jeudi 13 janvier 2022

"Virginia Woolf, Carte d'identité", 1

 Dès qu'une biographie ou un essai concerne Virginia Woolf, je n'hésite pas à acquérir ce document sur l'une de mes écrivaines préférées. L'automne dernier, Henriette Levillain, professeur émérite à la Sorbonne, a consacré une biographie à l'écrivaine anglaise. En 2016, j'avais apprécié l'essai qu'elle a écrit sur Marguerite Yourcenar. Pourtant, je connais bien et même très bien tous les éléments biographiques de Virginia Woolf, de sa naissance à sa mort tragique. Mais, je cherche toujours à comprendre sa personnalité profonde oscillant entre génie créateur et folie destructrice. La biographe démarre son essai ainsi : "L'émouvante beauté de Virginia Woolf avait de son vivant fasciné les plus grands photographes, elle a traversé les siècles". Henriette Levillain ne propose pas une biographie linéaire, utilisant la chronologie classique. Elle évoque la vie de l'écrivaine avec un abécédaire astucieux. Les chapitres s'intitulent ainsi : "Anglaise, Aristocratie, Biographe, Bipolaire, Bloomsbury, Féminisme, Lectrice, Léonard, Londres, Maisons, Marcheuse, Vita Sackville-West, etc.". Cette méthode biographique permet une lecture très agréable, inhabituelle et surprenante. La grande écrivaine anglaise a commencé à écrire à l'âge de dix ans. Sa précocité intellectuelle dans une famille bourgeoise éclairée présume une vie d'écrivain. Virginia Woolf symbolise la civilisation anglaise jusqu'au bout des ongles. Grande lectrice passionnée, grande marcheuse dans la campagne et à Londres, entourée d'amis, de sa famille et de son cher Léonard, l'écrivaine n'avait qu'une idée en tête : écrire, écrire, écrire. La biographe décrypte ses romans qui éclairent la vie de Virginia : "Woolf rêve à partir de choses minuscules, l'agitation frénétique d'une phalène sur sa fenêtre (La mort d'une phalène), les coups de Big Ben ou le timbre grêle d'une ambulance (Mrs Dalloway) ; elle valorise les petits faits de la vie quotidienne, enrichit de mystère les vies minuscules, celle d'une pauvre femme en face d'elle dans un wagon (Ce qui n'a pas été écrit), ou celle de Lily Briscoe, l'artiste manquée (Vers le phare)". Sa vocation d'écrivain commence donc tôt avec ce mot d'ordre permanent : "I will work, work, wotk". La littérature est une "affaire sérieuse" et elle accorde une grande importance à son environnement matériel. Il lui faut une pièce isolée, une bonne plume, un paysage, une présence affectueuse. Elle redouble d'énergie dans ses nombreuses lectures qu'elle puisait dans la très belle bibliothèque de son père, Leslie Stephen, responsable d'un Dictionnaire de biographie nationale. La jeune Virginia ne pouvait pas fréquenter l'université alors interdite aux filles. Une aberration scandaleuse qu'elle dénoncera dans son essai, "Une chambre à soi". Sa formation éclectique, d'un classicisme traditionnel (elle comprenait le grec et le latin), sa curiosité insatiable, sa passion des livres ont donné naissance à l'une des voix les plus modernes, les plus singulières de la littérature européenne. Pour paraphraser Simone de Beauvoir : on ne nait pas écrivain, on le devient...   (La suite, demain)