Quand elle lutte en vain contre la déchéance de son fils, elle prend conscience que lui-même a choisi le mauvais côté en toute liberté. C'est un roman noir, peut-être, mais décapant, fort, et quand on le ferme, le lecteur se souviendra de ce portrait attachant d'une femme, et de ses réflexions si justes sur les liens familiaux fragiles. Comme les femmes-écrivains ont un talent fou pour décrire la vie, tout simplement !

mardi 18 janvier 2011

Le livre, une idée d'avenir

J'aime feuilleter l'hebdo du Monde "Le Monde Magazine" et j'ai trouvé ce titre limpide et optimiste sur la couverture : "Le livre, une idée d'avenir". J'avais mentionné l'ouvrage de Robert Darnton, "Apologie du livre. Demain, aujourd'hui, hier." qui vient de sortir. Dans un interview passionnant, cet historien du XVIIIème nous rassure en abordant l'inquiétant avenir du livre imprimé, "attaqué" de toutes parts par la numérisation-mondialisation de la production intellectuelle. Paradoxalement, il se montre très optimiste car le livre imprimé est un phénomène historiquement court (540 ans) alors que l'écriture existe depuis 6000 ans environ, et Internet va fêter sa petite quinzaine d'années.Notre "codex" actuel fait de la résistance car la production de livres imprimés augmente tous les ans, un million de titres nouveaux dans le monde par an. Le livre imprimé co-existera et même retrouvera une nouvelle jeunesse grâce à la découverte de millions d'archives et de livres qui reposent sur les étagères des bibliothèques. Robert Darnton évoque la naissance de la plus grande bibliothèque universitaire du monde, l'équivalent moderne de la bibliothèque d'Alexandrie. Le projet de Darnton (par ailleurs directeur de la bibliothèque d'Harvard) donne le vertige mais un vertige "borgésien", le rêve de tout chercheur, de tout lecteur passionné : avoir à portée d'un clic de souris le patrimoine écrit mondial. On peut déjà consulter Gallica sur le site de la BNF qui propose toute la littérature en texte intégral des origines au début du vingtième siècle. Robert Darnton rend aussi hommage aux bibliothèques universitaires et municipales, lieux de conservation indispensables car dit-il, "C'est toute une civilisation dont il faut garder témoignage. Et les bibliothèques sont plus nécessaires que jamais, sachant que le numérique peut être périssable." Il termine l'interview ainsi: "Et la bibliothèque, qui pourrait passer pour la plus archaïque de nos institutions, est au contraire un lieu idéal pour servir d'intermédiaire entre les modes de communication imprimés et numériques." C'est rare de trouver un terrain d'entente entre les tenants de la modernité extrême du tout numérique et les archaïques du papier. Tant mieux si ces mondes antagonistes se complètent, s'enrichissent mutuellement et se mettent au service d'une plus grande démocratisation du savoir et de la culture !

