vendredi 19 mai 2023

Atelier Littérature, 1

Dans la première partie de l'atelier Littérature du jeudi 11 mai, nous avons évoqué Milan Kundera et ses romans. Geneviève a beaucoup aimé "La valse aux adieux", publié en 1975, écrit à Prague avant l'exil de l'écrivain. Ce vaudeville se passe dans une ville thermale où un médecin gynécologue, le docteur Skreta, prend soin des patientes stériles. Il en prend tellement soin qu'il les insémine avec son propre sperme. Ce thème si contemporain, la procréation assistée, a été traité par Kundera comme une phénomène de société prémonitoire. Une galerie de personnages valse donc en s'écrasant moralement les pieds : le trompettiste Klima couche un soir avec une infirmière, Ruzena, employée des thermes et elle l'accuse de l'avoir mis enceinte alors que c'est un mensonge. Un autre personnage, Jacub, dissident, joue un rôle particulier car il cherche à fuir le pays. Milan Kundera livre dans son deuxième ouvrage une vision sombre de la condition humaine. Mais comme dans tout son registre romanesque, il utilise un humour corrosif, une ironie philosophique et analyse les relations amoureuses comme une vaste comédie loufoque. D'autres lectrices du groupe ont choisi la plus célèbre de ses œuvres, "L'insoutenable légèreté de l'être", publié en 1984. L'écrivain a qualifié ce texte de "méditation sur l'existence" et écrit : "Le roman n'est pas une confession de l'auteur, mais une exploration de ce qu'est la vie humaine dans le piège qu'est devenu le monde". Tomas est amoureux de Teresa mais comme il prône le libertinage, il la trompe souvent. Teresa symbolise la permanence, la fidélité, l'amour profond. Lui représente la légèreté et elle, une certaine pesanteur. Sabina, la femme artiste, maîtresse de Tomas, va fuir le pays communiste et s'installera en Amérique, seule et libre. Tomas, le volage, trouvera la sérénité et la fidélité avant de mourir dans un accident avec Teresa. Pascale a lu plusieurs citations du roman pour donner envie de le redécouvrir. Je retiendrai cette phrase de Kundera qui résume sa philosophie : "L'Histoire est aussi légère que la vie de l'individu, insoutenablement légère, légère comme un duvet, comme une poussière qui s'envole, comme une chose qui va disparaître demain". Ce chef d'œuvre se savoure encore mieux dans une deuxième lecture. Odile a découvert "La lenteur", paru en 1995, le premier livre de la phase originale car l'écrivain l'a composé en français. Il a renouvelé son style, son univers et sa conception du roman comme des "variations musicales". Il est donc parfois impossible de résumer "La lenteur" tellement le narrateur utilise les digressions incessantes. Mais, notre lectrice n'a pas du tout été décontenancée et l'a lu avec un plaisir certain. Il est question d'un congrès d'entomologistes dans un château à la campagne, de Vivant Denon et de son roman libertin, "Point de lendemain", de réflexions sur la société contemporaine, etc. Milan Kundera écrit cette sage vérité : "Notre époque est obsédée par le désir d'oubli et c'est afin de combler ce désir qu'elle s'adonne au démon de la vitesse". Un roman jouissif, érudit, ironique et un éloge de la lenteur, "génératrice de mémoire, de beauté, de liberté'. (la suite, lundi)