vendredi 28 novembre 2014

Rubrique cinéma

J'ai vu cet après-midi "L'incomprise" de la réalisatrice Aria Argento dans le cadre du festival du cinéma italien. Aria est une fillette de 9 ans dont les parents sont des artistes célèbres : un père acteur et une mère pianiste. Elle a aussi deux demi-soeurs. La vie familiale ressemble à un enfer car les parents d'Aria se déchirent, hurlent, s'insultent, se détestent. Ils finissent par se séparer. Le père vit avec sa fille aînée, une poupée rose idiote et la mère préfère aussi la sœur d'Aria. Elle se sent abandonnée, rejetée, ballottée entre son père odieux et narcissique et sa mère, séductrice et déséquilibrée. Ces parents immatures et irresponsables ne pensent qu'à eux-mêmes et sont incapables d'amour. La petite Aria surdouée, obtient un prix de composition mais, ni son père, ni sa mère n'assistent à la cérémonie. La fillette a donc une vie de famille chaotique et ne trouve aucun réconfort à l'école malgré l'amitié fusionnelle avec une camarade de classe. Le désordre affectif règne aussi bien dans sa vie privée que dans sa vie scolaire. Elle erre dans la ville avec son sac à dos et son chat noir dans une cage et rencontre souvent des marginaux déjantés. Elle mime le monde des adultes en fumant des cigarettes, en faisant la fête, en tombant amoureuse d'un blondinet ridicule. La comédienne qui joue le rôle d'Aria a une présence formidable sur l'écran. Charlotte Gainsbourg interprète la mère folâtre. Aria essaie de préserver une certaine innocence dans ce monde de fous. Mais le désespoir va prendre le dessus... La cinéaste montre le poids de la solitude de la fillette en la filmant dans son errance à travers des parcs mal fréquentés de Rome. Un beau film singulier et original, un portrait d'une enfant, une petite Cosette italienne des années 80 face à des Thénardier modernes horripilants d'égoïsme.

jeudi 27 novembre 2014

"Absolution"

Je viens de terminer un roman dont la presse littéraire a peu parlé, "Absolution" de Patrick Flanery aux éditions Plon dans l'excellente collection Pavillons. Cet écrivain américain (né en 1975) a choisi l'Afrique du Sud comme cadre romanesque. L'histoire repose sur un duo redoutable : une célèbre romancière, Clare Wade et son jeune biographe, Sam Leroux. Clare Wade est connue pour ses positions en faveur des droits de l'homme. Elle vit dans une belle propriété ultra-protégée après avoir été cambriolée dans son ancienne résidence. La violence urbaine crée une atmosphère d'insécurité permanente dans ce pays post-apartheid. La romancière accepte un peu à contrecœur la présence de son biographe, un jeune universitaire ambitieux. Ils se rencontrent souvent pour élaborer cette biographie mais, les entretiens que Sam enregistrent, se révèlent difficiles. D'autant plus que Clare Wade cache un secret lourd à porter : sa fille a rejoint la lutte armée anti-apartheid en 1989 et elle a disparu sans laisser de traces. Des compagnons de lutte ont déposé des carnets écrits par sa fille avant sa disparition. Le roman est donc construit sur l'alternance de chapitres entre le duo Clare-Sam et les interrogations de Clare sur sa fille perdue. La romancière évoque ses liens complexes avec son fils, avec son mari avec lequel elle est divorcé.  Elle a aussi vécu un conflit permanent avec une sœur engagée du "mauvais côté". Sam s'est approché de cette femme écrivain car il a rencontré la fille de Clare dans des circonstances tragiques. Mais, je ne veux pas dévoiler les liens mystérieux qui les unissent. Ce très bon premier roman est donc une réussite incontestable car il mêle  plusieurs sujets : la politique, l'après-apartheid, l'ambiguïté des relations familiales, la création littéraire, la culpabilité, dans un suspense intense. Un portrait sans concession d'une société sud-africaine en mutation.

mercredi 26 novembre 2014

"Le météorologue"

