jeudi 5 août 2010

Littérature discrète

J'aime une qualité qui n'est pas à la mode aujourd'hui quand le bling-bling devient le signe révélateur d'un comportement quelque peu vulgaire. Cette qualité dont personne ne parle se nomme la discrétion. Quand je vois tous mes contemporains exhiber des tatouages, des anneaux, des bijoux en toc en quantité, je me prends à rêver d'un monde poli, discret, bien "élévé". En littérature, j'ai une prédilection pour les écrivains qui se cachent, qui ne sont pas célèbres, qui ne mettent pas en avant leur génie et leur orgueil. Les écrivains-people ne m'intéressent pas ! Au premier rang des parfaits discrets, je citerai Julien Gracq, discret jusqu'à sa mort, solitaire et pourtant entouré de centaines d'admirateurs. Il ne voulait jamais participer à une émission de télévision, il ne voulait pas s'exposer et j'ai toujours apprécié cette volonté d'effacement. Un de mes souvenirs les plus forts le concernant remonte à la découverte de son livre le plus célèbre qui dormait sur une modeste étagère d'une très modeste bibliothèque de quartier dans une toute petite ville très modeste et ouvrière du côté de Bayonne. J'ai emprunté ce roman sans trop connaître cet écrivain car le titre m'avait attirée. Et quand j'ai ouvert le livre en question, j'étais subjuguée par la beauté de cette langue française, sobre, précise, avec un vocabulaire d'une richesse fascinante. Ce grand livre qui m'a ouvert les bras et qui m'a influencée pour suivre des études de lettres, ce grand roman qui m'a ouvert l'esprit et le coeur sur la beauté de la langue française s'appelle "Le Rivage des Syrtes", paru en 1951 (!!!), aux Editions José Corti. Il a reçu le prix Goncourt que Gracq a refusé à l'époque ! Depuis, je lisais Gracq dans la Pléiade mais j'ai retrouvé l'édition de 1951 chez un bouquiniste et quand je l'ouvre, je revois cette petite bibliothèque si modeste qui possédait un trésor si grand... On peut trouver de l'or dans n'importe quel endroit du monde, si petit soit-il !