jeudi 27 octobre 2016

"Continuer"

Le roman de Laurent Mauvignier, "Continuer" reprend une expression de Samuel Beckett. Ce verbe "continuer" résume la vie de Sybille, une mère quelque peu déprimée et découragée. Elle rêvait d'être chirurgienne, elle est infirmière. Elle rêvait de vivre avec l'amour de sa jeunesse. Son compagnon meurt accidentellement. Sa dépression chronique a fait fuir son mari vers d'autres horizons féminins. Et son fils, Samuel, ne va pas bien, vraiment pas bien du tout. Il fréquente des garçons peu "fréquentables" et sa mère doit le récupérer à la gendarmerie. Sybille comprend vite que son garçon est en danger et prend une décision énergique : elle vend sa maison de famille pour financer un grand périple dans un pays surprenant : le Kirghizistan... Tous les deux aiment les chevaux et ce lien va permettre une sorte de reconquête. Samuel semble perdu dans un monde de rancœur, de repli sur soi, d'agressivité et de mal-être. Comme beaucoup d'adolescents, il vacille, n'a pas confiance en lui, voit les adultes comme des ennemis. Sa mère lui renvoie cette image de femme fragile et son père, une image d'irresponsable. Samuel accompagne sa mère car il n'a pas le choix. Le duo mère-fils va-t-il exploser dans ce périple ou au contraire, se souder davantage ?  Je ne dévoilerai pas les nombreuses aventures, bonnes et mauvaises,  dans ce pays inconnu. Sibylle va retrouver le goût de vivre, Samuel, ses repères affectifs. Laurent Mauvignier fait ressentir grâce à son écriture précise, belle et charnelle, la chaleur des chevaux, la présence de la nature, les rencontres imprévues, le dialogue perdu et retrouvé, des personnages mouvants et émouvants, la fragilité des êtres, les liens familiaux inextricables et complexes... Dans une émission littéraire, l'écrivain expliquait que la matrice de son livre prenait sa source dans un fait divers d'un père de famille voulant sauver son fils grâce à un périple dans un pays lointain. Cette mère si fatiguée et pourtant si vivante réussira à renouer des liens avec ce garçon mutique, replié sur lui-même, en proie à un mal être courant à son âge. Et Samuel finira par comprendre que sa mère ressemble à une véritable héroïne des temps modernes... Un des plus beaux romans de la rentrée... 

mardi 25 octobre 2016

Rubrique cinéma

Le film de Nicole Garcia, "Le mal de pierres" se laisse voir avec plaisir. Il repose sur Marion Cotillard qui joue un rôle difficile et ambigu. L'histoire se passe en Provence dans les années 60. Gabrielle et son mari accompagnent leur fils à Lyon pour un concours de piano. Quand elle aperçoit un nom de rue qui lui est familier, elle abandonne brutalement sa famille pour vérifier cette adresse. Puis, le flashback reprend ses droits et on voit la jeune femme se conduire bizarrement dès la première image du film. Elle est agitée, fiévreuse, imprévisible. Sa réputation d'être folle l'isole et elle se refugie dans une conduite excessive. Son comportement découle d'une brûlure intérieure sur le plan physique car le mal de pierres est une maladie handicapante. Elle tombe amoureuse d'un professeur qui lui donne des conseils de lecture. Elle interprète le prêt d'un livre comme une déclaration d'amour. Cette paranoïa l'entraîne dans un malentendu avec ce maître qui repousse ses avances. Sa mère décide de se "débarasser" d'elle en proposant à un de ses journaliers espagnols, un mariage arrangé. Celui-ci accepte le contrat et le mariage s'organise sans amour car Gabrielle le rejette avec mépris. Ils s'installent dans le midi et son mari, pourvu d'une patience infinie, lance son entreprise de maçonnerie. La scène où elle lui vend son corps illustre le marché que sa mère a proposé au réfugié espagnol. Comme sa maladie l'empêche d'avoir un enfant, elle part en cure dans un grand hôtel suisse. Elle rencontre un jeune homme malade qui lui offre un de ses livres. Gabrielle est attirée par ce lieutenant solitaire et cultivé qui lui aussi s'intéresse à elle. La jeune femme voit pourtant le jeune homme quitter l'hôtel... Son mari présent à ce moment-là comprend qu'ele vit une histoire d'amour avec le lieutenant. Quand le jeune homme revient à l'hôtel, Gabrielle le rejoint dans sa chambre et vit sa première nuit amoureuse. Ils décident de partir ensemble mais, il veut mettre de l'ordre dans sa vie et lui demande un délai. Revenue chez elle, la jeune femme envoie des lettres enflammées à son lieutenant muet. Car, il ne répond plus, il s'est évaporé. Je ne révèlerai pas le dénouement du film... Un coup de théâtre attend les spectateurs et Nicole Garcia, la réalisatrice, nous offre sa sensibilité, son empathie envers un personnage féminin, aveuglée par "l'amour de l'amour", une passion dérangeante et dangereuse. Ce film appartient à la catégorie des mélos romanesques mais, parfois, le spectateur(trice) peut adhérer à une histoire très bien ficelée, filmée avec émotion et qui, en plus, se termine bien...