jeudi 13 janvier 2011

Rubrique cinéma

Dans les résolutions de début d'année, j'aime me fixer des objectifs : par exemple, aller au cinéma au moins deux fois par mois et parfois plus. En janvier, j'ai bien démarré l'année avec un film italien "Le quattro volte" de Michangelo Frammartino.
Un film particulièrement anachronique, singulier où il ne se passe pas grand chose. Les amateurs de Spiderman ne doivent surtout pas assiter à une séance... Il est question d'un vieux berger qui va mourir seul au milieu de ses chèvres, d'un village en Calabre perpétuant des traditions anciennes comme la coupe d'un sapin, sorte de vigie sur la place du village. Les spectateurs voient ensuite défiler l'histoire d'un petit chevreau qui se perd, et à la fin du film, on assiste à l'élaboration millénaire du charbon de bois... Ce film minimaliste n'est accompagné d'aucune musique, ni voix off. Pas de comédien, pas de star, rien que la vie du village, les saisons, les bruits des cloches des chèvres : un supplice pour les amateurs de films d'action. La magie est lente à prendre en soi et pendant le film, on se commence à méditer sur la vie simple, traditionnelle, et qui sera certainement un témoignage vraiment surprenant quand des cinéphiles le programmeront dans cent ans !
Le deuxième film vu cette semaine, "Même la pluie" de l'espagnol Iciar Bollain, est une petite merveille du cinéma politique. C'est l'histoire banale d'un tournage de film en Bolivie pour retracer la conquête de Christophe Colomb. En parallèle, l'équipe du film dont le réalisateur et le producteur, va se heurter à la dure loi d'un combat des indiens de Bolivie pour sauvegarder l'accès à l'eau potable.
Il faut aller voir ce petit bijou qui passe dans une salle d'art et d'essai. Ce film montre l'injustice, la prise de conscience lente et définitive des "nantis" face à la misère sociale en Bolivie.
Deux fims italien et espagnol m'ont apporté en ce début d'année un souffle d'air frais et une brin d'optimisme...
Allez voir ces films que l'on dit petits : ils vous apporteront des émotions teintées de philosophie et de lucidité salutaires en ce moment.

mardi 11 janvier 2011

Enrique Vila-Matas

Cet écrivain espagnol, dont j'avais beaucoup apprécié son "journal volubile", se montre inquiet sur la fin de la galaxie Gutenberg. Dans son dernier livre, on trouve le portrait d'un éditeur, Samuel Riba, qui a cessé ses activités et qui sombre dans une certaine déprime. Il veut, avec quelques amis littérateurs, entreprendre un voyage à Dublin pour célébrer Joyce et surtout proclamer la mort de la "galaxie Gutenberg". Il est déprimé par la mort de la littérature, des génies littéraires en évoquant Joyce et Beckett. Ce que j'ai retenu surtout dans ce livre, c'est l'hommage fou qu'il rend à la "grande littérature" avec un humour à la limite de l'absurde. Il nous parle aussi des capitales "littéraires" que sont Barcelone, Paris, New York, Dublin à la manière d'un amoureux des lieux. Vila-Matas est un écrivain atypique, original, d'une culture jouissive sur le monde des écrivains secrets, difficiles à lire et à comprendre...
Je vous cite ce passage : "Les auteurs littéraires disparaîtront, ces mots lui vont droit au coeur. Cette réalité à venir que la Toile annonce chaque jour un peu plus clairement ne laisse jamais de l'émouvoir. Et, dit l'auteur de l'article, si la fin prévue du livre imprimé ne provoque chez le lecteur traditionnel que sentiment d'étrangeté, rejet, que dire de l'écrivain qui voit dans ce vertige une sorte d'attentat contre la finalité et la nature de son travail ? Mais le cap semble fixé, et le sort de l'encre et du papier, scellé. Rien ne réussira à détourner le livre et le papier de son fâcheux destin, aucun mage, aucun prophète ne pourra assurer sa survie. L'enterrement a commencé et ceux qui restent fidèles aux feuilles imprimées protesteront et enrageront en vain dans leur désespoir."
Enrique Vila-Matas ne cesse de dénoncer la disparition de la galaxie Gutenberg, comme le constate à sa façon Régis Debray. Quand je lis "Dublinesca", j'accompagne Vila-Matas dans cette quête donquichottesque de préserver quelque chose de ce monde ancien, ce patrimoine littéraire sans lequel la vie de l'esprit deviendrait irrespirable...

