vendredi 30 septembre 2011

Les amoureux du silence

Dans Le Monde du mardi 27 septembre, j'ai trouvé un article sur un sujet très rarement traité dans la presse : il s'agit du... silence. Jean-Michel Delacomptée, écrivain et essayiste, a signé un papier intéressant sur la place du bruit dans notre société. Nous sommes tous entourés de nuisances sonores de tous côtés en particulier dans nos villes : les voitures, les cars, les motos, les scooters, les engins de travaux, les musiques diverses, etc. Dans les campagnes ou banlieues résidentielles, qui n'a pas râlé contre les tondeuses, les élagueuses, les souffleurs de feuilles, les avions, les bricoleurs amateurs, etc. Dans la maison, les machines à laver, les radiateurs, la télé, les voisins, etc. Je cite : "Une société esclave du bruit entretient une relation étroite avec la violence." Il prône la "tranquillité sonore", véritable enjeu de santé publique. Jean-Michel Delacomptée a écrit un "Petit éloge des amoureux du silence" chez Gallimard au prix des deux euros ! Je vais donc acheter ce petit livre car je suis une "amoureuse du silence". Quand on aime lire et écrire, on s'entoure de silence pour une meilleure concentration intellectuelle. Evidemment, j'écoute beaucoup de musique classique mais c'est aussi une forme de silence choisi... Chut, écoutez le silence, cela fait beaucoup de bien !

jeudi 29 septembre 2011

Le Monde 2 a changé

Le monde 2 a changé de "look" mais je le déplore. Il est devenu illisible ! Les publicités tapageuses et luxueuses l'empêchent vraiment de garder la ligne éditoriale que je lui connaissais. On ne voit plus que ce déballage cynique de consommation pour les classes supérieurement dotées de moyens financiers sans fin. Cette vitrine publicitaire gâche tout : on se croirait dans le Figaro Magazine ! Je sais bien que les recettes publicitaires sont nécessaires pour faire vivre une revue hebdomadaire. Mais l'outrance de l'utilisation des images commerciales a provoqué chez moi un rejet décevant de la lecture de cet hebdo pourtant très lisible dans les temps lointains de sa sobriété. Voilà que notre revue est devenu bling-bling !!!! Réveillez-vous, Journalistes du Monde et reprenez votre ligne éditoriale, pétrie de sobriété et même d'austérité... Par contre, le journal du samedi s'est agréablement étoffé avec des cahiers intéressants comme celui de la culture et des idées. J'ai retrouvé avec plaisir un entretien avec Annie Ernaux qui parle de son sentiment de faire partie de la classe ouvrière qu'elle ne veut pas renier, elle, la fille de parents épiciers. Pour cet écrivain si singulier, le sentiment des classes sociales perdure toujours dans la société. Annie Ernaux souhaite un changement profond. Elle confie son espérance : "Chaque individu n'a qu'une vie, et le fait que cette vie-là puisse toujours être d'un dominé, voire d'un hyperdominé, comment peut-on vouloir cela ? Ce qu'on a demandé récemment aux fortunés est risible, une aumône. L'ordre actuel est foncièrement injuste".
La littérature sert aussi à cultiver ce sentiment d'indignation face à l'injustice, la misère sociale et le désordre ambiant...

mardi 27 septembre 2011

"Un lac immense et blanc"

Ce récit de Michèle Lesbre ressemble à un roman et dégage un charme troublant et envoûtant. Pourtant, il ne se passe pas grand chose dans ce livre, édité ches Sabine Wespieser. Une femme, Edith Arnaud, dans la soixantaine, se souvient de son passé de militante "gauchiste", d'un compagnon Antoine, disparu sans laisser de traces. Elle travaille près du Jardin des Plantes, fréquente un café où elle remarque un homme d'origine italienne qui mentionne souvent Ferrare, sa ville natale. Michèle Lesbre évoque elle aussi Ferrare, en la personne de Giorgio Bassani. J'aime beaucoup l'esprit de famille entre écrivains. L'auteur du magnifique "Jardin des Finzi-Contini" est un maître pour Michèle Lesbre. Les descriptions des paysages, des bribes du passé, des fragments de vie traduisent un effet "rêverie" qui emporte le lecteur dans ses propres souvenirs. J'ai remarqué le style subtil, élégant et impressionniste du récit. Je vous cite un petit passage : " Je me souviens d'une vague appréhension, la crainte que cet abandon ne soit l'annonce de futures déroutes. Un certain mois de mai se profilait à l'horizon, quatre ans plus tard, point d'orgue de toutes ces années qui, au sortir de l'adolescence, nous avaient plongés dans les désordres du monde. Il amorcerait l'insidieuse érosion de nos certitudes." C'est un récit de génération, la mienne en particulier, qui a vécu le glissement progressif du rêve naïf de "changer la vie" en mai 68 au slogan ridicule et pitoyable du "travailler plus pour gagner plus"... Et je vais aussi m'empresser de lire ce roman de Bassani pour vivre dans le charme des vieilles villes italiennes et vous conseiller vivement la musique douce et ensorcelante de Michèle Lesbre...

