mercredi 16 octobre 2019

"Je reste ici"

Marco Balzano, écrivain italien, né à Milan en 1978, a écrit seulement trois romans, dont j'ai lu le dernier, "Je reste ici", publié chez Philippe Rey en 2018. L'auteur raconte qu'il a été inspiré par la vue saisissante d'un clocher d'église surgissant des eaux d'un lac artificiel au Sud-Tyrol. Il choisit donc le village de Curon, une bourgade où vivent des Autrichiens du Haut-Adige. La narratrice, Trina, relate sa vie à sa fille Marica dont elle est séparée depuis de nombreuses années. A dix sept ans, Trina tombe amoureuse d'Erich, employé de son père menuisier. A cette époque, en 1923, l'Italie annexe ce territoire et la langue allemande est interdite. Il faut parler italien comme la loi l'ordonne. Trina va convaincre son père qu'Erich sera un mari modèle malgré ses réticences. Ils se marient et ont deux enfants, Michael et Marica. Le pays est devenu fasciste avec Mussolini et Erich rejoint la Résistance. Un projet de barrage le met aussi dans une rage folle et il ne supporte pas que son village disparaisse sous l'eau. La narratrice partage la farouche détermination de son mari et elle donne des cours d'allemand aux enfants du bourg. Comme la situation s'envenime pour les villageois, sa fille Marica est enlevée par sa tante pour vivre en Allemagne. Cette absence va plonger la famille dans un chagrin inconsolable. De son côté, leur fils Michael se sent de plus en plus attiré par l'Allemagne hitlérienne et cet engagement jette l'effroi dans leur couple. Les événements de la Grande Histoire bousculent leur histoire personnelle. Ce roman évoque la dépossession de Trina : sa langue, sa culture, sa fille et sa terre. Entre le fascisme et le nazisme, ce petit territoire souffre aussi de ce projet de destruction concernant le futur barrage. Tout sera englouti et le village deviendra une attraction touristique. Il reste la voix de Trina, son courage, son abnégation, son beau témoignage sur le passé du village, de ses protagonistes magnifiques, de ses luttes légendaires contre l'injustice et l'arbitraire. Avec finesse et pudeur, ce roman très bien traduit, se lit avec beaucoup d'intérêt et détient un charme particulier, illustrée par Trina, un personnage féminin d'une douceur et d'une patience infinies. La presse littéraire n'a pas trop remarqué ce livre, quel dommage ! Je l'ai feuilleté dans une librairie et je souligne l'importance capitale de ce commerce si particulier qui sauve quelques livres de l'indifférence des médias…