lundi 24 octobre 2016

"Judas"

Amos Oz, l'un des plus grands écrivains israéliens, vient d'écrire "Judas", édité chez Gallimard. Il s'agit d'une histoire complexe sur les plans historique et politique qui se situe en 1959, mais on peut le lire avec intérêt. Le personnage central, Schmuel, un jeune étudiant de 25 ans, se fait larguer lamentablement par sa petite amie et interrompt sa vie universitaire. Ce garçon est qualifié de "corpulent, barbu, timide, émotif, socialiste, asthmatique, cyclothymique". Il prépare un mémoire sur Jésus dans la tradition juive. Il répond à une annonce pour un poste d'homme de compagnie d'un certain Gershom Wald, un érudit très âgé, bavard et doté d'une causticité sans limite. Il rencontre lors de son entretien sa belle fille, Atalia, qui s'occupe du vieux monsieur et de la maison. Entre ces trois personnages, se lie une relation quasi familiale. Schmuel se refugie dans sa petite chambre et observe les us et coutumes de la maison. Il tombe amoureux d'Atalia qui a pourtant vingt ans de plus. Elle le cantonne à son rôle d'assistant de son beau-père et l'évite en organisant sa vie quotidienne. Le roman se lit sur deux niveaux : l'histoire de Schmuel en proie à la frustration amoureuse et celle du discours de l'écrivain à travers les nombreuses conversations du jeune homme avec l'érudit. En filigrane, le personnage de Judas obsède le jeune étudiant comme la figure du traître. Le propre père de la jeune femme, un homme politique influent, a toujours été considéré comme un traître car il refusait la création de l'état d'Israël, voulant cohabiter pacifiquement avec les Palestiniens. Dans un article du journal Le Monde des Livres, Amos Oz explique le rôle des traîtres dans l'Histoire qui sont parfois des visionnaires et le parallèle entre Judas et Abravanel en est l'illustration. Il peut arriver que l'on se perde un peu dans les pensées du jeune homme et de l'érudit parce que le monde d'Amos Oz n'est pas simple à comprendre. La lecture demande parfois des efforts, mais et il suffit de s'informer sur Israël pour surmonter les difficultés que l'œuvre d'Amos Oz peut entraîner.

vendredi 21 octobre 2016

Escapade à Milan, 4

Je ne pouvais pas quitter Milan sans découvrir le seul musée archéologique de la ville : le Civico Museo archeologico, car j'aime retrouver les racines les plus anciennes de tous les lieux que je visite. Milan doit son nom "Mediolanum" (pays du milieu) aux Celtes qui la fondèrent au Ve siècle avant J.-C.. Les Romains la conquirent en 222 av. J.-C., puis des Barbares ont dévasté la cité dont les Wisigoths et les Lombards, peuple guerrier venu de la Baltique, se sont installés dans le Nord de l'Italie pendant deux siècles... Le musée civique est installé dans le couvent de San Maurizio et propose des collections fort intéressantes. J'ai été étonnée de ne voir personne dans les murs de ce musée et j'ai ainsi pu admirer en toute tranquillité tous les vestiges de la cité milanaise. Les fouilles ont dévoilé les objets usuels comme les lampes à huile, les bijoux, les poteries et les statuettes votives en terre cuite. Un grand plan de Milan à l'époque romaine et en trois dimensions permet de comprendre la naissance de la cité. J'ai retrouvé la civilisation étrusque avec les urnes funéraires sculptées, des bustes, des objets divers.Quelques vases grecs attiques à figures rouges en très bon état ont retenu toute ma plus grande attention et j'ai complété ma collection de photographies sur ces œuvres d'art extraordinaires. Des pans entiers de mosaïques montraient le raffinement des villas romaines. Une salle égyptienne méritait aussi le détour. Milan antique, Milan chrétien, Milan Renaissance, Milan moderne, Milan futuriste, tous les visages de cette ville composent un livre d'images passionnant à découvrir comme toutes les capitales européennes. J'ai terminé mon séjour en arpentant la belle galerie Victor Emmanuel II, cousine de la napolitaine, la Umberto, construite en 1865 sur un plan en croix latine. Beaucoup de magasins de luxe, de cafés et de restaurants donnent une ambiance fiévreuse à ce lieu ouvert sur la place du Duomo. Et en traversant la place, j'ai assisté à la cérémonie consacrée à Dario Fo, le dramaturge italien, prix Nobel de littérature. Une foule compacte et émue lui rendait un hommage sincère. Même sous une pluie intense, Milan conserve un charme certain et sa richesse culturelle surpasse de loin sa réputation commerciale de ville vouée au luxe et au football. Le luxe pour moi se résume au mot culture, un luxe que tout le monde peut s'offrir...