lundi 26 septembre 2011

"Sunset Park"

Le roman de Paul Auster, paru à la rentrée de septembre, est un excellent cru 2011, si j'ose parler ainsi dans la période des foires à vins... J'ai retrouvé le style, la tonalité désespérée de sa vision du monde, l'empathie qu'il éprouve pour les "paumés", tous ces jeunes d'une génération sans idéal et sans projet de vie. Miles, le personnage central du livre, se sent responsable de la mort accidentelle de son demi-frère. Miles l'avait bousculé sur la route et une voiture a surgi... Miles fuit alors ses parents, son milieu et rencontre en Floride une jeune lycéenne, d'origine cubaine, mineure et avec laquelle il noue une relation amoureuse, malgré l'interdit... Il part de nouveau à New York après un chantage de la soeur de cette jeune fille trop jeune. Il retrouve un ami de lycée qui informait les parents de Miles de ces errements et vagabondages à travers le pays. Cet ami, qui se nommme Bing, a crée une boutique spéciale : "L'hôpital des objets cassés" (montres, machines à écrire, stylos, etc.). Bing a repéré une maison abandonnée dans un quartier qui s'est apprauvi avec la crise des "subprimes". Deux amies les rejoignent dans ce squat : Ellen, l'artiste qui se cherche, et Alice, la doctorante en lettres. Ce quatuor amical va survivre tant bien que mal dans cette maison. Miles vit une période un peu plus calme en renouant les liens de famille. Son père, éditeur courageux, et sa mère, comédienne, lui pardonneront sa fuite durant sept ans. Alors que tout semble s'arranger pour Miles, la police fait une irruption brutale dans le squat et Miles, en voulant défendre Alice, frappe un policier. Je ne veux pas parler du dénouement... Il vaut mieux lire ce très grand roman de Paul Auster, vraiment un des meilleurs pour moi de la rentrée littéraire !

jeudi 22 septembre 2011

Les cent livres

Frédéric Beigbeder vient de publier son "Premier bilan après l'apocalypse" aux Editions Grasset. Je n'ai pas une admiration totale pour ce trubion des médias culturels mais sa chronique dans la revue "Lire" est souvent drôle, légère et juste. Son côté dandy et sa soif de reconnaissance font partie, hélàs, de sa panoplie. Par contre, j'ai vu un reportage à la télévision sur sa défense des libraires et des livres-papier. Il prend le contrepied de la mode informatique du "tous à vos tablettes de lecture" pour nous alerter de la disparition prochaine de nos si beaux livres traditionnellement imprimés. Ce geste donquichottesque l'honore et le rend plus sympathique et moins frivole... Son bilan sur les cent livres est arbitraire, injuste, incomplet mais il a choisi ses meilleurs cent livres pour nous les faire découvrir. Je n'ai pas encore feuilleter cet ouvrage mais j'ai lu des critiques dans la presse assez élogieuses à son égard. J'y reviendrai plus tard. J'ai oublié de dire que Frédéric Beigbeder adore la Côte basque et possède une maison à Guétary. C'est pour cela que ce garçon me semble d'emblée fréquentable... Dès que je lirai Beigbeder, je reviendrai sur sa liste. En attendant, j'ai envie d'établir ma propre liste des cents livres que j'ai aimés après toutes ces années consacrées à la lecture. Je propose d'utiliser l'ordre chronologique, par siècles et faire travailler ma mémoire sur les émotions que j'ai vécues en découvrant les classiques par exemple.
Dans ma liste des classiques du XIXème siècle, je garde un souvenir profond des ces 10 romans français et étrangers incontournables :
- "Don Quichotte" de Cervantès
- "Moby Dick" de Melville
- "Anna Karénine" de Tolstoï
- "L'enfant" de Jules Vallès
- "Les Hauts du Hurle-Vent" d'Emily Brontë
- "Jane Eyre" de Charlotte Brontë
- "La Chartreuse de Parme" de Stendhal
- "Les Filles de feu" de Nerval
- "Les Illusions perdues" de Balzac
- "L'Education sentimentale" de Flaubert
Chaque semaine, je livrerai ma liste par série de dix titres...
Bonnes lectures !