Olivier Rolin et son "météorologue" n'a pas obtenu un prix littéraire sauf celui du Style. Il aurait mérité largement le Médicis... J'avais vu sur Arte un documentaire sur la bibliothèque perdue des îles Solovki. Cette histoire de bibliothèque oubliée, dispersée dans un camp du Goulag m'avait beaucoup intéressée. La recherche d'Olivier Rolin était passionnante pour retrouver ce fonds perdu de livres appartenant aux prisonniers politiques, souvent des intellectuels broyés par le régime stalinien. Mais après une enquête minutieuse, l'écrivain français rencontre une femme russe qui va lui donner une piste fiable et il finira par découvrir la collection dans une école. J'avais donc envie de lire "Le météorologue" pour en apprendre davantage sur un des personnages du camp. Il s'appelle Alexeï F. Vangengheim et il est arrivé au goulag par dénonciation d'un collègue. Il est météorologue et étudiait les prévisions climatiques pour faciliter les transports routiers, aériens et maritimes. Il occupait donc un poste prestigieux dans la nomenklatura intellectuelle soviétique. Cet homme avait foi dans le communisme révolutionnaire. Il voulait "aider le prolétariat révolutionnaire à maîtriser les forces de la nature". En janvier 1934, il est arrêté, interrogé et envoyé au Goulag. Il y passe trois ans et envoie des lettres à sa femme et adresse à sa petite fille des herbiers que l'on retrouve à la fin de l'ouvrage. Il proteste vainement auprès des autorités pour clamer son innocence et ne comprend rien à son exil injuste. Lui, le savant honnête, fidèle aux idéaux de la Révolution bolchévique, crie en vain et ne sera jamais entendu. Il sera exécuté dans l'indifférence générale et sa femme ne connaîtra jamais les circonstances de cette liquidation. Olivier Rolin a choisi de raconter une histoire absurde et tragique d'un homme innocent comme toutes les victimes de la folie stalinienne. Ce témoignage sur tous ces disparus du Goulag, exécutés par des bourreaux inhumains, révèle la barbarie du stalinisme. L'auteur veut aussi montrer, avec cet ouvrage documenté avec minutie et précision, comment un homme innocent peut être massacré par la terreur. Un récit glaçant par son sujet mais un récit-devoir de mémoire contre l'oubli, absolument nécessaire en ces temps de retour de la barbarie au nom de la religion. Un des meilleurs livres d'Olivier Rolin...

mardi 25 novembre 2014

Atelier d'écriture

Ce matin, nous nous sommes retrouvées avec Mylène pour son deuxième atelier d'écriture de la rentrée. La consigne d'un des deux exercices était basée sur le livre de Didier Van Cauwelaert, "Le journal intime d'un arbre". Il fallait se mettre à la place d'un arbre et écrire un monologue. Voici mon texte : "L'enclos"
Je suis de taille modeste dans mon enclos et je vis  dans un petit village. Les habitants me saluent tous les jours, s'inclinent devant moi, me confient leurs soucis, leurs tourments et leurs secrets. Certains caressent mes feuilles, mon tronc, et même si je me sens seul dans cette place, je reçois beaucoup de témoignages affectueux. Je suis la quatrième génération car mon ancêtre, un chêne vigoureux, a été planté au XIVe siècle. Imaginez-vous ensuite cette présence permanente tout au long des siècles. Aujourd'hui, j'ai dépassé les 130 ans... J'aurais bien aimé pousser dans une forêt du coin, à l'ombre de mes parents, mais les hommes m'ont choisi pour cet enclos. Je rêve d'arracher mes racines, de me déplanter, de déployer mes branches, de secouer mes feuilles et de m'envoler vers la montagne proche. Je n'aime pas me faire remarquer, j'aimerais vivre comme tous mes frères arbres. Mais mon devoir me dicte de rester là. Je ne peux pas abandonner mon village. J'ai oublié de vous dire mon nom : Gernikako Zuhaitza, l'arbre de Guernica. J'ai survécu au bombardement en 1937 pendant la guerre civile d'Espagne et je symbolise l'indépendance du peuple basque. Quelle belle mission et quel destin pour moi ! Je ne dois pas me plaindre et venez donc me faire une petite visite pour m'admirer...