jeudi 20 octobre 2016

Escapade à Milan, 3

La Pinacoteca de Brera est installée dans un palais du XVIIe siècle et offre une des plus belles collections d'art italien de la Renaissance et du Baroque. J'ai, évidemment, admiré quelques peintres que j'aime particulièrement : Piero della Francesca, Bellini, Raphaël, Le Caravage. Le musée propose aussi des salles de peinture moderne et j'ai retrouvé avec plaisir "mon" Giorgio Morandi que j'avais admiré dans l'espace Novecento, près du Duomo. Cet artiste ne peint que des paysages et des natures mortes représentant des bouteilles, des bols, des vases de fleurs, des pichets et ces objets usuels d'une simplicité prosaïque me plongent dans une réflexion sur notre humble condition humaine, tissée de solitude et de déréliction. J'ai aussi remarqué quelques peintres italiens du mouvement futuriste des années 30. Découvrir toutes ces œuvres ouvre aussi des horizons nouveaux et aiguise ma curiosité intellectuelle. Je consulte des documents pour m'informer sur tel peintre, sur un mouvement, sur la Renaissance et les livres m'apportent ces connaissances indispensables. Partir et découvrir ouvrent l'esprit pour d'autres voyages intérieurs... Dans le palais de Brera, j'ai aussi visité la bibliothèque nationale de Milan, la "Braidense", un lieu de recherche toujours en activité. Les lecteurs penchés sur leurs livres donnaient une image de paix et de sérénité qu'il était bon de saisir en ces temps troubles de violences diverses dans notre pays. Si certains jeunes "hors sol" s'appropriaient ces lieux magiques pour devenir des citoyens, la paix sociale gagnerait du terrain... Je rêve, évidemment. Une ambiance harmonieuse dans l'institution se déployait à tous les étages avec des étudiants des beaux-arts dans tous les couloirs. Ce dynamisme autour de la culture me réconciliait avec notre présent et je me disais que l'héritage culturel en Italie fonctionne peut-être beaucoup mieux qu'en France... J'ai aussi découvert deux musées très intéressants : le Poldi-Pezzoli et la Casa Boschi Di Stefano. Le premier présentait des collections d'art de grande qualité dans un hôtel particulier très luxueux. Le second musée se situe dans un appartement art nouveau et offre une ambiance plus intimiste. A ma grande surprise, j'ai admiré quelques Morandi, des Chirico et des peintres italiens futuristes. Il ne faut pas oublier ces lieux confidentiels qui recèlent quelques merveilles à ne pas manquer. Je voyage dans une ville comme un enfant qui se lance dans une chasse aux trésors... Et des trésors, Milan en recèle beaucoup...

mercredi 19 octobre 2016

Escapade à Milan, 2

J'ai eu la chance de profiter de deux belles journées ensoleillées pour me promener dans les belles rues de la ville, les places et les jardins. Avec l'apparition de la pluie dès le jeudi, les musées ont servi d'abris réconfortants, remplis de merveilles. Dès le mercredi, j'ai pris le chemin du château Sforzesco en traversant la via Dante et le Milan moyenâgeux s'est profilé avec ses tours et ses remparts de briques rouges. Le Castello, bâti par les Visconti au XIVe siècle, a été détruit puis reconstruit et s'est transformé en musées divers consacrés à l'art ancien lombard, aux sculptures religieuses, aux fresques et aux armes. Ces pièces proviennent de la démolition des églises, des couvents et des palais. Mais la sculpture la plus remarquable se trouve dans la salle delle Asse : la Pieta Rondanini de Michel Ange, un marbre inachevé d'une beauté à couper le souffle. Dans la pinacoteca du château, les plus grands peintres italiens défilent sous mes yeux : Mantegna, Lippi, Lotto, Canaletto, Guardi, Tiepolo, etc. J'ai ensuite traversé le parc Sempione, le plus grand de la ville, et je me suis retrouvée devant l'Arc de la Paix, commandité en 1809. Après cette plongée dans l'art lombard, j'ai visité le quartier Navigli, composé de canaux et de maisons basses donnant un aspect de village le long de la promenade. Il reste même un lavoir, heureusement sauvegardé pour illustrer cette vie de quartier populaire. Mais, les deux plus grands musées de Milan que j'ai visités pendant les jours pluvieux ont mérité leur réputation internationale : la Pinacoteca Ambrosiana et la Pinacoteca de Brera. Pour la première galerie, quelle fut ma stupéfaction de me retrouver seule (avec mes amies, quand même) devant tant de tableaux de grands peintres : Léonard de Vinci (portrait d'un musicien), Botticelli, etc. J'ai traversé toutes les salles avec intérêt mais quand j'ai pénétré dans la bibliothèque ambroisienne, créée en 1609 avec un fonds de 700 000 ouvrages, j'ai remarqué une lumière tamisée qui ne m'a pas empêchée  d'admirer l'architecture intérieure de ce lieu consacré à la lecture. Dans le fond de la salle, la corbeille de fruits du Caravage, peinte en 1596, n'attendait que ma visite pour lui tenir compagnie... Comme j'ai toujours aimé les natures mortes, celle du Caravage surpasse les autres. J'avais envie de saisir une grappe de raisin pour savourer cette beauté picturale. J'ai quitté la Pinacothèque en acquérant le catalogue en anglais pour garder un souvenir de toutes ces œuvres d'art et quand je le feuillèterai régulièrement cet hiver, c'est le génie italien que je retrouverai... 