mardi 20 septembre 2011

"Freedom"

Avant de parler de "Freedom", je vous conseille de lire son roman, publié en 2001, "Les corrections" pour ceux qui ne l'ont pas encore lu... J'ai enfin terminé "Freedom". Ces 717 pages m'ont pris pas mal de temps que je réserve à la lecture. Et pendant ce laps de temps (au moins une bonne semaine), j'avais envie de lire d'autres nouveautés de la rentrée. Les romans aussi denses m'empêchent de découvrir les autres. Que dire de ce "pavé" américain ? Un très bon roman familial, un roman-fresque, un roman-miroir de l'Amérique contemporaine, évidemment... Franzen nous demande en filigrane : que faites-vous de la liberté, de votre liberté, de votre destion individuel ? L'histoire de cette famille, composée d'un père, Walter, d'une mère, Patty, et de leurs enfants, Joey et Jessica est le fil conducteur du roman. Jonathan Franzen passe de Walter à Patty, de Joey à Jessica sans oublier l'ami commun du couple, Richard, le rocker "bad boy". En racontant le destin de ces personnages, le lecteur découvre en arrière-plan l'histoire des Etats-Unis dans les années 1970-2010. Le trio formé par Walter, Richard et Patty constitue le noyau central du livre. Si j'ose résumer en une phrase : Walter adore sa femme Patty qui, elle, est amoureuse de Richard qui, lui, est attiré par Patty mais éprouve une admiration pour son meilleur ami. Ce chasse-croisé se terminera par la formation du couple Patty-Walter et la naissance de leurs deux enfants. Jonathan Franzen nous décrit surtout l'échec du couple, l'échec de l'éducation des enfants, la mésentente dans la famille. Jonathan Franzen nous offre sa vision pessimiste de l'avenir, un portrait pathétique de l'engagement écologique de Walter, la comédie des relations sociales, la difficulté d'aimer, le mal-être de Patty en mère modèle et en épouse fidèle. Ce roman brasse tellement de thèmes que le lecteur peut suivre avec empathie tel ou tel personnage. Quel dommage que les écrivains français ne donnent pas des romans de cet ampleur sociale, politique, psychologique... Dans votre menu de la rentrée, ne ratez pas "Freedom", saga romanesque subtile et profonde !

lundi 19 septembre 2011

Ma Bibliothèque, portrait, livres anciens, 3

J'ai trouvé il y a longtemps chez un brocanteur trois ouvrages du Vicomte de Ségur, "Les femmes, leur condition et leur influence dans l'ordre social chez différents peuples anciens et modernes", imprimé en 1821, chez Thiérot et Belin à Paris. Ces trois petits livres retracent la condition féminine à travers les siècles. Le problème, c'est que je possède les tomes 2, 3, 4 et que je n'ai jamais déniché le tome 1... Le Vicomte décrit la situation des femmes dans une époque donnée et de temps en temps, il intègre un conte ou une nouvelle pour distraire son lecteur ou sa lectrice. J'aime beaucoup la conclusion de l'ouvrage : "Je crois avoir prouvé par quelques faits, par des rapprochements assez frappants, que, sous tous les rapports, les femmes ne nous sont pas inférieures.(...) Ne privons pas cette belle moitié du genre humain des droits que lui assignent ses grâces, ses vertus et même ses défauts. L'éducation des femmes devient un objet de la plus grande importance." Ce bon Vicomte prenait une position audacieuse en 1820. Je ne sais rien de cet auteur mais je suppose qu'il estimait les femmes et les respectait. J'aurais préféré que ces petits ouvrages soient écrits par une... femme mais au XIXème siècle, elles ne se donnaient pas le droit de composer des essais sur leur propre condition... Peut-être que je récupérerai par hasard le tome 1 de cette suite ? où donc se cache-t-il ? Dans une bibliothèque d'un collectionneur ? Dans une bibliothèque de recherche ? Mystère...

