jeudi 17 décembre 2015

Atelier de lectures, 2

La deuxième partie de l'atelier était consacrée à Jens Christian Grondahl, un écrivain danois. J'avais choisi un seul roman, "Les Complémentaires", publié dans la collection Folio en 2015. Nous avons inauguré une nouvelle formule : les lectrices ont acquis ce poche pour confronter leurs critiques. Les échanges autour du roman ont bien eu lieu. Certaines l'ont apprécié, d'autres moins et il est évident qu'aucun livre ne peut entraîner l'unanimité d'un groupe. Quelques mots sur Grondahl : il a écrit une quinzaine de livres et il est traduit dans une vingtaine de langues. Sa réputation littéraire a largement dépassé les frontières symboliques danoises... Je connaissais ces romans depuis une quinzaine d'années et cette prose introspective me semblait intéressante à découvrir. Le roman "Les Complémentaires" explore le "moi" de deux personnages formant un couple solide et heureux, à priori. David, le mari, est un avocat brillant et sa femme, Emma, d'origine anglaise, dédie sa vie à la peinture. Mais elle ne tient pas à montrer ses toiles. Elle se réfugie dans son studio, au fond du jardin. Leur fille, Zoë, a suivi les traces de sa mère car elle expose dans une vidéo une performance artistique, où elle a intégré son ami Nabeel, d'origine pakistanaise. Un incident fissure les identités de chaque protagoniste. David trouve une croix gammée peinte sur sa boîte à lettres. Il ne s'attendait pas à cet acte antisémite alors que lui-même ne se sent pas particulièrement enraciné dans cet héritage. Sa fille Zoë, provoquante dans son art, choque ses parents. L'écrivain décrit avec une intensité psychologique le malaise existentiel de ses personnages en proie au doute et aux regrets. Chacun revoit leur ancien amour sans éprouver de nostalgie. Et Zoë s'émancipe de ses parents sans aucun état d'âme. Les dialogues feutrés, les portraits en demi-teinte, les sentiments enfouis, les émotions diffuses forment un canevas à points serrés... L'écrivain danois fouille le passé des personnages, creuse leur psychisme avec une plume acérée. Et la question des origines taraude les uns et les autres. Ce roman évoque le subtil mélange des identités contraires qui se mélangent dans une tolérance, vécue avec plus de sérénité dans les pays du Nord de l'Europe. Les lectrices ont bien souligné cet aspect du roman. L'avis mitigé de quelques unes portait davantage sur la relation du couple qui semblait d'un ennui profond. Peut-être que la fin du roman sans être explicite montrait aussi la mort de leur amour ?  Chaque lecture est au fond une ré-écriture, et le lecteur peut interpréter la conclusion à sa guise...