lundi 14 décembre 2015

"La carte des Mendelssohn"

Ce roman labyrinthique n'a pas reçu un prix littéraire mais il aurait largement mérité le Médicis. Entrer dans ce livre peut effrayer les lecteurs(trices) pour plusieurs raisons : un sujet ambitieux, une plongée vertigineuse dans un arbre généalogique en Allemagne, un projet en forme de spirale. Diane Meur a choisi la famille des Mendelssohn, une lignée impressionnante et fascinante. La famille comporte des grandes figures de la philosophie, de la musique, du commerce et de l'industrie et de bien d'autres domaines. L'ouvrage s'ouvre sur l'évocation du premier des Mendelssohn, Moses, un oublié de l'histoire, un Voltaire allemand d'origine juive, tolérant et chantre d'une laïcité qui ne se nommait pas ainsi à l'époque. Ce grand sage, devenu allemand au XVIIIe siècle, a eu six enfants, et les enfants aussi ont enfanté, et en 2010, Diane Meur compte plus de 500 individus... Heureusement un arbre avec de nombreuses ramifications, nous aide à suivre les ascendants et les descendants de cette famille illustre. Car, un des petits-fils de Moses s'appelait Félix Mendelssohn, le compositeur célèbre, doté d'une sœur moins connue, Fanny, elle aussi compositrice. Le lecteur ébahi par tant d'informations croise des vies de banquiers, d'industriels, des officiers de la Wehrmacht, et même un planteur de thé à Bali. Diane Meur croise ces vies en les situant dans leur contexte historique et social. Elle s'implique elle-même en relatant ses propres recherches, sa vie personnelle et familiale, ses amitiés à Berlin. Ce livre-kaléidoscope mélange plusieurs genres littéraires : un journal intime, des biographies, des enquêtes historiques, des notions de philosophie, de généalogie, un portrait de la culture européenne. La lecture alimente notre culture personnelle et "La carte des Mendelssohn" apporte une richesse d'informations que l'on trouve rarement dans un roman contemporain. J'ai aussi beaucoup aimé les pérégrinations de la narratrice dans le Berlin d'hier et d'aujourd'hui et comme j'étais dans cette ville en novembre dernier, j'ai revécu mon escapade avec un grand plaisir... Cette fresque familiale montre les parcours hasardeux des uns et des autres, la filiation bousculée dans ses racines et l'héritage éparpillé à travers les pays. Au fond, elle nous renvoie à notre liberté...