mercredi 30 juillet 2014

"Contrecoup"

Ce roman de Rachel Cusk porte un sous-titre évocateur  : "Sur le mariage et la séparation". Je le conseillerai à toutes les lectrices qui ont vécu une histoire difficile dans leur vie... Il vient de sortir dans la collection Points au Seuil.  La littérature anglaise possède souvent un charme indéfinissable du côté des femmes. Et Rachel Cusk appartient à cette catégorie d'écrivains sensibles et intimistes. Ce roman ressemble à un journal, un récit autobiographique, tenu par une femme blessée dès les premières lignes : "Mon mari et moi, nous sommes séparés il y a peu, et en quelques semaines, la vie que nous avions construite a été brisée, tel un puzzle réduit à un tas de pièces aux formes irrégulières." La narratrice relate cette rupture avec un florilège de détails, digne d'un traité de sociologie familiale. Le couple se sépare par lassitude et incompréhension. Leurs deux petites filles vont et viennent et chez la mère, et chez le père avec fatalisme et innocence enfantine. Mais ce qui semble vraiment original dans cette histoire éternellement banale d'une famille désunie,  c'est le point de vue de Rachel Cusk sur l'effet "contrecoup" de cette séparation-divorce. Cette faillite morale de deux adultes, pourtant parents responsables de deux adorables fillettes, provoque une marginalisation sociale. La mère évoque ce sentiment de ne "plus appartenir" au mythe social et éminemment conformiste, confortable et réconfortant de la famille "idéale", unie, aimante, solidaire et salutaire.  Les observations sur le quotidien après la rupture sont vraiment pertinentes et Rachel Cusk compare le désordre qu'elle vit avec la vie tumultueuse des figures tourmentées de la mythologie grecque.  Ce livre aborde avec originalité un sujet contemporain : le rapport souvent complexe homme-femme dans une relation égalitaire et solidaire, symbolisé par le mariage et la famille. Mais quand la rupture intervient, Rachel Cusk répond par l'analyse, la lucidité et l'envie de reconstruire une réalité moins conflictuelle... Un bon roman féminin et "féministe", peut-être... Et pas du tout déprimant !