mardi 18 octobre 2016

Escapade à Milan, 1

Je viens d'effectuer ma dernière escapade de l'année en visitant Milan, une étape indispensable pour découvrir les richesses culturelles de l'Italie du Nord. Ce pays me fascine et je "collectionne" les villes comme on collectionne des tableaux vivants de l'art. Après la Sicile, Rome, Venise, Florence et la Toscane, Naples, je savais que Milan me réservait de belles surprises. Evidemment, cette métropole lombarde, la deuxième ville après Rome, mérite une escapade de cinq jours. J'ai pris le TGV à Chambéry et après quatre heures de route ( de rails), je suis arrivée à la gare Garibaldi. J'ai réservé ma première visite au célébrissime Duomo, la cathédrale gothique du centre ville, une des plus grandes d'Europe après celles du Vatican et de Séville. J'avoue que cet édifice ne peut qu'attirer l'admiration avec ses deux mille statues sur les façades et sur le toit.  La construction de cet édifice grandiose a démarré en 1386 sous le règne des Visconti et s'est terminé en... 1809 ! Sur la plus haute flèche, haute de 108 mètres, brille la silhouette de la Madoninna, la Vierge protectrice de la ville. Quand je suis entrée à l'intérieur de la cathédrale, j'ai retenu mon souffle devant l'immensité des cinquante deux piliers au sommet desquels s'enroulent des fresques sculptées. Les vitraux diffusent une lumière bleutée qui change constamment au fil des heures. Il fallait marquer la magnificence de la chrétienté et cet emblème religieux est devenu le cœur battant de la ville où Milanais et touristes se retrouvent en toute quiétude malgré la présence importante des militaires qui protègent ce magnifique monument. Mais, le Duomo n'est pas la seule cathédrale à visiter et j'ai découvert des églises milanaises aussi belles que celles de Rome et de Venise. Je citerai surtout l'église conventuelle de San Maurizio avec la chapelle dédiée à Sainte Catherine, couvertes de fresques incroyables dont une représentation de l'Arche de Noé et celle de San Simpliciano, fondée au IVe siècle par Saint Ambroise. Chaque église visitée constituait un musée tellement les fresques et les tableaux, les chapelles, les orgues, les autels formaient un ensemble harmonieux, nimbé de silence et de recueillement. J'ai croisé très peu de touristes dans ces lieux de culte... Bizarre, ils étaient tous devant le Duomo et surtout dans les nombreux magasins de luxe qui fourmillent à Milan. La réputation de la ville s'appuie sur la mode, le luxe et le raffinement et j'ai constaté pendant ces cinq jours la discrétion et la gentillesse de ces Italiens du Nord beaucoup plus calmes que les Napolitains... Un certain art de vivre se cultive avec le nombre des pâtisseries, des restaurants et des cafés et je n'ai pas résisté au tiramisu et aux glaces...

lundi 17 octobre 2016

Prix Nobel de Littérature

Quelle surprise de voir un chanteur de folk, même génial,  gratifié d'un prix littéraire de cette dimension après Camus, Le Clézio, Modiano pour ne citer que nos compatriotes ! Je comprends que les Suédois aient voulu moderniser, toiletter, rajeunir ce prix plus que centenaire. Mais, choisir Bob Dylan au détriment des écrivains américains qui le méritent depuis tant d'années, me laisse sans voix. Des critiques littéraires ont écrit dans la presse leur étonnement et pour certains d'entre eux leur consternation devant tant de démagogie de l'Académie suédoise. En d'autres termes, pourquoi Bob Dylan et pas Patti Smith qui, elle, dispose d'une œuvre littéraire incontestable ? J'aurais aussi décerné ce prix à Joan Baez, plus charismatique que Bob Dylan. J'avoue que je ne connais pas bien Bob Dylan, ayant peu de goût pour la chanson en général... Je baigne trop dans la musique classique pour m'intéresser à la chanson internationale qui a des milliards de fans sur la planète. Je préfère les causes désespérées et je soutiens et soutiendrai toujours les compositeurs des siècles passés qui sont peu écoutés de nos jours par les jeunes en particulier... Ce n'est pas un réflexe élitiste de ma part mais un constat de mon décalage culturel, de mes préférences archaïques alors que je devrais connaître les grands noms du rock, de la pop, du jazz, etc. Pierre Assouline dans son blog passionnant, "La République des Livres", titre son billet ainsi : "Le bras d'honneur des Nobel à la littérature américaine". L'écrivain manifeste son dépit car, à ses yeux, l'Académie suédoise a oublié volontairement les grands de la littérature américaine : Philip Roth, Joyce Carol Oates, Russel Banks, Don De Lillo. Je voulais mentionner ce fait divers culturel car le prix Nobel annonce tous les prix littéraires de l'automne et cette surprise, que certains approuveront totalement, m'a déçue mais je m'en remettrai sans problème. L'année prochaine, les Nobel vont-ils choisir un humoriste célèbre, un journaliste de talent, un homme ou une femme politique ? Ou reviendront-ils sur la terre des écrivains ? Rendez-vous le 13 octobre 2017...

