vendredi 17 février 2017

Jeudi des Livres, 5

Dans le groupe de lectrices, quelques titres de J.-B. Pontalis ont été lus et toujours appréciés. Je ne vais pas les résumer car il est impossible de cerner avec précision cette pensée chatoyante, ces textes proches du rêve éveillé. Je vais quand même conseiller quatre ouvrages qui me paraissent emblématiques de l'univers "pontalisien". Dans chaque ouvrage, l'écrivain-psychanalyste traite d'un thème majeur qu'il interprète tel un grand pianiste avec des variations, allant de l'humour à la dérision, de la mélancolie à la gravité, du doute au nihilisme. "Le songe de Monomotapa" aborde le thème de l'amitié avec un constat sceptique sur l'amour, passion périssable alors que l'amitié peut durer toute une vie. Mais, il avoue qu'il est difficile de rencontrer l'ami "idéal" comme Montaigne avec La Boétie.  Dans "Frère du précédent", J.-B. Pontalis analyse la relation fondamentale des frères (et non des sœurs) en partant de Caïn et d'Abel et il avoue que son propre frère lui a voué une haine incompréhensible et douloureuse. Ses confidences personnelles affleurent parfois certains textes tissant une forme d'autobiographie éclatée. "Dans "Le dormeur éveillé", publié en 2004,  l'écrivain nous embarque dans ses rêveries : "Ce livre-ci n'aura été qu'une navigation sans but et sans boussole, qu'une promenade rêveuse". Il évoque avec émotion cet "'enfant au regard perdu" devant la mer, un événement cocasse avec ses parents, une visite à Arezzo pour admirer les fresques de Piero della Francesca dont ce soldat songeur près de l'empereur, suscitant l'imagination rêveuse. "Marée basse, marée haute" est pour moi le livre le plus touchant car J.-B. Pontalis l'a écrit avant de mourir : "Je me dis que ces coquillages, ces coques, ces palourdes, ces moules en grappes, ces bouts de bois rongés par le sel marin, ces morceaux de corde tombés d'un bateau de pêche, figurent ce qui est déposé dans ma mémoire : de petits restes, comme ils me sont précieux ! Qui seront tout à l'heure recouverts par la marée haute mais qui réapparaîtront, ceux-là ou d'autres, quand la mer de nouveau se retirera. Marée basse, marée haute, cette alternance est à l'image de ma vie, de toute vie peut-être. La vie s'éloigne, mais elle revient". Ce très beau texte résume à lui seul l'œuvre de cet écrivain-psychanalyste et je ne passe pas une année sans ouvrir un de ses ouvrages. Je terminerai l'évocation de J.-B. Pontalis avec cette phrase extraite de "L'amour des commencements" : "Tant qu'il y aura des livres, personne, jamais, n'aura le dernier mot"...