jeudi 5 mars 2020

"La Peste", 1

Le roman d'Albert Camus, "La Peste", est devenu, paraît-il, un achat compulsif dans cette période anxiogène où le pays subit une épidémie qui s'amplifie de jour en jour. Je l'avais depuis longtemps dans ma bibliothèque dans la Collection Blanche de Gallimard. J'ai donc ouvert le roman et je ne l'ai plus lâché. J'avais gardé un souvenir fort et impressionnant de cette œuvre, une des plus lus dans le monde. Des décennies après, une relecture m'a vraiment intéressée au plus haut point. Je me souvenais des rats qui envahissent Oran avant la déclaration de la peste, des malades qui mouraient par centaines, des personnages magnifiques comme le médecin Rambert et le journaliste Tarrou, la petitesse des uns, la grandeur des autres. Je me suis demandée si ce roman avait mal vieilli et tout en redécouvrant le texte camusien, j'ai ressenti une émotion inattendue. Le style n'a pas pris une ride comme Albert Camus, disparu trop tôt à 46 ans. "La Peste" a été publiée en 1947 et appartient à un cycle de la révolte comprenant "L'Homme révolté" et "Les Justes". L'écrivain s'était renseigné sur une petite épidémie de peste bubonique survenue à Oran en 1945, succédant à un épisode plus important à Alger, l'année précédente. L'histoire se déroule donc à Oran dans l'Algérie française. Le concierge de l'immeuble du docteur Rieux tombe malade et meurt soudainement. Grand, un employé de mairie prévient le docteur que des milliers de rats périssent en très grand nombre. La mairie décide de fermer la ville et l'isole pour empêcher la propagation de la peste. L'écrivain, à travers ses personnages, analyse le comportement humain face à un cataclysme. Un journaliste parisien, Rambert, fait tout pour quitter la ville. Cottard, un trafiquant, profite cyniquement du fléau pour faire des affaires. Le Père Paneloux voit dans l'épidémie, une grâce qui peut changer les hommes et les faire basculer dans le Bien. Dans la ville, les crimes se multiplient et les habitants se résignent, abattus par le fléau. Seuls, Tarrou et Rieux soignent les malades avec une conscience exemplaire : "Rieux se secoua. Là était la certitude, dans le travail de tous les jours. Le reste tenait à des fils et à des mouvements insignifiants, on ne pouvait s'y arrêter. L'essentiel était de bien faire son métier". Malgré la menace de mort, ces deux personnages luttent pour éradiquer la contagion. Leur amitié et leur solidarité les maintiennent debout. Le message camusien s'inscrit dans une scène emblématique où les deux amis se permettent un bain de mer dans la nuit, nageant en silence pour se libérer de toute l'angoisse, provoquée par le fléau. En janvier, la peste régresse et un sérum, développé par Castel, un médecin chercheur, commence à faire de l'effet sur les malades. Alors que l'épidémie est déclarée terminée, Tarrou meurt après avoir lutté contre le mal. Cottard, le trafiquant, devient fou et tire sur la foule. Rieux apprend que sa femme n'a pas survécu à la tuberculose. Je ne résume que les faits du roman. Je parlerai demain de quelques scènes significatives de la philosophie de Camus. Cette peste à Oran n'est pas seulement la peste…