vendredi 23 octobre 2020

Rubrique Cinéma

 Cet après-midi, je suis allée voir "Michel-Ange" ou "Il Peccato" du réalisateur russe Andréï Kontchalovsky. Michelangelo Buonarroti (1475-1564), ce génie, cachait aussi un tempérament orageux, colérique et déroutant. Le film s'attache au cadre historique et social de l'époque et à l'homme, tiraillé entre ses mécènes. D'un côté, le pape Jules II de la famille Della Rovere, le commanditaire de la Chapelle Sixtine et de l'autre, les Médicis dont un de ses membres est devenu pape. Michel-Ange croule sous le travail. La famille Della Rovere exige la poursuite du tombeau en marbre de Jules II alors que le nouveau pape lui ordonne d'exécuter la façade de l'église San Lorenzo. L'artiste accepte le contrat des Médicis tout en trahissant les autres. Sa cupidité se vérifie avec l'achat d'une maison et d'une ferme par son propre père. Il est agité, épuisé, tourmenté, car il a donné cinq ans de sa vie à la Chapelle Sixtine. Le réalisateur fouille le personnage avec une vision complexe de sa personnalité. Loin de le mythifier, de le glorifier, il brosse un portrait ambigu du sculpteur en le replaçant dans une Italie du XVIe à Rome, à Florence, à Carrare, en Toscane. Le décor reconstitué ne cache pas la puanteur des rues, la boue, la saleté permanente avec les seaux jetés par les fenêtres. On voit aussi la Chapelle Sixtine, les couloirs du Vatican, les palais des Médicis. La beauté italienne dans les églises, dans les palais et la misère du peuple. Un contraste frappant dans le film. Michel-Ange était autant célébré que haï. Ses concurrents comme Raphaël l'admiraient en le considérant comme le Maître. D'autres le craignaient à cause de ses colères, de sa méfiance. Il peut aussi devenir un magnifique meneur d'hommes dans les carrières de Carrare les amenant à se dépasser pour descendre un bloc de marbre surdimensionné pour l'époque. Ce génie de la Renaissance, exténué par sa propre créativité, devient presque fou dans ses projets titanesques. L'art n'est pas immatériel selon le réalisateur russe mais parfois englué dans les compromissions du pouvoir. Le commerce, l'argent, le pouvoir interviennent dans le destin d'un des plus grands génies de l'humanité. Andréï Kontchalovsky explique dans un article de presse qu'il a voulu évoquer "un homme ordinaire qui a des intérêts, des buts, des batailles de chaque jour à livrer, des problèmes de santé, des superstitions, qui vit avec la présence de Dieu ou du diable". Un film surprenant, somptueux et hybride avec une coopération russo-italienne... A voir, évidemment à l'Astrée.