lundi 23 janvier 2023

Atelier Littérature, 2

 Pascale et Odile ont lu avec une émotion certaine le récit de Patrick Modiano, "Dora Bruder", publié en 1999, chez Gallimard. Le narrateur mène une enquête quasi policière sur la disparition d'une jeune adolescente, Dora Bruder. Il tente de reconstituer toutes les traces que la jeune fille juive a laissées au sein de sa famille et dans sa vie scolaire. Elle demeure tellement insaisissable que cette recherche s'avère désespérante. Dans un Paris qu'il parcourt, rue par rue, quartier par quartier, Patrick Modiano arrache au passé, un passé tragique, quelques bribes de vérité sur Dora et les siens, leur arrestation par les policiers français, leur déportation et leur mort atroce à Auschwitz. Cette lecture forte et indispensable ne peut laisser indifférent. Pascale a bien relevé l'importance historique de ce témoignage qui mêle vie personnelle de l'écrivain et vie courte de Dora, tous les deux unis par un désir de fugue. Ce récit poignant reste et restera longtemps dans la mémoire des lecteurs et des lectrices de Patrick Modiano, prix Nobel de littérature en 2014. Odile a découvert avec un grand plaisir le texte de Colette, "La maison de Claudine". Il ne s'agit pas de la "Claudine" de la suite "Claudine à l'école". En 35 chapitres, chacun constituant une nouvelle, l'écrivaine décrit avec un rare bonheur son enfance heureuse, sa famille et surtout sa mère aimante, Sido. Les chats et les chiens font partie intégrante du paysage dans sa maison de famille. La Colette gourmande, heureuse, reconnaissante s'exprime admirablement dans ces textes enjoués, vibrants et souvent teintés d'humour et de nostalgie : "Quel ancêtre me légua à travers des parents si frugaux, cette sorte de religion du lapin sauté, du gigot à l'ail, de l'œuf mollet au vin rouge ?". Les végétariens devraient s'abstenir de lire Colette ! Odile, Danièle et Régine ont choisi "Frankie Adams" de Carson McCullers. Six ans après son chef d'œuvre, "Le cœur est un chasseur solitaire", publié en 1940, elle écrit "Frankie Adams" avec cette question lancinante : "Pourquoi est-il si difficile de passer de l'enfance à l'âge adulte, si compliqué aussi de conclure la paix avec soi-même ?". Frankie, à l'âge de douze ans, étouffe dans son milieu et quand son frère va se marier, elle s'imagine vivre avec le couple. Ces fantasmes traduisent son malaise, ses difficultés de vivre. Seule, la cuisinière noire, Bérénice, l'écoute et la comprend. Danièle et Odile ont beaucoup aimé ce portrait d'une adolescente en crise d'identité alors que Régine a été moins touchée par cette histoire d'adolescence malheureuse. J'ai regretté qu'aucune lectrice n'ait eu envie de lire "Pierre et Jean" de Maupassant. Pourtant, cette histoire de deux frères très différents, dont l'un hérite d'un père biologique, l'autre éprouve une jalousie destructrice, aurait pu plaire aux lectrices tellement ce roman naturaliste conserve une actualité familiale bien contemporaine. (La suite, demain)