lundi 22 juillet 2019

"L'amour harcelant"

Le premier roman d'Elena Ferrante, "L'amour harcelant", publié en 1995, traduit par Jean-Noël Schifano, vient d'être réédité en 2018. La narratrice, Délia, annonce dès la première ligne, la mort de sa mère, Amalia, par noyade. Elle a été retrouvée portant sur elle un soutien-gorge neuf, coûteux, acquis dans une boutique de luxe de Naples. Délia, sa fille cadette, décide de mener une enquête pour démêler les fils de cet évènement tragique et énigmatique. La disparition d'Amalia plonge Délia dans un foisonnement de souvenirs, parfois lumineux, souvent obscurs. Elle se rappelle la présence envahissante de cette femme agaçante : "Avec elle, je ne savais être que contenue et insincère. Elle s'en retournait à Naples dès ma première ombre d'impatience". A la veille de sa mort, sa mère l'avait alertée par téléphone qu'elle se sentait pourchassée. Le lendemain, son corps est retrouvé. Délia se charge de la cérémonie à laquelle n'assiste pas son père, séparé de sa femme depuis longtemps. Après l'enterrement, tous les membres de la famille s'éparpillent et Délia se retrouve seule pour affronter la vérité. Qui était donc Amalia ? Qui se trouvait avec elle sur cette plage ? Cette femme formait un couple difficile avec son mari, trop jaloux, trop violent, trop machiste. Pour gagner sa vie, cet homme irascible peignait des toiles faciles pour les vendre grâce à l'intermédiaire d'un mystérieux Caserta. Délia visite l'appartement de sa mère et se réapproprie le passé en fouillant ses affaires intimes. Elle tente d'éclaircir la nature du lien entre Amalia et Caserta. Etaient-ils amants ? Sans doute… Dans un Naples hallucinant, elle cherche des indices, interroge le fils de Caserta, va même affronter son tyran de père. Elle se rend compte que sa mère restera une énigme même si elles partageaient des attitudes communes. Sa quête fiévreuse et désespérée aboutira à une fusion finale où elle devient Amalia. L'amour harcelant concerne en fait tous les liens amoureux des personnages : mère-fille, fille-mère, mari-femme, amant-maîtresse... La ville de Naples, chaotique et anarchique, ressemble à ses habitants au tempérament volcanique, le Vésuve les influence certainement... Ce premier roman, sombre et violent, ne plaira pas peut-être pas aux innombrables lecteurs(trices) de la saga, "L'amie prodigieuse",  beaucoup plus lumineuse. Je l'ai lu avec beaucoup d'intérêt en retrouvant dans ce premier projet littéraire les fondamentaux de son œuvre : la violence dans les relations hommes-femmes, la ville de Naples, le choix d'une narratrice, double de l'écrivain. Un roman surprenant et intranquille…