mardi 4 juin 2019

"Trois étages"

Je ne connaissais pas cet écrivain israélien, Eshkol Nevo et grâce aux coups de cœur de l'atelier Lectures de mai, j'ai lu "Trois étages", publié en 2018 dans la collection "Du Monde entier" chez Gallimard. Dans cet immeuble de Tel Aviv, au premier étage, un ancien officier de l'armée soupçonne un voisin d'actes pédophiles sur sa fille. Pourtant, lui et sa femme ont souvent confié leur fille à ce couple de retraités si gentils, toujours disponibles pour leur rendre service. Lors d'une garde de leur fille Ophri, Hermann, le voisin, part en balade et comme il commence à perdre la mémoire, il s'égare dans un petit bois que la petite fille connaissait. Arnon, le père,  retrouve sa fille et aperçoit la tête de son voisin sur les genoux de sa fille. A partir de cet image qui le rend fou, il devient obsédé par ce geste. Sa petite fille le rassure en lui disant qu'il ne s'est rien passé entre eux. La police lui confirme ce fait mais, lui continue à soupçonner l'agression sexuelle. Cette obsession se transforme en agressivité physique à l'égard d'Hermann quand il lui rend visite à l'hôpital. Il tente de l'étrangler pour qu'il avoue son méfait. Heureusement, le personnel médical intervient et stoppe le geste. Sa femme, Ayelet, doute alors de son mari qu'elle qualifie d'obsédé sexuel. La crise couve dans le couple… Dans le deuxième étage, Hani, dite la veuve, s'ennuie car son mari se déplace très souvent. Elle se sent délaissée. Un jour, débarque son beau-frère, un escroc, recherché par la police pour des arnaques à l'assurance-vie de nombreux retraités ruinés. Elle accepte d'héberger cet homme aux abois pendant quelques jours. Ce beau-frère séduit Hani qui, par dépit, craque devant cet homme qui a besoin d'elle. Elle le cache dans un appartement de voisins absents. En fait, son beau-frère fâché depuis longtemps avec son frère, incarne le mari idéal qu'elle aurait aimé avoir… Au troisième étage, vit une juge d'instruction à la retraite. Elle s'adresse à son mari défunt pour lui raconter sa nouvelle vie. Elle rejoint des jeunes qui manifestent pour des logements moins chers. Sa vie toute tracée prend une direction opposée… L'écrivain conte avec une verve sans pareille trois vies qui se dérèglent sous la pression familiale et sociale. Cette fresque douce-amère décrit la société israélienne, traversée par des tensions et des crises. Chaque protagoniste éprouve un sentiment de solitude et de frustration qui brouille leur communication avec autrui. Le style ironique et alerte de l'auteur apporte à ce roman à trois nouvelles une touche originale. Il est aussi question d'un message psychanalytique avec les trois étages de notre identité : le ça, le moi, le surmoi… Un très bon roman qui m'a donné envie de lire l'ensemble de son œuvre. La littérature israélienne se porte décidément très bien…