lundi 24 novembre 2014

Festival du cinéma italien à Chambéry

Nous avons beaucoup de chance de profiter de ce festival du cinéma italien dans une ville moyenne comme Chambéry. J'ai déjà vu trois films  : "La Mafia uccide solo d'estate", "Il giovane favoloso" et "Noi4". Le premier raconte l'histoire d'un petit garçon, Arturo, qui grandit à Palerme dans une ville gangrénée par la Mafia. Arturo tente de séduire une compagne de classe dont il est tombé amoureux. J'ai surtout apprécié la dénonciation de tous les assassinats des juges, des policiers, traités dans ce film comme des héros nationaux, des hommes de loi qui ont sacrifié leur vie pour combattre la Mafia dans les années 70 à 90. Arturo aura aussi un fils à qui il va transmettre la mémoire de cette lutte. Le second film se passe au début du XIXe siècle et relate la vie du grand poète italien, Léopardi. Il était atteint d'une maladie dégénérative dès son enfance et sa santé défaillante l'a confiné dans la bibliothèque très riche de son père, un comte de la noblesse italienne. A 16 ans, il savait lire le latin, le grec, l'hébreu, l'anglais, le français. Son génie littéraire s'inscrit dans le romantisme et il sera le précurseur de l'existentialisme. On voyage à Rome, Florence, Naples. Poète, écrivain et philosophe, il meurt à l'âge de 38 ans. Ce beau film a le mérite de nous faire connaître Giacomo Leopardi (1798-1837). Je vais donc découvrir son œuvre que je n'avais encore jamais lue... Pour le troisième long métrage, "Noi 4", nous voilà à Rome, de nos jours dans une histoire familiale conflictuelle. La mère vit sa quarantaine avec angoisse. Elle s'est séparée d'un mari artiste et quelque peu démotivé par le travail. Ils ont un fils de 13 ans, sérieux et rêveur, une fille de 20 ans, apprentie comédienne. Dans un tourbillon romain (quel plaisir de revoir les places, les monuments, et même la circulation infernale), les deux enfants tentent de recomposer leur famille éclatée et les scènes de colère, de rancœur, et de réconciliation donnent un rythme haletant et l'on sourit souvent à suivre les aventures chaotiques et drôles de cette famille italienne attachante. Comme le festival dure deux semaines, je retournerai à l'Astrée et au Forum avec beaucoup d'intérêt...   

vendredi 21 novembre 2014

"Pour que tu ne te perdes pas dans le quartier"

Quand un écrivain comme Patrick Modiano choisit une phrase de Stendhal en exergue ("Je ne puis pas donner la réalité des faits, je n'en puis présenter que l'ombre"), le lecteur(trice) ressent la même impression quand il(elle) ouvre la première page d'un roman modianesque comme un éternel recommencement. En ces temps fous de vélocité, de non-perte de temps, de compétitivité, de rendement, se lover dans la prose de Modiano est un pur délice... Le narrateur, Jean Daragane, reçoit un coup de téléphone : l'interlocuteur a retrouvé son carnet d'adresses qu'il avait perdu et il veut lui remettre en mains propres. Cet écrivain sexagénaire vit seul, lit sans fin Buffon, se sent quelque peu hors circuit. Pourtant, ce carnet perdu va déclencher un retour vers un passé confus, brouillardeux et peut-être fantasmé. Un "certain" Gilles a repéré un "certain" Guy Torstel dans ce carnet. Cette rencontre va provoquer une enquête sur une femme, un peu marginale, très mystérieuse qui aurait joué un rôle de mère de remplacement auprès du jeune Jean. L'intrigue du roman repose sur un fil conducteur concernant ce personnage nébuleux. Le narrateur nous entraîne dans un labyrinthe parsemé de trous noirs, d'imprécisions, de recherches vaines. Et, je ne peux pas résister à citer cette phrase rencontrée à la page 70 : "Ecrire un livre, c'était aussi, pour lui, lancer des appels de phares ou des signaux de morse à l'intention de certaines personnes dont il ignorait ce qu'elles étaient devenues". Le charme "proustien" de Patrick Modiano opère à merveille tout au long de son œuvre abondante. Le prix Nobel de littérature a vraiment eu une excellente idée en couronnant cet écrivain obsédé par le passé et essayant désespérément de le retrouver, sans succès. J'ai remarqué qu'une gardienne d'un musée de Madrid était plongée dans un Folio de Modiano... Cela m'a fait vraiment plaisir de constater son succès... international. Et son dernier roman au titre révélateur : "pour que tu ne te perdes pas dans le quartier" diffuse la musique nostalgique d'un Paris disparu et recréé grâce à la magie de l'écriture.