jeudi 15 septembre 2011

Ma Bibliothèque, portrait, livres anciens, 2

J'ai collecté durant ma vie de lectrice quelques livres anciens concernant la condition féminine. Le féminisme m'a toujours semblé une cause juste, essentielle et universelle. Je vais donc décrire un des quelques ouvrages de ma collection : "La femme en culotte" de John Grand-Carteret, édité chez Flammarion en 1899 avec 54 croquis originaux et 219 images documentaires. Cet ouvrage très curieux sur les femmes qui portent la culotte se divise en chapitres sur les femmes-soldats, les impératrices et les reines, les voyageuses, les actrices, les peintres, sur la masculisation du costume, la femme émancipée, etc. l'auteur mentionne aussi des avocates, escrimeuses, et... bicycletteuses ! Ce document est richement illustré, fourmillant de mille anecdotes sur la vie de ces femmes courageuses luttant contre le conformisme, véritable carcan, étouffant toutes celles qui voulaient vivre "à l'aise" dans leur corps et leurs mouvements. La culotte ou le port des pantalons sont un symbole de liberté et d'indépendance...

mercredi 14 septembre 2011

Hypathie d'Alexandrie

J'ai trouvé ce film "Agora" du réalisateur Alejandro Amenabar dans les bacs de ma bibliothèque municipale. Il s'agit de la vie d'une femme astronome et philosophe, Hypathie, à Alexandrie vers le IVème siècle après J.C. Ce film historique retrace aussi la révolte des chrétiens dans une Egypte dominée par les Romains. Elle était la fille du directeur de la Bibliothèque d'Alexandrie. Pour mieux la connaître, il faut se réferer à l'article sur Wikipedia. Le film rend hommage au courage extraordinaire de cette femme seule dans un univers intellectuel complétement masculin. Elle essaie de comprendre comment les planètes tournent autour du soleil. Le réalisateur montre la folie de cette époque si lointaine et si fascinante où la religion chrétienne rendait les hommes fanatiques, les talibans d'aujourd'hui. Hypathie devient une héroïne paîenne, ne renonçant pas à sa foi dans la science. Symbole de la beauté, de la sagesse, du savoir, elle résiste face à ces hordes de "religieux" intolérants et haineux. Le portrait d'Hypathie dans ce film ne peut qu'émouvoir les femmes d'aujourd'hui. Elle sera lapidée par les chrétiens qui ne supportent pas sa renommée et sa liberté. La fin est certainement inventée car un de ses esclaves converti au christianisme la tue pour qu'elle ne souffre pas de la lapidation. Le décor hautement antique du film est reconstituée avec minutie et vraisemblance en particulier la mythique Bibliothèque d'Alexandrie, la plus célèbre du monde antique. Fondée en 288 avant J.C. par Ptolémée, elle abritait 700 000 volumes au temps de César. C'est gràce à cette bibliothèque que la pensée et la littérature grecque ont pu nous parvenir. Sa destruction est racontée dans le film car on y voit les chrétiens fanatiques brûlaient le batîment. Ce film de 2009 n'a pas attiré les foules. C'est bien dommage et heureusement qu'il nous reste ce DVD pour le découvrir et plonger dans ce monde antique si fascinant. Le cinéma parfois donne le goût de la curiosité et m'a permis de connaître cette femme, Hypathie, qui, pour moi, représente la dignité infinie des femmes et un modèle magnifique pour les féministes...

