lundi 12 août 2024

Les livres en cavale

Comme je me balade souvent au bord du lac, je visite régulièrement les cabanes à livres, dispersées dans des lieux magnifiques comme celle du Jardin vagabond à Aix les Bains. Au Bourget du lac, j'ai trouvé dans une boîte à livres en bois et en forme de maison, un roman de Jean Giono, "Le serpent d'étoiles" et un récit d'une des écrivaines les plus oubliées d'aujourd'hui, Anne Philippe, la femme de Gérard, le grand comédien. Je me demande si les jeunes générations connaissent encore le nom de ce couple emblématique de la culture française des années 50.  Dans ce récit, "Spirale", publié en 1971, je tombe sur une citation de Marguerite Yourcenar en exergue : "Nous sommes si habitués à voir dans la sagesse un résidu des passions éteintes qu'il nous est difficile de reconnaître en elle la forme la plus dure et la plus condensée de l'ardeur, la parcelle d'or, née du feu, non de la cendre". Je découvrirai ce livre avec un grand plaisir. Pour Jean Giono, je me suis assise sur un banc et j'ai ouvert la première page, n'ayant jamais lu ce titre et je retrouve en deux phrases la magie du style gionesque : "Tout est venu de Césaire Escoffier. Tout est venu de ce jour de mai : le ciel était lisse comme une pierre de lavoir ; le mistral y écrasait du bleu à pleine main ; le soleil giclait de tous les côtés". Je découvrirai le destin de Césaire très bientôt.  Ce matin, j'ai visité la jolie boîte à livres devant la mairie de Chambéry le Vieux et j'ai recueilli quelques pépites : "L'espoir" d'André Malraux dans son édition de poche d'origine en parfait état, un McEwan en Folio, "Psychopolis et autres nouvelles", "L'Amandière" de Simonetta Agnello Hornby. Et un lecteur avait déposé un texte de Jankélévitch, "L'ironie". J'apprécie beaucoup ce philosophe et je trouvais dommage qu'un lecteur ou lectrice abandonne cet ouvrage. Cette invention si sympathique des cabanes à livres me réjouit toujours autant et je dispose dans mon territoire proche d'une dizaine de ces boîtes magiques. Parfois, je ne trouve absolument aucun livre qui m'intéresse, mais régulièrement, je déniche quelques titres que je m'empresse de saisir. Dans mon quartier, j'ai une nouvelle boîte bien pratique que j'alimente souvent. Ces niches me réservent souvent des bouffées de nostalgie sur les auteurs oubliés, disparus, engloutis comme Marie Cardinal, Gilbert Cesbron, André Maurois et tant d'autres. Une initiative heureuse de partage quand cela concerne nos très chers amis les livres.