jeudi 20 novembre 2014

Rubrique cinéma

Lundi, je suis allée voir un film américain, "Love is strange" du réalisateur Ira Sachs. Il est rare de voir à l'écran un couple d'homos, dont l'un, Ben, artiste-peintre, est à la retraite à 71 ans et l'autre, George, travaille dans une école privée catholique. Après quarante ans de vie commune à New York, ils décident de se marier (le mariage homosexuel est permis). Après une fête familiale, le professeur de chant est convoqué devant le directeur de l'école et se fait licencier injustement sur le champ pour des raisons morales. Il est interdit de se conduire ainsi dans une communauté religieuse... Ils ne peuvent plus assurer le montant de leur prêt pour leur appartement et doivent se séparer provisoirement afin de trouver un logement moins coûteux. Ils réunissent leur neveux et leur demandent de les héberger. Mais, ils sont obligés de se séparer car personne ne peut les accueillir en tant que couple. On les voit donc en difficulté dans leur foyer respectif. George, amateur de musique baroque, supporte avec philosophie, les fêtes permanentes et bruyantes chez son neveu. Ben se sent de trop et partage le malaise familial et la vie tumultueuse de son petit-neveu. Ils se retrouvent régulièrement pour se consoler et espérer en vain un logement. Mais, un jour, George qui s'est mis à peindre, tombe dans les escaliers et se fait hospitaliser. La famille se lasse de les aider et on voit bien les limites de chacun pour vivre une certaine solidarité. Leur histoire commune, toute en douceur et toute en délicatesse, touche le spectateur et même, si ce film se termine mal, il montre un amour  "strange" mais vraiment solide et sincère, comme peuvent l'être aussi les traditionnelles amours "hétérosexuelles"... Un beau film, rare et discret, une romance new-yorkaise sensible et attachante.

mercredi 19 novembre 2014

Atelier de lectures, 2

Régine a découvert un roman qui l'a "emballée" : "Crime d'honneur" de l'écrivaine turque, Elif Shafak aux éditions Phébus en 2013 (et disponible dans la collection 10/18). Elle écrit ses romans aussi bien en turc qu'en anglais (source Wikipédia, voir sa notice biographique). Son roman a obtenu le prix Relay des voyageurs. Son livre raconte l'histoire d'une famille kurde dont une partie a immigré à Londres dans les années 70. La grand-mère ne donne naissance qu'à des... filles, comble du malheur dans cette culture phallocratique. Deux jumelles auront des destins différents et Elif Shafak analyse dans son œuvre le choc des cultures entre l'envie d'Occident, libre et démocratique et le poids ancestral des traditions. Un coup de cœur en pleine actualité. Régine a mentionné trois grandes réussites dans la catégorie des premiers romans à retenir : "Le liseur de 6h27" de JP Didierlaurent, "L'immeuble des femmes qui ont renoncé aux hommes" de K. Lambert et "Look" de Romain Villet. Dans la deuxième partie de l'atelier, nous avons manqué de temps, mais en résumant, Evelyne a bien aimé les textes courts de J.-B. Pontalis, "Marée haute, marée basse", textes mélancoliques et lucides sur les aléas de l'existence avec une écriture "gallimardienne"... Geneviève a lu avec un intérêt mesuré "Livret de famille" de Patrick Modiano tout en louant le style du roman autobiographique. Dany s'est ennuyée en parcourant l'essai de Joël Vernet, "Marcher est ma plus belle façon de vivre"... Janine a apprécié le roman de Leonor de Recondo, "Rêves oubliés" ou l'histoire d'une famille de républicains basques fuyant le franquisme en 1936. Et Régine a terminé la séance de lectures en évoquant le roman de Rachel Cusk, "Contrecoup", disponible en poche. Cette écrivaine américaine (à suivre...) analyse avec beaucoup de justesse et de finesse, les moments de la vie d'une femme en rupture dans le cadre familial (séparation, divorce, problème des enfants). Et l'écriture considérée comme une planche de salut. L'atelier de lectures n'a qu'un objectif : donner envie de lire, de découvrir de nouveaux romans, de suivre l'actualité littéraire, d'échanger, de partager. Pari réussi ? je l'espère !

