lundi 14 janvier 2013

"Le vieux roi en son exil"

Voici un récit bouleversant sur la maladie d'Alzheimer que tout lecteur(trice) peut lire sans appréhension. Arno Geiger, écrivain autrichien, écrit un portrait de son père, atteint de cette maladie du siècle. Le très beau titre "Le vieux roi en son exil" traduit l'aspect le plus implacable de la maladie : un exil sans retour, la mort de son identité, de son soi, de sa personnalité. La littérature nous réserve des découvertes essentielles pour mieux comprendre la réalité, si pénible soit-elle, et surtout nous préparer à vivre des expériences difficiles et souvent insoutenables. Qui n'a pas peur pour soi-même ou pour nos proches de la maladie d'Alzheimer ? Arno Geiger raconte la vie de son père, jeune soldat perdu dans la guerre, son unique expérience loin de sa maison. Il ne voudra plus s'éloigner de son village et deviendra un modeste employé de mairie. Médiocre mari, père distant, Arno Geiger ne magnifie pas l'existence terne de ce chef de famille, mais la démence qu'il subit lui fournit un statut de "héros" souffrant et combattif contre la perte totale de sa mémoire. La famille présente et les nombreuses infirmières ou aides ménagères très dévouées lui permettent de rester chez lui jusqu'au moment fatidique de son entrée dans une maison de retraite médicalisée. Loin d'être sombre et tragique, le récit comporte des moments loufoques sur le langage créatif du père. J'ai rarement lu un livre aussi lucide et vrai sur un lien de famille pourtant ténu et fragilisé par la maladie. Ce récit est donc un hommage pour un père absent par la pensée et présent physiquement. Ce livre délivre un message d'espoir : toute vie humaine même en "lambeaux" détient sa propre dignité et mérite une attention profonde. Un récit qui donne toutes ses lettres de noblesse à une littérature de témoignage pour sauvegarder des traces de vie, la vie de ce "vieux roi en son exil"...