mercredi 23 novembre 2022

"Quelque chose à te dire", Carole Fives

Le roman de Carole Fives, "Quelque chose à te dire", publié chez Gallimard, aborde la question de l'admiration-fascination d'une jeune autrice pour une écrivaine à succès. Elsa, divorcée, s'occupe de son fils une semaine sur deux. Elle a publié quelques romans peu lus et elle se sent en panne d'inspiration. La mort de Béatrice Blandy, sa grande écrivaine préférée à qui elle voue un culte, va changer sa situation médiocre dans le milieu littéraire. Elle s'était même servie d'une phrase d'elle en exergue de son dernier roman. Sa surprise est totale quand elle reçoit un message du mari de l'écrivaine, décédée d'un cancer foudroyant. Celui-ci veut la rencontrer pour la remercier de vive voix. Ce Thomas, riche producteur de cinéma, à la soixantaine élégante, subjugue la jeune romancière et elle finit, après quelques rendez-vous amoureux, à s'installer dans son très bel appartement de la rue de Rivoli. Thomas s'étonne d'avoir une compagne aussi jeune et la soupçonne de profiter de sa situation : "Dans le fond, ce qui vous plaît chez moi, c'est ma femme ! Je n'existe pas, je ne suis rien pour vous. C'est Béa que vous cherchez à travers moi". Mais, Elsa est fascinée aussi par le mode de vie de Thomas dans le milieu du cinéma. Le jeu de miroirs entre les deux femmes s'insinue dans le roman : l'une était belle, séductrice, rayonnante, l'autre "se sent moche, son regard triste, marron yeux de cochon, sa mine de chien battu". Le roman bascule quand Elsa trouve par hasard dans l'appartement parisien un manuscrit inachevé de Béatrice Blandy, une aubaine incroyable pour la romancière apprentie. Que va-t-elle faire avec ce texte inédit ? Le récupérer pour elle, l'enrichir et se l'approprier ? Je ne divulgue pas l'issue de ce thriller psychologique qui se lit avec un grand plaisir. Il est question de plagiat, de jeux de dupes, de manuscrit inachevé, de jeu littéraire. Dans un entretien sur France Culture, elle se confie sur son écriture : "Quand j'écris, j'ai l'impression de réponde à d'autres textes ou à d'autres films. Pour moi, la littérature est une grande conversation, de textes en textes, de livres en livres. Les gens se parlent". Et ce roman subtil et bien ficelé raconte ce rapport de voisinage dans l'écriture.