mercredi 17 novembre 2021

"L'éternel retour, le grec et le latin"

 Quand j'ai appris que notre Ministre de l'Education Nationale avait l'intention de promouvoir l'enseignement du grec et du latin, j'ai soupiré : enfin ! Ma pente naturelle glisse souvent vers le pessimisme et j'imaginais leur disparition définitive. Ces langues anciennes dans lesquelles le français s'enracine me semblent pourtant incontournables pour apprendre la grammaire, le vocabulaire, l'étymologie, etc. Dans les années 60, je n'ai pas pu m'inscrire en latin et en grec car j'étais meilleure en mathématiques. Mais que je regrette ce non choix à l'âge de 11 ans ! J'ai eu mon "illumination" de la littérature à la fin de la 3e quand je suis tombée dans les bras de Colette, de George Sand, d'Alain-Fournier, et de tous les auteurs populaires de cette époque : Henri Troyat, Gilbert Cesbron, André Maurois et tant d'autres, oubliés de nos jours. Dès que j'ai passé mon bac L avec l'épreuve du Français à la fin de la Première, j'ai su qu'une licence de Lettres me conviendrait parfaitement. En 1970, il fallait apprendre le latin dans les deux premières années (DUEL) pour obtenir la licence de lettres modernes. J'ai donc été initiée à la langue romaine en laboratoire où il fallait s'exercer en répétant des tas de formules. J'ai appris le vocabulaire et les déclinaisons, mémorisé les conjugaisons, compris la structure linguistique du latin. J'ai compris alors toute la richesse d'assimiler une langue ancienne. J'étais fière d'obtenir mon certificat de latin comme une revanche sociale. Quand j'ai pris ma retraite, il manquait à mon palmarès, le grec ancien et je me suis lancée dans cet apprentissage avec une amie, professeur de français à la retraite, qui m'a donné avec générosité des cours pendant trois ans. Aujourd'hui, j'essaie d'apprendre en solo, l'italien pour mieux comprendre ce pays. Jean-Michel Blanquer a "osé" remettre à sa bonne place ces apprentissages si décriés par des professionnels de la modernité pédagogique, pourfendeur de l'élitisme culturel. Cette initiative européenne concerne aussi l'Italie, la Grèce, Chypre. Ces pays ont signé une déclaration conjointe pour renforcer la coopération autour du latin et du grec lors du colloque "Europe et langues anciennes, nouvelles questions, nouvelles pratiques". Le ministre veut aussi contrer les ravages du "wokisme", une idéologie minoritaire très répandue dans les universités américaine et française qui contestent la domination culturelle des "Blancs"... Ce frémissement pour rétablir la noblesse intellectuelle des langues anciennes accessibles à tous les élèves me semble une belle idée républicaine, un élitisme universel, un hommage à nos antiques ancêtres qui ont inventé notre culture européenne. Je suivrai de près ce retour salutaire à une certaine culture classique, celle des Humanités qui ont formé des générations d'étudiants. Jacqueline de Romilly serait heureuse d'apprendre que ses chères langues anciennes vont peut-être connaître un regain salutaire !