lundi 20 janvier 2020

"Miss Islande"

De l'Islande, on connaît ses volcans aux noms imprononçables, sa population de 350 000 habitants, son hiver rigoureux et glacial, ses paysages originels et Audur Ava Olafsdottir ! L'écrivaine s'est fait connaître en France pour son roman "Rosa Candida", publié chez Zulma en 2010. Cet automne, "Miss Islande" a obtenu le Prix Médicis étranger. En 1963, Hekla, vingt et un ans, quitte son village,  la ferme de ses parents, sa terre de pêcheurs de la "Saga des gens du Val-au-Saumon" et prend le car pour la capitale, Reykjavik. Dès la première page, la jeune fille annonce son amour de la littérature en lisant le fameux et incompréhensible "Ulysse" de Joyce qu'elle a d'ailleurs un peu de mal à décrypter. Dans ses bagages, elle emporte une machine à écrire et trois manuscrits. Sa vocation ne se démentira pas : elle sera écrivain. Son voisin de car, un homme d'affaires, lui propose de briguer l'élection de Miss Islande, un but à l'époque pour une jolie jeune fille, d'après ce goujat patriarcal, traditionnellement préoccupé par la beauté féminine. Evidemment, Hekla décline cet offre méprisable. Elle rejoint son amie, Isey, mariée et mère d'un bébé avec qui elle partage son secret de devenir écrivain : "Tu te souviens, quand on avait six ans et que tu as noté dans un cahier, de ton écriture enfantine, que la rivière avançait comme le temps ?". Hekla retrouve aussi son meilleur ami, John John, son confident, homosexuel caché et amoureux de la mode. Il travaille dans les bateaux de pêche et accueille son amie chez lui. Il l'emmène un jour dans un café littéraire. Elle rencontre un jeune poète avec qui elle va partager sa vie. Il lui déclame ses poésies creuses sans se rendre compte que sa "muse" écrit elle-même tout en lui cachant sa machine à écrire. Hekla va finir par le quitter. Ses textes sont enfin publiés et elle réalisera son rêve. Isey, son amie, se résignera à jouer le rôle de mère pour ne pas heurter son mari pêcheur. John John part à l'étranger pour vivre sa différence sexuelle. Chacun poursuit son chemin entre renoncement et épanouissement. Ce roman délicat et féministe se lit avec un plaisir certain. On ne se souvient plus de ces années du siècle dernier où les femmes se soumettaient à l'ordre patriarcal (et aujourd'hui encore, hélas !), où les homosexuels étaient moqués et rejetés. Hekla possède en elle la force d'un volcan islandais, la passion de l'écriture et elle trace sa route littéraire avec une volonté hors du commun. Un très bon roman.