mardi 13 septembre 2011

Ma Bibliothèque, portrait, livres anciens, 1

Je possède peu de livres anciens, édités avant 1800. Le plus ancien de ma bibliothèque, l'ancêtre qui cotoie tous les autres, est né en 1771. Sa reliure en cuir est un peu fatiguée : pensez-donc, cela fait donc 240 ans qu'il a vu le jour ! Imaginez que ce livre a traversé les trois derniers siècles, plus onze ans du notre ! Je vous le décris : son titre est fort beau, "La jouissance de soi-même" par le Marquis Caraccioli, colonel au service du roi de Pologne, édité à Liège chez J.F. Bassompierre, Imprimeur de Son Altesse et Libraire et chez J. Van den Berghen, libraire à Bruxelles. Je l'ai feuilleté et cet auteur inconnu écrit des chapitres courts sur tous les sujets possibles : des passions, des sentiments, des sciences, de la religion, de philosophie, de lectures, de serviteurs, des repas, du sommeil, etc. Le mot Dieu revient sans cesse, évidemment... J'ai vérifié la valeur du document sur Abebooks et j'ai constaté une fourchette de prix entre 50 et 100 euros. Pour un vieux livre d'avant la Révolution française, je considère que sa vraie valeur réside dans ce morceau pur de temps, cette traversée des siècles où j'ose imaginer le livre dans les mains de leur propriétaire-lecteur : une femme de lettres dans un salon du XVIIIème, un notaire de province, un professeur d'histoire, une marquise lettrée, etc. Mais je connais le nom du dernier détenteur du livre, en fait une femme qui s'appelle Mademoiselle Galllopin, "hospitalière" à Beauvais, une ancêtre de la personne qui m'a offert ce livre ancien. J'aime cette reliure en cuir, son odeur de poussière, son papier fragile, les caractères d'imprimerie, son format, un bon vieux livre que j'ai ainsi sauvé modestement de l'oubli...

lundi 12 septembre 2011

Pascal Quignard

L'oeuvre de Pascal Quignard me fascine depuis trente ans... Du "Salon de Wurtemberg" (1986) à la "Villa Amalia" (2006), des "Tablettes de buis d'Apronenia Avitia" à la "Terrasse sur Rome", "La vie secrète", "Le lecteur", "La haine de la musique", et sa cathédrale de mots "Le Dernier Royaume", dont je viens de finir le tome 6 : "La barque silencieuse" après avoir lu attentivement dans l'ordre chronologique : "Les ombres errantes" tome 1, "Sur le jadis" tome 2, "Abîmes" tome 3, "Les paradisiaques" tome 4, "Sordissimes" tome 5. Les livres de Quignard commencent à occuper un bon mètre linéaire dans ma bibliothèque. Il est temps d'éditer Quignard en Pléïade pour que je libère quelques places et que j'emporte la nouvelle édition en voyage... Cette fascination que j'éprouve pour lui est très difficilement explicable. Beaucoup d'essais sont consacrés à son oeuvre, reconnue évidemment par la critique universitaire. Je le lis en "amateur" sans me poser mille questions sur ces textes parfois obscurs, souvent hermétiques mais cette expérience littéraire unique en France mérite tous les efforts du lecteur motivé. Les premières lignes de la "Barque silencieuse" sont un concentré de l'art d'écrire de Pascal Quignard : "j'aurai passé ma vie à chercher des mots qui me faisaient défaut. Qu'est-ce qu'un littéraire ? Celui pour qui les mots défaillent, bondissent, fuient, perdent sens. Ils tremblent toujours un peu sous la forme étrange qu'ils finissent pourtant par habiter. Ils ne disent ni ne cachent : ils font signe sans repos." La lecture devient un plaisir gourmand car je savoure cette prose lumineuse d'intelligence, de culture, d'érudition stupéfiante sur le monde antique, les mythes, les légendes, les temps anciens. Il conte des anecdotes historiques sur des personnages réels ou imaginaires. Il intègre des phrases magnifiques sur la vie, la mort, la naissance, le temps, la solitude. Ces fragments de philosophie ponctuent les récits. Et, je "tombe" sur une page consacré à la lecture, à l'acte de lire que je vous cite : "Les livres peuvent être dangereux mais c'est la lecture surtout, par elle-même, qui présente tous les dangers. Lire est une expérience qui transforme de fond en comble ceux qui vouent leur âme à la lecture. Il faut serrer les vrais livres dans un coin car toujours les vrais livres sont contraires aux moeurs collectives. Celui qui lit vit seul dans son "autre monde", dans son "coin", dans l'angle de son mur.(...) Dans la littérature, quelque chose résonne de l'autre monde. Quelque chose se transmet du secret." La lectrice que je suis ne peut qu'adhérer à ces réflexions si évidentes... Je lis, je re-lis, je conserve les livres de Pascal Quignard comme des trésors qui représentent la quintessence de la littérature française, complétement décalée, hors de l'histoire contemporaine... Une oeuvre solitaire, une oeuvre de solitaire. La presse littéraire nous annonce la sortie d'un nouveau Quignard, je serai en librairie ce jour-là...

vendredi 9 septembre 2011

S.O.S. bibliothèques !