lundi 10 octobre 2016

Jeudi des livres, 2

Je poursuis mon compte-rendu avec Véronique qui a beaucoup aimé le roman de Pierre Lemaître, "Au revoir, là-haut" et celui de Marc Dugain, "L'insomnie des étoiles". Danièle a choisi une nouveauté de la rentrée avec "Le garçon" de Marcus Malte, un ouvrage de plus de cinq cents pages relatant à la façon d'un conte, le destin d'un enfant sauvage au début du XXe siècle. Ce roman l'a vraiment intéressée en le comparant avec le "Cent ans de solitude" de Gabriel Marquez. Janelou a bien apprécié un très bon premier roman sur la Guerre d'Algérie, "Finir la guerre" de Michel Serfati. Elle aime les textes autofictionnels de Lionel Duroy dont son tout dernier publié en septembre, "L'absente" où l'écrivain revient sur sa mère et se réconcilie avec elle au-delà de la mort. Les règlements de compte que Lionel Duroy met en scène dans ses livres peuvent être taxés de "nombrilistes" mais, le thème de la famille a toujours nourri la littérature et continuera à l'épicer et à la troubler... Dany m'a envoyé un message pour s'associer à nos retrouvailles livresques. Elle a mentionné  "Dans les forêts de Sibérie" de Sylvain Tesson, "Un fils en or" de S.D.Gowda, "Le bruit des trousseaux" de Philippe Claudel, "A l'orée du verger" de Tracy Chevalier, pour ne citer que les premiers coups de cœur de la liste. La séance s'est terminée avec une rubrique cinéma. Mylène a vu un film sur Zweig, "Adieu, l'Europe" qu'elle a beaucoup apprécié. Janelou a cité un film très intéressant sur la danse, "La relève" sur l'Opéra de Paris et sur la vie difficile des danseurs étoiles. Nous nous retrouverons le jeudi 3 novembre pour partager livres et films du mois. La rentrée littéraire aura distribué ses nombreux prix et nous les évoquerons certainement avec plaisir. Le prix Nobel de littérature sera décerné jeudi prochain et j'ai pensé à Eri de Luca, Philip Roth, Annie Ernaux, Milan Kundera et, évidemment, les Suédois nous surprendront !   

samedi 8 octobre 2016

Jeudi des Livres, 1

L'atelier de lectures ne se tient plus le mardi, mais le jeudi... Dorénavant, nous nous retrouverons une fois par mois à l'AQCV qui m'a très gentiment prêté une salle pour nous réunir autour des livres. Ce jeudi des livres (Je dis des livres) a démarré le 6 octobre et malgré l'absence de quelques participantes, nous étions assez nombreuses pour former un groupe de lectrices très motivées. J'ai proposé d'aborder pendant les deux heures de la séance les coups de cœur de l'été. Nous avons envisagé une formule un peu plus inédite en conservant pendant la première heure, les coups du cœur du mois et dans la deuxième heure, une d'entre nous mène la séance en ayant choisi un thème ou un roman, un essai ou un écrivain. Pour lancer la nouvelle mouture pour le jeudi 3  novembre, j'ai pensé à un roman de Pascal Quignard, "Les solidarités mystérieuses", une ouverture fictionnelle à sa pensée et à son œuvre. Ensuite, je passe le "relais" pour une proposition nouvelle en décembre. Ce partage des projets de lecture permettra une participation plus active de mes amies lectrices. Mylène a pris la parole pour évoquer ses coups de cœur : "Nora Webster" de Colm Toibin, un écrivain irlandais, très apprécié dans son pays et chez nous. Il décrit la vie d'une veuve en se mettant à sa place dans les années 80. Ce temps du deuil est analysé d'une façon magistrale. Mylène a cité "Les pêcheurs d'Islande" de Pierre Loti, roman qu'elle a acheté dans la très bonne Librairie du Renard à Paimpol. La prose de Loti est toujours aussi belle dans les descriptions marines. Evelyne a poursuivi en résumant un ouvrage de Matin Arditi, "L'enfant qui mesurait le monde". L'histoire se déroule dans une petite île grecque avec trois personnages emblématiques : Maraki, une femme courage, pêcheur à la palangre (aux filets), son fils autiste, Yannis,  et un architecte américain, Eliot. Eliot a perdu la trace de sa fille qui était installée dans l'île pour effectuer des fouilles archéologiques. Un projet d'hôtel perturbe la population et la découverte des cahiers de sa fille va peut-être enrayer la spirale infernale du tourisme de masse qui dégrade les paysages grecs. Un très bon roman, selon Evelyne, helléniste de toujours et sensible aux belles histoires. La relation entre Yannis et Eliot l'a particulièrement marquée. Régine a poursuivi l'évocation des coups de cœur en nous parlant avec conviction et passion du livre de Rabih Allameddine, "Les vies de papier", publié chez l'éditeur "Les Escales". Ce journal intime est tenue par une libraire, Aaliya Saleh, âgée de 72 ans. Elle raconte sa passion de la littérature en citant ses mentors comme Pessoa (tiens, tiens), Kafka et Nabokov. Régine a précisé que ce livre ne se lit pas d'une seule traite. Il vaut mieux le savourer en accompagnant cette libraire qui a rejeté les carcans d'une société libanaise qu'elle juge trop traditionnelle. Elle nous a lu des extraits qui nous donnaient l'envie de le lire et avant de conclure, elle a ajouté un deuxième coup de cœur avec "Mémoire de fille" d'Annie Ernaux, un ouvrage d'autofiction remarquable sur sa jeunesse. Comme la séance était réservée aux coups de cœur, je consacrerai un deuxième billet lundi.

