lundi 17 avril 2023

"La Furieuse, rives et dérives", Michèle Lesbre, 1

 Michèle Lesbre, écrivaine et poète, vient de publier "La Furieuse, rives et dérives" chez Sabine Wespieser. Dès la première page, un charme délicat et doux opère quand elle raconte son enfance perdue avec une nostalgie toute nervalienne : "Je m'évade et tente de retrouver le chemin de cette modeste campagne qui n'existe plus, avalée par la mécanique implacable du progrès. Je cherche comment échapper à ces images douloureuses, même si elles me ramènent aux délicieux après-midi où mon grand-père Léon et moi pêchions ensemble, chacun sa canne à pêche, chacun ses rêves. Il m'apprenait, sans le savoir, les échappées intimes". Ce texte ressemble vraiment à une "échappée intime", une fenêtre sur la rêverie du passé, de l'enfance, de la mémoire. L'écrivaine songe à la Furieuse, un affluent de la Loue dans le pays de Courbet en Franche-Comté : "Celle qui ne me quittera jamais est celle de ce petit étang, de son silence, de Léon et Mathilde, que la Furieuse a réveillée en moi. C'est l'origine du monde qui est en moi". Elle se donne le projet de revoir cette rivière et en songeant à cette découverte future, elle se tourne vers sa bibliothèque pour relire des ouvrages sur le thème de l'eau, des rivières, des fleuves. Michèle Lesbre aime voyager dans la vie et dans les livres. Son premier auteur se nomme Claudio Magris et son magnifique "Danube". Une de ses villes préférées dans lesquelles elle déambule s'appelle Trieste qu'elle décrit ainsi : "J'arpentais la ville avec l'idée de naviguer dans le temps". Michèle Lesbre aime aussi Paolo Rumiz, triestin lui aussi. Elle s'embarque sur le Pô avec lui et rencontre Pavese et sa mélancolie légendaire. Le portrait de son grand-père s'affine au fil des pages et elle décrit un homme taiseux et secret. La Loire arrive avec Julien Gracq et son beau récit, "Les eaux étroites". Elle n'oublie pas la Seine qu'elle fréquente régulièrement à Paris, sa résidence principale. Les paysages fluviaux la traversent : "Je feuillette ma mémoire, je ne vais pas mourir déjà, grâce à ces paysages". La Marne rejoint la compagnie des fleuves aimés avec Jean-Pierre Kaufmann et son "Remonter la Marne", récit passionnant de son vagabondage littéraire. D'autres récits sont analysés comme celui d'Esther Kinsky, "La rivière" pour lequel elle raconte un vrai coup de cœur. Ce récit l'a particulièrement émue par la finesse des observations d'une vie au fil de l'eau entre Londres et la rivière Lea, le fleuve Saint-Laurent au Canada, le Rhin de son enfance. (La suite, demain)