Il est très rare que le Monde des Livres parle des bibliothèques. Les bibliothèques demeurent encore aujourd'hui des lieux qui ne devraient subir aucune menace de fermeture. Une bibliothèque, c'est comme une école, une école pour tous où enfants et adultes peuvent se procurer en toute liberté et quasiment dans la gratuité toutes les ressources culturelles : livres, journaux, revues, CD, DVD. Ces outils de la connaissance font de chacun d'entre nous un citoyen du monde un peu plus instruit que ceux qui ne lisent jamais, plus tolérant que ceux qui ne voient que leur nombril... Sur le fronton de la bibliothèque, j'aimerais que l'on grave les mots de liberté, d'égalité, de fraternité. L'école de la République doit transmettre aux enfants ces valeurs essentielles et la présence d'une bibliothèque dans l'école, dans les quartiers d'une ville, dans un village, dans une prison, dans un hôpital, dans une université, dans une maison, dans un appartement, dans une chambre, permet cet héritage républicain. Une bibliothèque, qu'elle soit publique ou privée, grande ou minuscule, devient une île que l'on aborde avec bonheur. Or, la crise financière commence son travail de sape et va fragiliser le monde des bibliothèques. L'article du Monde des livres, daté du vendredi 9 septembre, mentionne les conséquences de la crise en Grande-Bretagne. Le gouvernement libéral de David Cameron veut fermer 10 % des bibliothèques. On découvre le combat des lecteurs qui se retrouvent ensemble pour maintenir l'ouverture de leur bibliothèque de quartier. Un lecteur déclare : "Accorde-t-on encore de la valeur au droit des citoyens à accéder à l'instruction, à la littérature, au monde de la connaissance ?". Les lecteurs doivent réagir si les politiques commencent à "dé-tricoter" le réseau des bibliothèques. En France, pour le moment, nos bibliothèques ne sont pas dans le colimateur des élus, je dis, pour le moment, malgré les restrictions budgétaires sur les collections et le personnel. Tant qu'il y aura des bibliothèques dans nos villes et nos campagnes, je serais heureuse et si la menace de fermeture se précisait comme en Grande-Bretagne, je lutterais pour maintenir l'ouverture de ces lieux si précieux !

jeudi 8 septembre 2011

"Trois lumières"

Quand j'ai vu le titre de ce roman, "Trois lumières", je me suis posée la question de sa signification. Claire Keegan, jeune écrivaine irlandaise, a signé un roman subtil mais en apparence très simple. Le récit est écrit à la premièr personne. Notre fillette est accueillie par les Kinsella, couple taciturne dans une Irlande rurale. Elle découvre la vie à la ferme, et surtout elle mesure la différence entre sa propre famille, débordée et inattentive à son égard et sa famille d'accueil, profondément soucieuse de sa nouvelle vie. Durant ce séjour, elle découvre le drame qui a frappé les parents "adoptifs" : ils ont perdu leur fils et se remettent de leur chagrin grâce à la présence de l'enfant. En fait, il ne se passe pas grand chose dans ce petit roman mais il recèle un charme certain dans l'évocation de cette Irlande rurale, rude et ensauvagée. La lectrice que je suis apprécie les descriptions des paysages, les caractères bien trempés des personnages, l'émerveillement de la fillette devant une vie de famille "normale", le style impressionniste de Claire Keegan. Un bon roman sensible, chez une éditrice qui propose très souvent de très bons livres, je parle de Sabine Wespieser. Ces trois lumières concernent une scène nocturne en bord de mer entre la fillette et le père de famille qui lui fait découvrir la mer et les trois lumières qui brillent au large symbolisant un avenir plus heureux...