mardi 18 novembre 2014

Atelier de lectures, 1

Aujourd'hui, mardi 18 novembre, nous étions huit lectrices à nous retrouver à la Maison de Quartier du centre ville. Nous avons démarré l'atelier par les coups de cœur : Geneviève avait surtout lu avec plaisir les "Nouvelles oubliées" de Dino Buzzati, un écrivain qu'elle affectionne car d'une petite anecdote toute simple, l'histoire part en "vrille". Elle y trouve aussi des réflexions sur la vie et sur la mort. Evelyne a beaucoup aimé le roman d'Eric Reinhardt, "L'amour et les forêts", paru chez Gallimard, ou l'histoire d'une femme harcelée mortellement par son mari. Ce roman n'a pas obtenu les "grands prix littéraires" et s'est heureusement "consolé" avec un succès important auprès du public. Elle a aussi lu "Les tendres plaintes" de Yoko Ogawa, un beau portrait d'une femme calligraphe se réfugiant à la campagne pour fuir son mari infidèle. Elle rencontre un couple qui changera sa vie. Evelyne nous a offert un troisième coup de cœur avec le Prix Goncourt, "Pas pleurer" de Lydie Salvayre, un roman à double voix, celle de la mère de la narratrice, républicaine espagnole, et celle de Georges Bernanos, grand témoin de la Guerre d'Espagne. Un beau roman à lire et un prix entièrement mérité. Janine est en pleine lecture du livre d'Emmanuel Carrère, "Le Royaume". Elle avance lentement et va essayer de le terminer. Mais, ce livre s'avère plus difficile à lire surtout si on ne possède pas les références religieuses et historiques du début de la chrétienté. Elle a lu sans problème le bon roman historique de Clara Dupond-Monod, "Le Roi disait que j'étais diable". Marie-Christine a cité un texte initiatique d'un écrivain chinois, Lianké Yan, "Les jours, les mois, les années" ou l'histoire d'un vieux paysan qui surveille un épi de maïs alors que la sécheresse sévit. Sylvie a mentionné le dernier roman de Tracy Chevalier, "La dernière fugitive", l'histoire d'une jeune femme anglaise s'expatriant dans une  Amérique de Quakers en 1850, et jouant un rôle dans l'émancipation des esclaves. Elle avait déjà eu un grand coup de cœur pour le très bon "Prodigieuses créatures" du même auteur. Elle a aussi apprécié "Dans le silence du vent" de Louise Erdrich et a conseillé pour se "détendre", "Demain, j'arrête" de Gilles Legardinier. Demain, suite du compte-rendu de l'atelier, coups de cœur et lectures obligatoires... 

lundi 17 novembre 2014

"La Femme d'En Haut"

Depuis que j'avais découvert Claire Messud, écrivaine américaine, j'ai attendu son nouveau roman et il a fait, enfin, son apparition à la rentrée de septembre. J'avais beaucoup apprécié son précédent, "Les Enfants de l'empereur", édité chez Gallimard en 2001. L'héroïne du roman, "La Femme d'En Haut", se nomme Nora Eldridge. Elle se sent profondément artiste mais, elle n'arrive pas à vivre de son art, et s'est consacrée à l'enseignement. Célibataire endurcie, elle se sent seule et quand elle rencontre la mère du petit Reza,  une artiste italienne, elle se sent attirée irrésistiblement par Serena, Reza et le mari professeur libanais, Skandar. En apprenant que l'institutrice veut reprendre une activité artistique, Serena lui propose de partager un atelier. A partir de ce moment-là, la vie de Nora va complètement changer. Serena devient son amie intime, Reza l'adopte comme une parente proche, et Skandar fait de longues marches avec elle à travers la ville. Elles travaillent sur des projets différents : Serena se spécialise dans des installations-performances et Nora fabrique des "dioramas", des chambres d'écrivaines en miniature dont celles Emily Dickinson. Les deux femmes s'entraident, s'apprécient, sortent ensemble mais un écart se creuse entre elles car Serena est reconnue par le milieu artistique. Le petit garçon s'attache à Nora et elle le garde de plus en plus souvent quand les parents la sollicitent. En fait, Nora adopte une famille et cette famille l'adopte-t-elle vraiment ? Serena reçoit une proposition de Paris et elle ne peut renoncer à son projet. La famille quitte les Etats-Unis en abandonnant Nora. Celle-ci garde un contact avec eux et décide de prendre des vacances et de les rejoindre à Paris  Serena va enfin découvrir la vérité des liens qu'elle a forgés avec eux. Je ne veux pas dévoiler la fin du livre. Il faut lire cet excellent roman psychologique, un des meilleurs de la rentrée 2014.

