samedi 20 novembre 2021

Atelier Littérature, 3

 Colette a bien aimé le récit autobiographique d'Assia Djebar, "Nulle part dans la maison de mon père", publié chez Actes Sud en 2010. Cette académicienne, disparue en 2015, raconte son enfance dans une petite ville du littoral algérien. Son père, Tahar, est le seul instituteur indigène de l'école et malgré son idéal républicain, il impose à sa fille une rigueur religieuse qu'il entend lui transmettre. Elle découvre le monde grâce à la lecture et même si elle parvient à s'affranchir de la tutelle paternelle, elle rend hommage à sa culture d'origine arabo-berbère. Ce récit pudique et émouvant révèle aussi le déchirement d'une double appartenance culturelle et une Algérie très vivante des années 50. Il n'est pas facile de vivre dans une société ultra patriarcale symbolisée par le portrait de son père. Le parcours d'Assia Djebar semble exemplaire. Née en Algérie en 1936, elle publie son premier roman en 1957. Elle est entrée à l'Académie française en 2005 grâce à son œuvre imposante (romans, nouvelles, poésies, théâtre et essais). Régine a présenté un roman de Marie Sizun, "Le père de la petite", publié chez Arléa en 2008. A Paris, en 1944, une fillette de 4 ans vit seule avec sa fantasque de mère. Lorsque son père qu'elle n'a jamais vu revient de sa captivité en Allemagne, elle éprouve de la haine envers cet intrus et au fil des jours, commence à l'aimer. Mais un drame familial surgit que l'on devine au tout début de ce roman délicat, fin et sensible. Pour terminer l'évocation de la liste sur le rôle du père dans les romans, Agnès et Danièle ont lu "Le père Goriot" d'Honoré de Balzac. Je l'ai relu aussi avec un très grand plaisir. Autant Agnès n'est pas rentrée dans le roman, autant Danièle a apprécié ce monument de la littérature française. Pour l'une, elle a remarqué trop de descriptions, pas assez d'intrigues, un monde parisien très lointain, des personnages singuliers. Très difficile de lire ce texte du XIXe. Pourtant, quand on se laisse pénétrer par ce monde balzacien, les personnages de la Comédie humaine deviennent familiers comme ce bon Père Goriot, le terrible Vautrin, l'arriviste Eugène de Rastignac, les pensionnaires de la pension Vauquer. Le rôle de l'argent prend une place prépondérante car ce brave Goriot sacrifie sa fortune pour que ses filles mènent une vie de rêve dans la petite noblesse de l'époque. Ses filles l'exploitent honteusement et ne l'intègrent jamais dans leur vie. Cet amour sacrificiel du Père Goriot devient le symbole de l'amour hors du commun d'un père pour ses filles. Au moment de sa mort, Goriot traverse un moment de lucidité : "Depuis le jour où les yeux n'ont plus rayonné sur moi, j'ai toujours été en hiver ici ; je n'ai plus eu que des chagrins à dévorer et je les ai dévorés ! (...) Je leur ai donné ma vie, elles ne me donneront pas une heure de leur vie aujourd'hui !". L'ingratitude des enfants semble parfois sans limite, nous dit notre grand Balzac. Ce roman classique, fort et puissant, se termine par la phrase célèbre de Rastignac : "A nous deux, Paris !". J'ai donc renoué avec la redécouverte des classiques qu'il faut absolument lire et relire. Dans chaque atelier mensuel, j'intégrerai un classique dans ma liste d'ouvrages recommandés. Après Balzac , (quelle chance de le lire dans notre langue !), j'ai choisi un George Sand pour célébrer l'hiver, thème de notre rencontre du 16 décembre. Je remercie toutes les lectrices de l'Atelier toujours aussi motivées pour le partage des émotions littéraires.