vendredi 7 octobre 2016

Rubrique cinéma

J'ai donc vu le film de Xavier Dolan, "Juste la fin du monde" et j'ai reconnu la griffe "dolanesque" dans la thématique du mal être, des dégâts psychiques qu'une famille mal assortie peut provoquer. Ce film dramatique dans son austérité théâtrale peut déranger par sa violence et sa désespérance. Le personnage principal, écrivain et homosexuel, revient dans sa famille après douze ans d'absence. Dès la première minute, on sait qu'il va mourir et il veut annoncer cette nouvelle à son frère, sa sœur et sa mère. Quand il se rend dans la maison familiale, sa mère sèche ses ongles, sa sœur hurle sur elle, son frère éclate de colère et sa belle-sœur est la seule à le recevoir gentiment sans le heurter. Ce film réunit les personnages dans un huis clos hystérique. La mère futile et agitée ne comprend pas son fils mais elle lui déclare son amour. Sa sœur a grandi mais elle reproche avec amertume et rancœur l'absence de ce frère, devenu un écrivain célèbre. Elle se sent rejetée et se dispute sans cesse avec le frère aîné. Ce frère résume à lui seul les relations familiales tissées d'incompréhension. Le verbe comprendre revient souvent dans leurs échanges volcaniques : "Je ne te comprends pas mais je t'aime quand même." Le jeune homme a abandonné cette famille à cause de sa vie amoureuse et ce retour raté lui fait comprendre que la paix et la sérénité ne règneront jamais dans ce milieu anxiogène et explosif. Une scène dans la voiture entre les deux frères me semble significative : ils ne peuvent pas communiquer. Le frère aîné lui reproche d'être dans les mots, le langage, la parole construite et élaborée et surtout, son silence, lourd de sens. Un gouffre infranchissable les sépare et le jeune écrivain finit par se taire par impuissance. Il ne dira rien, au fond. Il renonce à annoncer cette nouvelle funeste. Il préfère partir, quitter cette famille où il est impossible de se comprendre. Xavier Dolan raconte à sa façon excessive et passionnée les liens inextricables d'une famille complexe et frustre. Un film fort, troublant et intense comme son réalisateur...

jeudi 6 octobre 2016

Escapade à Lisbonne, 5

Cet été, je me suis mise à lire et relire Fernando Pessoa. J'ai déjà évoqué cet immense écrivain-poète dans ce blog avant de partir à Lisbonne. J'ai été fortement étonnée de voir son effigie dans les boutiques de souvenirs, sur des carnets, des pavés, des sacs, des porte clés. etc. Un écrivain aussi secret et aussi austère est devenue l'icône de la ville en dix ans côtoyant les sardines en boîte et autres gadgets fabriqués en Chine. Fernando Pessoa revenant sur terre serait vraiment très étonné de se transformer en objet publicitaire, lui qui n'a rencontré aucune reconnaissance de son vivant. J'ai donc cherché ses traces dans la ville lumière en démarrant dans le Chiado, près de la place Camoes.  Devant le bar "Brasiliera" que le poète fréquentait, une statue en bronze doré le représente assis et attablé près d'un guéridon. Quelques touristes curieux se font photographier devant l'éternité. Mais, il vaut mieux aller visiter le musée Pessoa dans un quartier excentré de la ville. La mairie a choisi un petit immeuble où l'écrivain a vécu les quinze dernières années de sa vie. Dès que l'on aperçoit la façade, les citations de l'écrivain s'étalent sur les murs et ces graphismes donnent une image de livre ouvert. Dès l'entrée de l'immeuble, une bibliothèque regroupe  toutes ses œuvres dans toutes les langues qui peuvent être consultées sur place et la bibliothécaire m'a mis sur une table quelques livres en français pour les consulter. J'ai lu quelques poèmes avant de visiter sa chambre modeste avec un lit étroit et des objets usuels dans des vitrines. De nombreuses photos relatent la vie de Pessoa avec ses diplômes, ses fiches de notes, etc. Ce petit musée présente un ensemble de documentation hétéroclite, constitué de livres, d'objets, de photographies, de figurines et de films. Pour apprécier pleinement cet espace littéraire, il faut quand même comprendre le portugais, ce qui n'est pas mon cas, hélas... J'ai repris mon chemin vers la Place du Commerce où un des bars les plus anciens de la ville, le café Martinho da Arcada était fréquenté par les écrivains et les intellectuels dont mon poète lisboète. Un emplacement lui était réservé et j'ai vu sa tasse de café, son petit verre de digestif, son chapeau, et des livres de Pessoa sur la table. J'ai pensé au Flore à Paris où Sartre et Beauvoir avaient leur table réservée. J'ai même aperçu sur la façade de l'église des Martyrs, une plaque sur le baptême de Pessoa dans cet édifice... Lisbonne rend donc un hommage fervent à cet écrivain méconnu à son époque car son œuvre a commencé à être publiée dans les années 70, trente cinq ans après sa mort. Lisbonne a pris le visage de Pessoa pendant mon séjour et malgré sa marchandisation surprenante,  il reste son œuvre à découvrir et redécouvrir sans cesse...