vendredi 14 novembre 2014

Escapade madrilène, 5

Le jeudi 6 novembre, j'avais programmé une visite au Monastère de l'Escorial à 50 kilomètres de Madrid. Il fallait prendre le métro jusqu'à une gare routière et un car m'a conduite directement au Monastère, construit au XVIe par le roi Felipe II. Dès l'arrivée, on ressent un frisson tellement le lieu est l'austérité même. Peu de touristes en vue, et quand j'ai pénétré dans les couloirs sombres et froids, on pouvait imaginer la vie monastique de ce roi très pieux. En arpentant ce labyrinthe, je me suis rendue compte de la "folie" architecturale de cet ensemble qui ressemble à un gril, instrument de torture de Saint Laurent à qui il est dédié. La modestie des appartements royaux (la chambre et le bureau du roi) contraste avec le baroquisme excessif de la Basilique, du Panthéon tout en marbre où sont enterrés les Rois d'Espagne et la bibliothèque impressionnante.  Je m'étais décidée pour cette raison : voir cette bibliothèque royale, réputée pour sa magnificence. Elle fait même partie d'une liste des 20 plus belles bibliothèques du monde. Après avoir traversé toutes ces salles, les tombeaux des monarques et de leurs enfants, les appartements, la Basilique magnifique, j'ai enfin atteint mon but : voir ce bijou architectural sans pouvoir prendre quelques photos. Le plafond a été décoré par un artiste italien, Tibaldi. J'aurais bien feuilleter les 40 000 volumes dont ceux du Roi Felipe II, mais il était interdit de les toucher, évidemment. En revenant sur Madrid, j'ai aperçu des taureaux dans un paysage de collines entièrement vertes. Je me sentais au cœur de l'identité traditionnelle espagnole... Je termine la semaine avec l'évocation de l'Escorial et cette escapade en terre castillane m'a permis de réaliser un bon nombre de rêves que je gardais en moi : voir le Guernica de Picasso, la ville vivante, vivifiante et tourbillonnante, les musées, les places, le métro, les restaurants populaires, dans une ambiance bon enfant, simple et sympathique. Dans mon tour des capitales européennes que je veux réaliser depuis que je suis à la retraite,  Madrid arriverait en cinquième position après Rome pour son millefeuille historique, Lisbonne pour ses Azulejos, son Tage et ses collines,  Amsterdam pour les canaux et les maisons, Venise pour ses palais sur la mer... Quand je pense à toutes les villes à découvrir, j'ai encore de belles escapades à vivre... 

jeudi 13 novembre 2014

Escapade madrilène, 4

Après le Musée Sorolla,  j'ai fini la journée dans un merveilleux espace complètement rénové, je veux parler du Musée archéologique de Madrid (MAN). Quand j'étais "jeune", je ne m'intéressais pas aux Temps Anciens, (peut-être un effet de l'âge), mais plus je prends des années, plus je me passionne pour l'Antiquité... Quel a été le déclencheur de cette nouvelle passion culturelle ? Certainement, mes voyages en Sicile où j'étais fascinée par le théâtre grec de Taormina et ma visite de Syracuse,  en Grèce devant le Parthénon sur l'Acropole et à Epidaure, sans oublier la France avec le beau village de Vaison La Romaine... Dans ce bâtiment d'une architecture classique, similaire à la Bibliothèque nationale espagnole, les espaces ont été redessinés offrant un éventail temporel de la Protohistoire à la Préhistoire, de l'Antiquité gréco-romaine aux débuts de la chrétienté. Je suis restée longtemps dans l'étage consacré à la civilisation grecque car les conservateurs du musée ont judicieusement  présenté des vitrines thématiques en mélangeant les statuettes, les vases, les objets divers. On peut donc visualiser la vie quotidienne, culturelle, religieuse, sociale, politique avec des textes très pédagogiques. Je n'avais jamais vu une telle mise en scène favorable à une compréhension immédiate et non intimidante. J'avais l'impression d'être parmi eux... Madrid concurrence bien le Louvre avec ce musée extraordinaire. J'étais tellement excitée par cette découverte que j'y suis retournée la veille de mon départ !  Dans la journée de mercredi, encore une rencontre avec Sorolla et les Etats Unis dans une Fondation (Mapfre), située à deux pas de l'hôtel... Vers midi, j'ai pris un rendez-vous avec un guide pour visiter la Bibliothèque nationale, mais je n'ai pas vu grand chose car la salle de lectures était occupée par des chercheurs et j'ai écouté l'historique de la construction, le rôle de Felipe II, les personnages représentés par les statues, des anecdotes sur le fonctionnement (la BNE était fermée aux femmes jusqu'au milieu du XXè siècle !). Le guide ne nous pas montré les réserves et s'est cantonné à une grande salle de réunion (bien modeste par ailleurs)... Je suis restée sur ma faim car je pensais pénétrer dans le cœur de l'institution. J'ai vu deux belles expositions dans le sous-sol : une sur l'histoire de l'écriture et une sur les incunables de musique liturgique. Comme il faisait un peu froid (15°), je suis rentrée dans la chocolaterie la plus connue de Madrid dans le quartier de San Ginès et j'ai savouré des churros avec une tasse de chocolat, une merveille de la culture espagnole ! Comme les musées ferment à 20h, je me suis rendue dans le nord de la ville pour visiter le "Galdiano", une maison-musée d'un éditeur et collectionneur mécène. Entre mes visites des musées et mes balades dans les rues et les places, la journée passait trop vite...