mardi 6 septembre 2011

Le dernier Almodovar

Ce film n'a pas obtenu la Palme d'or à Cannes mais je trouve qu'il l'aurait méritée amplement ! Voir un Almodovar, c'est prendre des risques... Musique fabuleuse, images puissantes, beauté brune des femmes, brutalité sauvage des hommes, des destins inattendus et des histoires décoiffantes : voilà pour moi le cinéma espagnol "almodovarien"... Un chercheur-chirurgien, d'une froideur glaciale, emprisonne une jeune femme habillée d'une seconde peau. Le spectateur suit l'opération esthétique de ce personnage troublant. Peu à peu, Almodovar dévoile par petites touches le secret du chirurgien. Il a perdu sa femme qui s'est suicidée après avoir vu son visage et son corps brûlés dans un accident de voiture. Sa fille, malade mentale, subira un viol lors d'une sortie entre jeunes. La gardienne de la maison-laboratoire, jouée par Marisa Paredes, ajoute un trouble supplémentaire au film. La critique a évoqué le mythe de Frankestein, car le médecin possède le génie de la chirurgie réparatrice. Ce face à face entre la jeune femme captive et le chirurgien prédateur devient une relation complexe oû l'amour et la haine se mélangent. Pour vous donner envie d'y aller, je ne donne pas la raison du lien qui unit les deux personnages. Film coup de poing, film noir et grave sur les dégâts de l'amour, du comportement irréfléchi de certains jeunes, du poids du secret : j'ai retrouvé la fougue, le délire, la folie de ce cinéaste génial qu'est Almodovar... Deux heures de grand cinéma, sans une seconde d'ennui, avec un regret peut-être, que les pépites d'humour se soient volatilisées... Je reconnais le côté sombre de l'Espagne, comme le côté "sombra" des arènes, Almodovar a oublié le soleil dans son cinéma...

lundi 5 septembre 2011

"Les mots de ma vie"

Bernard Pivot a donc écrit un abécédaire où le lecteur peut glaner des souvenirs personnels et professionnels de notre "animateur" de télévision, animateur littéraire, toujours de bon goût et d'une modestie à faire rougir toutes les stars du petit écran. La pudeur du personnage reste une constante dans ce livre malgré quelques regrets de sa part : la lecture quotidienne lui prenait des heures et des heures et l'isolait de sa famille et de ses amis. Mais, sa rigueur et son honnêteté exigeaint un travail permanent pour se retrouver en face d'écrivains, d'essayistes, de politiques qu'il interrogeait avec sérieux et aussi avec un esprit malicieux qui passait très bien à la télévision. J'ai apprécié son livre dans les passages sur la littérature, son métier de critique, son enfance et sa jeunesse dans le Beaujolais, son goût typiquement français pour le vin et la cuisine, son côté "lyonnais" fait de mesure, de retenue et de discrétion. Je retiens aussi son amour inconditionnçel pour la langue française, les mots oubliés, l'étymologie, le vocabulaire, la grammaire... Il se confie avec plaisir sur cette passion du langage, comme un ouvrier sur son établi, comme un boulanger dans son fournil, comme un bijoutier dans son échoppe... Bernard Pivot est un homme gourmand. Il nous parle aussi des femmes, de l'amour, de l'amitié : un bon vivant même si, de temps en temps, il se voit "ronchon" à la moindre contrariété. Son livre-aubiographie se lit avec plaisir. C'est vrai qu'il ne dévoile pas de grands secrets, ni d'anecdotes "cocasses" sur les écrivains. Je tiens à le remercier d'avoir "mis" en vitrine audiovisuelle les visages des hommes et des femmes qui consacrent leur vie à l'écriture, aux livres et à la littérature... Bernard Pivot est un homme qui s'est toujours trouvé "ordinaire" mais qui a eu la chance de croiser la route de centaines de créateurs d'univers en papier... Je salue son dévouement total pour la chose écrite et les livres. J'éprouve comme beaucoup de lecteurs de ma génération la nostalgie d'Apostrophes, de Bouillon de culture, du Double Je... Décidément, il a bien montré que nous avons vécu un "âge d'or" de la télévision, un peu moins spectaculaire qu'aujourd'hui et beaucoup plus curieuse de culture littéraire !