mercredi 5 octobre 2016

Escapade à Lisbonne, 4

Un de mes plus grands bonheurs quand je me trouve dans une grande capitale européenne peut se résumer en un seul mot : l'art ! J'organise ma journée en fonction des heures d'ouverture de ces institutions et à Lisbonne, les musées ouvrent leurs portes de dix heures du matin à dix-huit heures sans exception. Je partais le matin pour découvrir ces musées en me donnant pour objectif de me limiter à deux musées par jour. Je suis donc revenue à Lisbonne pour revoir les toiles de Vieira da Silva dans sa Fondation située dans un quartier un peu excentré. J'ai ressenti la même émotion que j'avais vécue la première fois en 2002. Une bonne trentaine de tableaux m'attendait et les observer dans leur format, leurs couleurs, leur structure augmentait mon admiration pour cette grande dame si modeste de la peinture lyrico-abstraite. J'aime me perdre dans toutes les lignes, les formes, les parallèles, les verticales, les horizontales, et dans le cadre, apparaît une fenêtre, une issue, un espace de liberté comme une envolée vers la liberté. Ce dimanche matin, nous étions cinq visiteurs à rencontrer les œuvres de Vieira sans nous gêner et en partageant notre affection pour cette créatrice de génie, malheureusement peu connue alors qu'elle a marqué son époque sur le plan pictural. Après ce pèlerinage culturel, consacré à mon peintre préférée, j'ai pris le chemin du bord de Tage pour visiter le Musée national d'Art ancien de Lisbonne niché sur une colline face au fleuve. Le charme du musée réside dans sa dimension plus que raisonnable et le nombre de tableaux n'écrase pas le visiteur. J'ai remarqué la salle des Guardi, Breughel, Turner, Raphaël, Durer, Cranach, etc.  Mais, quelle déception d'apprendre que le Jérôme Bosch avait migré au Prado à Madrid. Je me suis consolée en découvrant une magicienne des natures mortes : Josefa de Obidos, une rareté extraordinaire dans un monde masculin en majorité. Le troisième musée très important, le Berardo,  qu'il ne faut surtout pas manquer, se situe à Belem, en face du Monastère des Hiéronymites dans un complexe culturel au bord du Tage. Ce Beaubourg lisboète repose sur des collections privées de José Berardo, un homme d'affaires, amateur d'art. Dans un espace blanc, l'art moderne et contemporain aligne les œuvres des artistes comme Picasso, Max Ernst, Balthus, Miro,  Delvaux, Bacon, Arman et même Warhol. Le monde de l'art est donc bien présent à Lisbonne sans oublier la Fondation Gulbenkian et le musée d'art contemporain du Chiado où j'ai découvert l'univers coloré et fantasmagorique de Paula Rego, une femme artiste de tout premier plan. Les voyages se font aussi dans la planète Art et les musées lisboètes méritent qu'on leur consacre toute notre attention admirative... 

mardi 4 octobre 2016

Escapade à Lisbonne, 3

Après avoir livré mes premières impressions sur Lisbonne, j'ai envie d'évoquer mes visites les plus réussies concernant la planète "Livres" car on ne se débarrasse pas de ces passions dans les voyages... J'ai réservé la journée de lundi à Mafra, tous les musées étant fermés le lundi. Pourquoi Mafra ? Cette petite ville à 35 kilomètres de Lisbonne possède un des plus grands monastères baroques du Portugal, édifié par le roi Joao 1er en 1717 : il voulait concurrencer l'Escurial, proche de Madrid. Ma première étape "livresque" se trouvait à la fin de la visite quand je me suis retrouvée devant la bibliothèque de Mafra, une des plus belles d'Europe. En tant qu'ancienne bibliothécaire, je rêve de connaître les plus belles bibliothèques européennes et après avoir vu celles de Coimbra, Vienne, Florence, Amsterdam, de l'Escurial, j'ai vécu un moment d'émerveillement devant tant de beauté architecturale dans des tons d'ivoire et de blanc magnifiques. On ne pouvait pas s'avancer à l'intérieur mais derrière le cordon de sécurité, j'ai admiré les livres reliés (plus de 40 000 ouvrages),  la galerie du premier étage, les fenêtres en hauteur illuminant l'espace. J'ai ressenti une quiétude latente, un silence recueilli et un respect naturel devant ce site unique, lieu de connaissance et de savoir où je me suis retrouvée quasi seule avec la gardienne... On imaginait les moines dans ce lieu décryptant les ouvrages en grec, en latin, recopiant les manuscrits, dessinant les enluminures dans les livres religieux. Toute une ambiance qui m'a rappelé "Le nom de la Rose" d'Umberto Eco. Je ne décrirai pas les nombreuses salles du monastère et du palais dont l'hospice des moines, lieu imprégné d'austérité et de gravité. Je cumule ainsi les visites de bibliothèque, de la plus patrimoniale à Mafra à la plus originale à LXFactory, un quartier des docks à Lisbonne. Le contraste frappant entre un palais-monastère austère et un quartier de docks  complètement en friches, tagué à outrance, alternatif et bobo, marque mon voyage temporel du XVIIIe au XXIe siècle. La librairie "Ler divagar" ou "prendre son temps pour lire" nous invite dès le seuil à un vertige spacial quand on remarque les hauteurs de rayonnages d'une trentaine de mètres. Les livres dessinent un espace géométrique extrêmement coloré, digne des tableaux de Vieira da Silva. Une bicyclette blanche est suspendue au plafond et des tables nous attendent pour feuilleter les milliers d'ouvrages dans tous les domaines. Ce lieu vaste et ludique est une ancienne imprimerie ! Une visite inattendue pour cette librairie atypique d'une originalité folle. Les guides ne la mentionnent pas à part le Routard. J'ai aussi apprécié les librairies anciennes dans le Chiado dont la mythique de la rue Garrett, la librairie Bertrand, fondée au XVIIIe siècle. Les librairies et les églises à Lisbonne ont deux points communs : le silence et l'ombre, deux privilèges dans une ville en pleine effervescence touristique sous un soleil de plomb...

