mercredi 21 août 2019

"Eloge de la vieillesse"

Quand j'ai vu cet ouvrage de Hermann Hesse (1877-1962) sur la table des nouveautés, je n'ai pas hésité à l'emprunter. J'aime bien ce titre quelque peu ironique, "Eloge de la vieillesse". Personne, aujourd'hui, ne fait l'éloge des vieux, des ancêtres, des anciens, des séniors, des personnes âgées… Quand l'Etat lui-même commence à regretter les "privilèges" des retraités, il vaut mieux rentrer dans nos abris… Hermann Hesse s'est exercé à cette mission impossible, délicate, difficile de proclamer avec sincérité que "prendre de l'âge" ne représentait pas une catastrophe intime, une déchéance absolue, un manque de chance, un effondrement de son corps, une dépression de son âme. Quand il écrit ces textes en 1952, il est septuagénaire et à cette époque, c'était mettre un pied dans le grand âge. Le premier de ses textes évoque une promenade où il célèbre la permanence de la nature face à sa présence au monde : "Toi, l'arbre dans la prairie, tu me survivras". Il éprouve la fugacité de son être et rêve de métamorphoses : "Demain, après-demain, je serai autre, je serai le feuillage, je serai la terre, je serai la racine".  L'écrivain intègre des poèmes, des esquisses, des portraits, des aphorismes. Le texte sur sa cure est un modèle d'humour car malgré ses douleurs de dos, il rencontre des congénères plus gravement atteints et cet état de fait lui remonte le moral. Il écrit plus loin : "Je m'étonne de la grande opiniâtreté avec laquelle notre être s'accroche à la vie".  Dans le texte intitulé "de la vieillesse", l'écrivain estime que vieillir est une mission à remplir, une forme de "vita contemplativa", à savourer sans modération, loin de cette "course folle, de cette course poursuite", que représente la vie d'avant avec ses impératifs sociaux obligatoires : travail, famille, éducation, devoirs, contraintes. En fait, la rupture sociale symbolisée par la retraite renforcerait la patience, la tolérance, l'observation de la nature, une solitude créatrice.  Il ne faut pas non plus regretter le passé : "Il faut être capable de se métamorphoser, de vivre la nouveauté en y mettant toutes nos forces". Mais, il ajoute que toute vie longue possède "des trésors d'expériences" qu'il faut préserver dans notre mémoire. Il parle de la mort qu'il attend sans effroi et de tous les disparus qu'il a aimés : "Les disparus ainsi que l'essentiel de leur être qui nous a influencé vivent à travers nous, aussi longtemps que dure notre existence". Découvrir ces textes apporte une certaine sérénité et dédramatise la notion de vieillesse. A lire pour tous ceux et toutes celles qui se posent des questions sur les années qui passent trop vite et se cumulent dans notre corps et dans notre esprit… Hermann Hesse, très influencé par la philosophie orientale, a vécu son grand âge comme un sage antique, un saint laïc, en acceptant tout simplement sa condition humaine. Un Sénèque allemand.