lundi 10 janvier 2011

Tant qu'il y aura des écrivains

Cette phrase se trouve à la fin d'une chronique de Franck Nouchi dans le journal "Le Monde" du vendredi 7 janvier. Le journaliste défend la primauté de la littérature et de la lecture dans un monde saturé de numérisation... Il nous recommande la lecture d'un essai qui vient de sortir "Apologie du livre" du grand historien américain Robert Darnton aux éditions Gallimard et d'un autre essai (que j'ai acheté et que je n'ai pas encore lu), "Pourquoi lire" de Charles Dantzig. Je suis à l'affût de textes dans la presse qui défendent le livre écrit, les écrivains, l'imprimé, bref les mots sur du papier. Comment pouvons-nous passer de l'imagination, de la création ? J'ai vu une émission sur la disparition des dinosaures provoquée par une comète gigantesque s'écrasant sur la Terre... Je n'ose pas imaginer une telle comète (le tout numérique ?) déferlant dans nos maisons et nous privant de nos chers dinosaures-livres... Tant qu'il y aura des écrivains, belle formule en ces temps superficiels du zapping, du tout cuit, du tout fait, du bling-bling et de la non-pensée ! Ceux qui prennent le temps d'écrire des romans et des essais, de proposer des idées, méritent toute notre considération et je me sens souvent comme un dinosaure quand j'entends notre "président" parler de la Princesse de Clèves" comme d'un livre inutile pour intégrer le monde du travail... Les temps sont durs pour les littéraires ! Toutefois, il ne faut pas oublier que nos chers dinosaures ont regné des millions d'années sur Terre...

vendredi 7 janvier 2011

Début d'année américaine

Je me rends compte que la littérature américaine reste une des littératures les plus efficaces du monde. Ce début d'année 2011 m'a confirmé cette impression. J'ai lu avec plaisir trois romans publiés en 2010 qui peuvent retenir votre attention. Le premier : "Les sortilèges du Cap Cod" de Richard Russo aux éditions du Quai Voltaire
se lit avec le sourire aux lèvres. On y trouve les ingrédients qui "font" un roman agréable : de l'humour, des personnages pittoresques, une crise de couple, des rancoeurs familiales (les parents du narrateur sont des universitaires imbus de leur statut et avares de sentiments).La vie peut quelquefois réserver de bonnes surprises malgré les erreurs et les préjugés. J'avais déjà parlé de Richard Russo, écrivain américain dont la veine psychologique, l'humour distancié et la critique sociale et familiale se rapprochent de David Lodge, son équivalent anglais.
Le deuxième roman lu : "Un monde parfait" de Laura Kasischke. Cette histoire démarre dans la réalité américaine : un pilote séduisant et père de famille se remarie avec une hôtesse de l'air un peu innocente et mièvre. Elle devient femme au foyer et prend soin des enfants de ce pilote souvent absent de la maison, travail oblige. Jiselle vit un conte de fées qui va, hélàs, se transformer en cauchemar. Il est question dans cet ouvrage d'une épidémie qui va séparer Jiselle de son mari et qui va provoquer un isolement social, Jiselle se retrouvant seule avec les enfants et luttant pour leur survie.J'ai lu les six romans de Laura Kasichke et je la considère comme une écrivaine américaine, très originale, inquiétante et surprenante. Elle invente une planète particulière avec des personnages qui se révèlent face à des conflits inattendus. "En ce monde parfait" parle de nos peurs actuelles face à des phénomènes catastrophiques : épidémies et autres crises. Roman à la fois psychologique et "science-fictionnel" complètement crédible.
Le troisième roman américain : "En attendant Babylone" d'Amanda Boyden aux Editions
Albin Michel. Ce roman polyphonique restitue l'âme et l'ambiance de la Nouvelle-Orléans avec des personnages hauts en couleurs et qui vivent dans un quartier populaire de cette immense cité multiculrelle et hantée par la violence. Il suffit de suivre les péripéties de quelques habitants de ce quartier populaire : Cerise et Roy, personnes âgées généreuses, Fearius le mauvais garçon, Ariel et Ed et leurs enfants, Joe et Philoménia, couple mal assorti. Tous ces personnages se croisent, s'épient, se solidarisent ou se dénoncent... Fresque animée, colorée, en bref, vivante, vibrante d'humanité. Un grand roman américain d'une jeune femmme qui signe son tout premier ouvrage. Il faudra la suivre... Et je me dis : comme la littérature américaine a du talent pour nous dresser un portrait de la société, des hommes et des femmes qui peuplent ce continent encore si neuf pour nous, les Européens...