mercredi 12 novembre 2014

Escapade madrilène, 3

Le mardi 4 novembre, j'ai continué mon chemin vers les musées, un peu moins connus des touristes "culturels" : le Museo de la Real Academia de Bellas Artes de San Fernando et le Museo Sorolla. Dans le premier, j'ai découvert une collection assez disparate, constituée de peintres espagnols mais comme dans tout musée qui se respecte, on tombe sur des tableaux surprenants, je pense en particulier à une nature morte de Zurbaran, une modeste corbeille de citrons jaunes mais quelle beauté surréaliste dans ces fruits ! J'ai vu aussi un très beau Goya (La fête de la sardine), des Sorolla et un Juan Gris. Après la peinture, je me suis dirigée vers les places les plus animées de Madrid : la Plaza Mayor et la Plaza de la Puerta del Sol. La première est connue pour son architecture du XVIe siècle avec la statue équestre de Felipe II. Je n'ai pas pu admirer les façades de certains bâtiments pour cause de travaux de rénovation... Mais j'ai ressenti une harmonie et un charme total sous les arcades de la place, l'une des plus belles de Madrid et surtout consacrée aux piétons... J'ai vu la différence "sociale" en pénétrant dans la Puerta del Sol, lieu de débats, de manifestations, de spectacles où les jeunes se retrouvent souvent assis sur les bords d'une fontaine. Une ambiance de "movida" et un mélange détonnant de contestataires paradoxalement bienveillants. L'Espagne est un pays en pleine ébullition démocratique avec un héritage royal indiscutable. Quand j'ai visité le Palais Royal situé dans le quartier des Austrias, j'ai vérifié le luxe insensé dans lequel la monarchie vivait. Dans un décor de cinéma, j'ai traversé la salle à manger, la salle de bal, les salons dorés avec les plafonds décorés, les meubles raffinés, les tableaux par centaines, les lustres baroques,  on s'imaginait dans un film historique et je pensais que mes ancêtres étaient plus du côté des paysans affamés que des nobles empanachés... Dernière étape de la journée après un déjeuner à trois heures de l'après-midi au café Gijón, fréquenté par les écrivains depuis cent ans, je suis repartie dans le nord de la ville pour visiter le Musée Sorolla, une petite merveille de maison, avec le mobilier d'origine, et remplie de toiles de ce peintre impressionniste, qui a peint la mer à merveille, les vacances à la plage, avec des portraits de femmes et d'enfants, nimbés d'une lumière incroyablement rendue. Une découverte totale pour moi et une très bonne surprise en cette fin de journée...

