mercredi 27 juillet 2016

"Critique du jugement"

J'ai terminé la lecture de "Critique du jugement", le dernier ouvrage de Pascal Quignard. Chaque fois que je dois rendre compte d'une œuvre aussi hermétique, je me pose la question légitime de la place d'un écrivain aussi complexe dans ce blog. Je crains de trahir sa pensée, de ne pas respecter son œuvre en minimisant sa portée symbolique. Pascal Quignard peut rebuter les lecteurs qui abordent ses textes sans connaître son monde, nourri de références culturelles exceptionnelles. Cette littérature fragmentaire se compose de citations latines et grecques, de personnages fictifs et de personnes réelles, de mythes, de contes, d'anecdotes tirées de l'histoire. Je pourrais comparer son œuvre à une citadelle de mots, de phrases et d'idées originales. Et il faut oser franchir les portes de cette forteresse pour se retrouver dans un jardin littéraire foisonnant. Les romans "quignardiens" ne posent aucun problème de compréhension et lire "Tous les matins du Monde", "Les Solidarités mystérieuses", "La villa Amalia" apportent des clés essentielles pour cerner les concepts singuliers de l'écrivain. Le volet "non-fictionnel" de son œuvre s'avère plus complexe et plus énigmatique. Mais, il faut s'armer de patience et se laisser aller à cette prose mystérieuse et aussi lumineuse quand, enfin, au détour des phrases, on se laisse surprendre par des phrases superbes. Sa "Critique du jugement" n'échappe pas à ces remarques de précaution avant d'aborder les premières pages. Je vais m'appuyer pour écrire ce billet, sur un article de Bertrand Leclair dans le "Monde des Livres" publié le vendredi 10 avril 2015. Le thème central de l'ouvrage porte sur le jugement. L'écrivain s'insurge contre cette obsession, cette manipulation et rejette ce droit que s'octroient les "liberticides" de la pensée. Pascal Quignard évoque Proust et le rejet de sa "Recherche" du milieu éditorial, Juger est proche de la mise à mort des créateurs et entrave la démarche de tous ceux qui choisissent cette voie vertigineuse. Il revendique une liberté totale en matière de création et sa volonté de solitude extrême lui permet de consacrer sa vie à la littérature, seule issue à ses yeux de trouver une sorte de répit ou de repos sur terre. Il se soustrait au jugement d'autrui pour vivre pleinement ses deux passions : lire et écrire...  Je lis en ce moment une biographie de Pascal Quignard pour mieux approcher ses textes en toute humilité et je reviendrai sur cet écrivain fascinant dans ce blog.