jeudi 6 janvier 2011

Poème

La Médiathèque de Chambéry proposait depuis le 15 novembre une exposition sur Jean-Pierre Spilmont, initiative très heureuse car ce poète-écrivain était associé à des peintres et des illustrateurs de livres. J'aime beaucoup les livres illustrés, surtout les recueils de poésie. Ces livres ont souvent une grande valeur concrète (ils valent cher) et une valeur artistique indéniable. Quand les bibliothèques les sortent de leur réserve où ils sont jalousement cachés et conservés, il faut vite aller les découvrir dans les vitrines d'exposition. J'ai donc particulièrement été "accrochée" par une série de poèmes classés par mois, écrits par Jean-Pierre Spilmont, illustrés par Michèle Riesenmey que je ne connaissais pas (Quel talent...). Je me permets de vous confier ce petit texte intitulé "Juin" :
Qu'est-ce qu'un livre par rapport à la vie ?
Comment savoir.
Parfois l'aube se lève sur le désert
On essaie de se souvenir
On tente de mettre des visages sur des mots
On y parvient
On a furtivement posé un peu de vie dans
les pages du livre.
Les illustrations de cette femme-artiste épousent parfaitement la suite des textes.
Bravo pour cet hommage rendu à la littérature et à l'art....

mardi 4 janvier 2011

Palmarès 2010

Je propose ma sélection des meilleurs livres en 2010. Au total, j'ai donc lu 70 livres, soit une moyenne de 4 livres par mois et plus parfois. Et il faudrait ajouter toute la presse quotidienne et hebdomadaire. Je ne me suis jamais cachée : je souffre de cette maladie chronique, cette addiction si agréable à vivre : la lecture, une passion heureuse et que je vous souhaite de partager.
Les livres que j'ai le plus appréciés sont classés par catégories :
- Catégorie Littérature française : "Le chagrin" de Lionel Duroy et "Qu'as-tu fait de tes frères" de Claude Arnaud
- Catégorie littérature américaine : "Fille blanche, fille noire" de J.-C. Oates et "Indignation" de P. Roth
- Catégorie Littérature policière : "Exception" de C. Jungersen
- Catégorie Littérature espagnole : "Le coeur glacé" de A. Grandes
- Catégorie Littérature scandinave : la saga de Anne Radge en trois tomes : "Terre des mensonges", "La ferme des Neskov", "L'impossible héritage"
- Catégorie Littérature anglo-saxonne : "Orages ordinaires" de W. Boyd
- Catégorie Essais : "Dégagements" de Régis Debray
- Catégorie Littérature : "Journal volubile" de Enrique Vila-Matas
- Catégorie Coups de coeur : "Les chaussures italiennes" et "le cerveau de Kennedy" de Mankell
- Catégorie Admiration : "La vie éclaircie" de Danièle Sallenave
- Catégorie Premier roman : "Le bonheur fantôme" de Anne Percin
- Catégorie Relectures : "Eloge de la lenteur" de Pierre Sansot
- Catégorie Espoir : "Le sel" de Jean-Baptiste Del Amo
- Catégorie Fidélité : "Mamita" de Michel del Castillo
- Catégorie Pavés : "La grâce et le chagrin" de W. Lamb.
Voici ma liste des vingt livres que j'ai retenus sur les soixante-dix. Mais les livres qui ne figurent pas dans ce palmarès et que j'ai cités et recommandés dans mon blog méritent de l'intérêt et de la curiosité. En général, je ne me "force" jamais à terminer un roman s'il me tombe des mains. Je n'ai pas de temps à perdre et si les vingt premières pages ne m'ont pas accrochée, je le quitte.
Que l'année 2011 soit aussi prometteuse en découvertes et surprises...