lundi 3 octobre 2016

Escapade à Lisbonne, 2

Je n'avais pas revisité Lisbonne depuis une bonne dizaine d'années et j'avoue d'emblée que la ville blanche a changé de visage... Elle s'est modernisée, branchée, connectée à la planète mondialisée. La révolution "Easyjet" a mis cette Dormeuse du Tage à deux heures de Paris, Lyon, Nantes, Toulouse, Lille et je ne parle même pas des Anglais, des Allemands, des Japonais,  toujours présents dans n'importe quelle capitale européenne. Lisbonne est devenue une cité cosmopolite et touristique comme Barcelone, Venise, Londres, etc. J'ai même rencontré un couple de retraités nantais qui confondaient le Douro et le Tage... Sans commentaires. Beaucoup de jeunes hommes ou des groupes de filles viennent faire la "movida", la fête alcoolisée dans les virées entre les restaurants et les boîtes de nuit. Le coût de la vie au Portugal permet ces fins de semaine où les jeunesses européennes se côtoient. Malgré ces inconvénients que l'on retrouve dans de nombreuses capitales, Lisbonne mérite toute notre admiration car les Lisboètes gardent leur calme, leur gentillesse, leur sollicitude envers les "étrangers" étranges qui s'extasient dans les vieux trams de la capitale avec la légendaire ligne 28, utilisée à outrance par les envahisseurs nostalgiques des transports des années 50 :  inconfortables, bruyants et au fond, d'une simplicité merveilleuse perdue aujourd'hui. Les cars jaunes des touristes fonctionnent aussi dans un entre soi sécurisant mais quand on circule dans une métropole, mieux vaut prendre le métro, les bus électriques et les trams modernes pour se mêler aux habitants. La métropole concentre près de trois millions de Portugais dont cinq cent mille intra muros. Mes premières images de la ville ont ravivé les premiers souvenirs des années 2000 : les rues pentues et étroites, la vie partout sur les façades avec le linge suspendu, les chats installés sur les fenêtres, les femmes affairées, les garçons avec la balle au pied, les drapeaux du pays pour affirmer la fierté portugaise, les bars et les épiceries ouverts tard, très tard la nuit. Pour les amoureux du silence, il vaut mieux s'abstenir ou visiter la ville de sept heures du matin à dix heures... Lisbonne se transforme en musique contemporaine : le cliquetis des trams, les sirènes des bateaux, les klaxons des voitures, les camions de poubelle, les maisons ouvertes sur les rues, les voix humaines. Un fait m'a frappée aussi en découvrant les murs de la ville recouverts de milliers de tags dont certains sont même baptisés de "Street art". Entre les grues qui travaillent à la réhabilitation des immeubles et les chantiers des futurs trams, la ville offre une image dynamique, fiévreuse et en construction, d'une modernité avant-gardiste. J'ai éprouvé aussi et malgré la foule de touristes, un grand sentiment de sécurité avec une présence discrète de policiers. Le plus grand spectacle de la cité lisboète reste malgré tout le fleuve, Tage, Tejo en portugais, majestueux, large de onze kilomètres, ressemblant à une mer intérieure, un lac géant sur lequel les voiliers, les ferries, les cargos, les paquebots se croisent dans un ballet aquatique permanent. Je pouvais suivre de ma terrasse les traces écumeuses de ces bateaux sillonnant le fleuve en amont, vers l'océan, d'une rive à l'autre. Une cité adossée à un fleuve presque marin m'a toujours attirée comme à Porto avec son Douro. J'aborderai dans les billets de la semaine mon escapade lisboète en évoquant les beaux sites visités, les découvertes inattendues, les figures littéraires, les peintres, les librairies, et le Tage, fil conducteur de mon séjour ensoleillé, très ensoleillé...