lundi 16 septembre 2019

"Elsa Morante, une vie pour la littérature"

René de Ceccatty, italophile de renom, s'est donné une tache difficile : écrire une biographie d'Elsa Morante (1912-1985). Pour passer un bel été en lectures, j'ai proposé à mes lectrices amies trois grandes dames de la littérature italienne : Elena Ferrante, Goliarda Sapienza et Elsa Morante. Je voulais faire connaître cette écrivaine peu lue aujourd'hui. J'espère que certaines de mes lectrices ont choisi Elsa Morante. Je l'ai lue dans les années 80 et son roman emblématique, "La Storia" m'avait particulièrement marquée et touchée. En 2018, le traducteur de Pasolini et de Moravia, René de Ceccatty propose un ouvrage de quatre cents pages sur Elsa Morante. Pourtant, l'écrivaine ne voulait pas que l'on dissèque sa vie. Pour elle, seuls ses romans se suffisent à eux-mêmes. L'écrivaine, secrète et solitaire, est née en 1912 d'une mère institutrice et d'un père employé des postes. Elle sera reconnue plus tard par son beau-père éducateur. Elevée dans un quartier populaire de Rome, sa vocation d'écriture se manifeste dès l'âge de dix ans. Trois ans plus tard, elle publie des récits pour enfants et à dix-huit ans, elle quitte le foyer familial et devient journaliste. En 1941, elle rencontre Alberto Moravia, l'épouse et le suit dans l'exil décrété par les fascistes. En 1948, son premier roman, "Mensonge et sortilège" obtient le prix Viareggio. Elsa Morante adore voyager : l'Espagne, l'URSS, la Chine, les Etats-Unis. Elle se lie avec un jeune peintre homosexuel qui se suicidera en 1962. Elle va travailler sur le scénario d'un film de Pasolini, son grand ami. Son couple bat de l'aile depuis longtemps et même s'ils se séparent, ils ne divorceront pas. Sa vie amoureuse n'est pas simple car elle est souvent attirée par des homosexuels. Elle écrit "L'île d'Arturo" en 1957 et en 1974, elle compose son grand chef d'œuvre, "La Storia", best-seller mondial, adapté au cinéma par Luigi Comencini. Son dernier roman, "Aracoeli" reçoit le prix Médicis étranger en 1984. Malade des suites d'une fracture au fémur, elle meurt en 1985. Cette biographie montre une vie de femme qui aime par dessus tout la littérature. Ses œuvres baroques, exaltantes, ténébreuses décrivent un monde où les femmes sont souvent maltraitées par la vie comme la mère courage de la Storia, violée par un soldat allemand. Un point commun avec Elena Ferrante. René de Ceccatty décrit aussi l'intelligentsia romaine, d'une ébullition intellectuelle indéniable. Moravia-Morante, ce couple me fait penser à Sartre-Beauvoir. Mais, Elsa n'était pas Simone… Elle préférait écrire des histoires d'amour, des histoires familiales, des histoires de vie. Une grande dame italienne, trop oubliée. Cette biographie a le mérite de réveiller l'intérêt pour ses romans tumultueux et émouvants.