vendredi 2 septembre 2011

Ma Bibliothèque, portrait, livres d'art, 3

J'aime aussi des livres d'art sans prétention comme ces éditions des années 70, "Le musée de poche". J'en possède trois exemplaires achetés récemment sur Zao Wou-ki de Claude Roy, Arpad Szenes (mari de Vieira da Silva) de Jocelyne François et Music de Jean Grenier. Trois écrivains que j'aime beaucoup ont donc signé ces monographies. Dans la liste, on trouve aussi tous les peintres modernes du XXème siècle. Ces modestes ouvrages au format poche se mettaient à la portée de tous les amateurs d'art. on y trouvait Nicolas de Staël, Alechinski, Soulages, Bram Van Velde, etc. Les livres modestes me conviennent très bien et aujourd'hui, je n'ai pas rencontré cette noble ambition de "vulgariser" dans le bon sens du terme nos artistes du passé et du présent : un éditeur audacieux pourrait se lancer dans cette entreprise pour faire connaître le monde de l'art. Mais à l'heure d'Internet, est-ce bien nécessaire ? On trouve tous les tableaux dans les images de google... Mais le commentaire de l'écrivain sur un artiste ? Aucun, il a vraiment disparu... Je me mets à rêver d'une collection qui ressemblerait à ce "Musée de poche" et je partirais à la rencontre des peintres majeurs avec des signatures d'écrivains admirateurs comme Quignard, Modiano, Le Clezion Ernaux, etc... Ils composeraient des textes sublimes, sensibles, non-spécialisés et neufs.
Je me contente donc de mes trois ouvrages et je rechercherai les autres chez les bouquinistes de ma région...

jeudi 1 septembre 2011

Ma Bibliothèque, portrait, livres d'art, 2

J'aime la peinture abstraite, en particulier, le mouvement de l'abstraction lyrique représenté par ma peintre préférée depuis trente ans, je veux parler de ma chère Vieira da Silva dont je collectionne tous les ouvrages parus sur elle. Il m'en manque encore une petite dizaine mais je finirai bien par les trouver... Le livre d'art que je présente dans ce billet n'a rien à voir avec la peinture abstraite. Ce serait son contraire : il s'agit des "Natures mortes" flamandes, hollandaises et allemandes aux XVIIe et XVIIIe siècles, aux éditions Herscher, paru en 1992. Le sujet de ces tableaux m'a toujours intéressée car ce sont les objets du quotidien qui magnifient la vie ordinaire. L'amateur de natures mortes aime cette abondance de fleurs, de fruits, de légumes,de crustacés, de coquillages, de pains, de cruches, de verres. En particulier, j'ai sous mes yeux un détail d'une planche signée de Jan Davidsz de Heem concernant un verre rempli de vin blanc. Mais comment-a-t-il pu rendre ce vin d'un jaune transparent qui nous invite à le boire immédiatement alors que le peintre l'a éxécuté en 1640 ? J'apprécie tout naturellement les natures mortes avec des livres. Les livres sont présents dans les compositions des "vanités", ces tableaux associant des objets divers dont un crâne humain pour nous signifier que nous sommes mortels et qu'il ne faut pas oublier ce fait majeur de la vie... Méditation philosophique, rappel d'une vie simple et frugale, hommage aux objets qui nous entourent, voilà ce que je retrouve en feuilletant ce beau livre d'art... J'ai moi-même des aquarelles et des peintures représentant des piles de livres, des livres sur rayonnages, des bibliothèques à la Vieira da Silva. Non seulement, mes livres me tiennent compagnie dans ma maison et en plus, j'expose encore ma passion sur les murs de mon salon... J'ai un beau souvenir de ma mère qui voulait acquérir une vraie "peinture". A l'époque, dans les année 80, on aimait toutes les deux fouiner dans les brocantes. Et un jour, en visitant une ferme, aménagée en magasin d'antiquités, ma mère et moi, nous avons remarqué sur un mur pourtant chargé, une nature morte composée de fruits et de fleurs datée du XVIIIe siècle. Malgré un coût assez élevé, peut-être cinq mille francs, elle l'a achetée le coeur battant d'avoir osé ce geste dispendieux. Ensuite, elle l'a accrochée dans son salon et cette nature morte l'a accompagnée jusqu'à la fin de sa vie. Elle y voyait certainement la beauté du monde dans la composition d'une corbeille de fruits...