jeudi 14 mai 2015

"La clarinette"

En mars, j'avais choisi Vassilis Alexakis dans le cadre de mon atelier de lectures et l'avis des lectrices était mitigé sur son œuvre. J'avais regretté qu'elles passent ainsi à côté d'un écrivain vraiment original et atypique dans la littérature française. Dans son dernier ouvrage, "La clarinette", j'ai retrouvé l'univers d'Alexakis, un univers bigarré, cosmopolite, bi-culturel dans le binôme que forme dans sa vie la Grèce, son pays natal et la France, son pays vital. Les thèmes de son livre autobiographique s'entremêlent, s'entrechoquent, se lient et de délient dans un désordre qui peut dérouter mais  l'écriture, les histoires, les anecdotes sont toutes reliés à un fil conducteur du récit,  la relation d'amitié entre lui et son éditeur, Jean-Marc Roberts. Cet ami, écrivain reconnu aussi, se meurt d'un cancer des poumons. Le narrateur l'interpelle en le tutoyant et lui raconte ses séjours en Grèce, la Grèce d'aujourd'hui. L'écrivain relate ses allers retours constants entre les deux pays, mais il a pris une grande décision : il quitte Paris pour Athènes. Il se souvient alors de tous les lieux qu'il veut revoir avant de partir : des places, des rues, des librairies, etc. A Athènes, il vit dans un quartier populaire, près du Mont Lycabette et il observe la crise sans précédent que traversent ses compatriotes depuis des années. Il évoque les SDF abattus, les étrangers invisibles, les magasins fermés, les tags envahissants, le moral en berne des habitants, leur courage et leur dignité. Côté Paris, il dresse le portrait attachant de Jean-Marc Roberts, son fidèle ami de toujours, qui se bat avec une élégance rare contre le cancer dont il ne sortira pas vainqueur. Dans un très bon article du Magazine Littéraire, le critique évoque "les lumières de l'endeuillé" car entre la maladie de son ami éditeur et la crise grecque, entre ses deux chagrins, l'écrivain greco-français n'oublie pas de manier l'humour, l'ironie, la tendresse et l'amour de la vie, même si les épreuves s'accumulent pour lui. Un livre lumineux, un bel hommage à Jean-Marc Roberts, à Paris et à Athènes...