jeudi 2 décembre 2021

Rubrique cinéma : "Tre Piani"

 Avec ce temps morose, rien ne vaut une séance de cinéma pour oublier ce début d'hiver frisquet et humide. J'ai donc vu le film choral de Nanni Moretti, "Tre piani" à l'Astrée. Le réalisateur italien a précisé son projet avec cette déclaration : "Chaque geste que nous accomplissons, y compris dans l'intimité de nos maisons, a des conséquences qui se répercutent sur les générations futures. Chacun de nous doit en être conscient et responsable : nos actions sont ce que nous laissons en héritage à ceux qui viennent après nous". Le réalisateur met en scène trois familles qui habitent les trois niveaux d'un même immeuble. Le couple, Lucio et Sara, habite au rez-de-chaussée et confie souvent leur petite fille de sept ans à leurs voisins âgés de palier, Giovanna et Renato. Un soir, Renato part se promener avec Francesca mais il ne retrouve pas le chemin de retour à cause de ses problèmes de mémoire. Quand Lucio se met à leur recherche dans un parc voisin, il récupère sa fille tout en soupçonnant le vieil homme d'attouchement sexuel. Cette suspicion tourne à l'obsession. Il se laisse séduire par la petite fille de Renato amoureuse de lui depuis longtemps malgré leur différence d'âge. Au premier étage, vit Monica, enceinte qui accouche toute seule car son mari travaille à l'étranger sur une plateforme pétrolière. Elle assume mal son bébé et comme sa mère souffre de troubles mentaux, elle craint d'avoir hérité de ce handicap. Au deuxième étage, Dora et Vittorio, juges de métier, se débattent douloureusement avec leur fils unique, Andréa. Une nuit, le jeune homme ivre tue une femme devant l'immeuble et disloque l'appartement du rez-de-chaussée. Andrea demande à ses parents de le sauver en intervenant sur le jugement du tribunal. Mais, ils ne cèdent pas et le jeune homme sera condamné à cinq ans de prison. Son comportement brutal et violent entraîne la rupture familiale. Le père demande à sa femme de choisir entre lui et son fils. Les drames s'entrelacent pour montrer les personnages rongés par la culpabilité, la mauvaise conscience, l'angoisse, mais aussi, la difficulté d'être parents. Ce film mélancolique est adapté d'un roman, "Trois étages" de l'écrivain israélien, Eshkol Nevo, paru en 2018. Nanni Moretti conte à sa façon intimiste l'histoire de ces trois familles dysfonctionnelles, surtout du côté des pères (le jeune père obsédé, le mari absent, le juge rigide) mais aussi, des mères (l'épouse débordée, la jeune mère délaissée, la juge complaisante). Le cinéaste a un peu oublié son humour légendaire et ce film appartient davantage à l'univers bergmanien qu'à la comédie italienne. Pour ma part, j'avais lu le roman et j'ai retrouvé cette atmosphère mélancolique et lucide de l'écrivain israélien. La critique, en particulier dans le journal Le Monde, a accueilli froidement ce long métrage en critiquant l'accumulation de drames. Evidemment, ce film n'exalte pas la joie de vivre, ni le bonheur. Est-ce normal pour un italien ou une italienne d'être parfois malheureux dans sa vie ? Oui, nous chuchote Nanni Moretti... Un beau film à découvrir.