mercredi 8 mai 2024

"Le Journal, 1942-1944", Hélène Berr, 2

 Après l'épisode du port de l'étoile jaune, la jeune fille apprend que son père vient d'être arrêté par un inspecteur de police. L'avenir devient sombre pour la famille. Hélène et sa mère vont lui rendre visite au commissariat et il sera interné à Drancy. Il envoie des lettres et raconte cette vie d'enfermement absurde. Le quotidien d'Hélène se complique et elle note des abérrations nazies : "Les Juifs n'auront plus le droit de traverser les Champs-Elysées", ni de fréquenter les restaurants et les magasins ! Parfois, elle reprend courage en croisant des hommes et des femmes compatissants sur le sort des Juifs à Paris. Malgré ces temps sombres, la jeune Hélène tente de vivre normalement entre ses études, ses sorties avec des amis, son bénévolat pour s'occuper des enfants, sa passion de la musique. Elle apprend la tragédie de la déportation : "On les rase tous, on les parque entre les barbelés, et on les entasse dans les wagonsà bestiaux, sans paille, plombés". Une belle surprise l'attend quand son père, interné à Drancy depuis trois mois, est enfin rentré chez lui après le versement d'une caution que l'entreprise a donné pour le libérer. Hélène se sent soulagée de revoir son père mais elle ressent la fin de son monde : "Il y a une espèce de glas qui sonne en moi, lorsque j'entends parler de livres, de professeurs à la Sorbonne". Son ami de coeur part en Espagne pour rejoindre la Résistance à Londres. Ses amies ont été arrêtées. Le piège de la déportation va se fermer sur elle et sur sa famille. Elle se pose des questions sur le bien, sur le mal, sur cette tragédie qui la frappe : "Souffrir pour moi n'est rien, jamais je n'émettrai une plainte à mon sujet. Mais quelle angoisse pour les autres, pour les proches et pour les autres". Plus le temps passe, plus les nuages du malheur s'amoncellent. Seule la culture l'aide à affronter cette période : "Ce matin, je lisais Shelley et sa "Défense de la poésié" ; hier soir, un dialogue de Platon. Quel désespoir de penser que tout cela, tous ces magnifiques résultats de polissure, d'humanisation, toute cette intelligence et cette largeur de vues sont morts aujourd'hui". Ce journal intense se termine en février 1944 sur ces mots terribles : "Horror ! Horror ! Horror !". Elle sera arrêtée le 8 mars avec ses parents. Le père est assassiné à Auschwitz, sa mère dans une chambre à gaz. Hélène survivra un an et meurt du typhus avant la libération des Anglais. Ce journal témoigne d'une époque terrible vécue par une jeune parisienne, cultivée, généreuse, curieuse. Son destin tragique dans un camp de concentration oblige toutes les générations à se souvenir. La ville de Paris lui rend un hommage timide avec son nom donné à une bibliothèque parisienne. Une plaque est dévoilée en 2015 sur l'immeuble où résidait la famille Berr. Mais, il faut surtout voir les feuillets du journal au Mémorial de la Shoah à Paris pour ne jamais oublier les atrocités monstrueuses du nazisme.