mardi 11 novembre 2014

Escapade madrilène, 2

Au programme du lundi 3 novembre, le "Thyssen" situé entre le Prado et la Reina Sofia. Un très beau musée, installé dans un palais du XVIIIè avec des toiles de Guardi, Canaletto, Degas, Gauguin, Van Gogh, Picasso, Kandinsky, etc. Je ne peux pas citer tous les grands peintres mais je suis tombée à l'arrêt devant le seul Giacometti que j'aime énormément, et un Hopper magique sur la solitude. J'ai eu la surprise de trouver deux Morandi, un artiste-peintre de Bologne qui peint des natures mortes "spirituelles" avec des bouteilles. Après cette halte de deux heures à arpenter ces salles très agréables malgré une fréquentation importante, j'ai poursuivi mes visites culturelles en prenant l'air du côté de la Plaza Santa Anna pour prendre en photo la statue de Federico Garcia Lorca, et en parcourant ces rues du quartier nommé "Las Lettras", je pouvais lire des phrases incrustées dans le sol de différents écrivains dont Lope de Vega : un hommage délicieux à la littérature espagnole ! Avant de visiter le Prado, j'ai voulu rentrer dans la gare d'Atocha, célèbre pour son jardin botanique à l'intérieur et son architecture à la Gustave Eifel (et aussi pour l'attentat terroriste de 2004 qui a provoqué la mort de 300 victimes). Près de la gare et longeant le parc Retiro, on trouve une rue entière d'échoppes de bouquinistes, peintes en gris et proposant des milliers de livres à des prix raisonnables. Quant au Prado, j'avoue ma légère déception car je l'imaginais aussi vaste que Le Louvre. La centaine de salles offrent un panorama exhaustif de la peinture espagnole (El Greco, Vélasquez, Goya, Zurbaran) mais, pour ma part, je ne trouve pas la lumière qui illumine les tableaux de la Renaissance italienne... J'ai toutefois été très impressionnée par les peintures noires de Goya, teintées de désespoir, de folie et de démesure : une peinture hallucinatoire et angoissante. Quel peintre pour son époque ! Et cela changeait de tous les portraits de nobles espagnols... Après ces Goya fantastiques, j'ai admiré les toiles de Jérôme Bosch et celles de Patinir que j'aime tout particulièrement. Une journée assez douce dans la journée avec un soleil castillan et une toute petite pluie vers 18h : il pleut sur Madrid quarante jours par an... Et on peut vite se protéger dans les nombreux musées, oasis de beauté et de culture.

lundi 10 novembre 2014

Escapade madrilène, 1

J'avais toujours rêvé de voir le tableau de Picasso le plus célèbre du monde, je veux parler du "Guernica" et pour profiter encore d'un temps clément, j'ai pris un billet aller-retour pour Madrid. J'avais choisi un hôtel dans le Paseo del Arte, donc proche des trois musées incontournables de la ville : le Prado, le Thyssen et la reine Sofia. Comme je suis restée six jours, je vais relater mon séjour en quatre billets concernant les lieux visités. Dès le dimanche, je me suis précipitée vers le musée de la reine Sofia pour le Guernica et quand je me suis trouvée devant cet immense chef d'œuvre, je n'étais pas la seule admiratrice et un silence contemplatif régnait dans la salle. J'ai éprouvé une émotion rare, provoquée par la beauté de la peinture monochrome dans toutes les nuances de noir, gris et blanc avec des corps mutilés, explosés, étalés sur la toile. Ce cri de colère de Picasso contre la Guerre d'Espagne montre aussi toute la puissance de l'art qui sert à dénoncer l'horreur de la violence humaine. Ce tableau résume à lui seul "le sentiment tragique de la vie", selon le titre d'un ouvrage de Miguel Unamuno. Le musée offre une collection formidable de l'art moderne et j'ai retrouvé avec plaisir d'autres Picasso, des Juan Gris, des Gauguin, Bacon, des peintres cubistes, surréalistes, réalistes : un vrai régal pour les amoureux de la peinture du XXè siècle. Après cette visite étourdissante, j'avais noté sur un site de Madrid, l'exposition de la Caixa Forum, "Del mito à la razon", sur l'Antiquité grecque. Avant de pénétrer dans l'espace muséal, j'ai remarqué le mur végétal du bâtiment et ce mur de fraîcheur apportait une note bienfaisante de vert au milieu du boulevard où la circulation électrise l'atmosphère. J'ai retrouvé des mosaïques, des statues, des urnes funéraires, des vases en céramique de ma chère Grèce antique. J'avais fait un bond de trois mille ans entre Picasso et les Grecs et je mesurais l'importance du rôle de l'art dans les civilisations... J'ai déambulé dans le quartier pour goûter l'air madrilène, une grande capitale culturelle qui m'allait comme un gant !