mercredi 23 octobre 2019

"A la première personne", 2

Alain Finkielkraut revient, évidemment, sur un des sujets qu'il développe souvent dans ses prestations médiatiques : l'affaissement de la culture. Il évoque Charles Péguy, fils d'une rempailleuse de chaise, sauvé par l'école communale. En regrettant cette indifférence à l'héritage culturel, il attire les foudres d'un grand nombre de ses pairs qui le trouvent réactionnaire, passéiste, voire décliniste. Quel crime a-i-l commis pour se sentir sans cesse vilipendé ? Il ose intégrer une échelle de valeurs dans le monde de la culture, ce qui est une entorse au politiquement correct. Pour lui, une mélopée de rap n'égale pas une symphonie de Mozart : "L'inculture a disparu d'un coup de baguette magique : tout est culturel, proclament les sciences sociales. (...) Aujourd'hui, la culture, c'est la mare. Plus besoin donc de s'élever pour s'en approcher". Nous avons vu l'hommage de la nation à un chanteur populaire. Pour ma part, j'étais étonnée de voir notre Président aux obsèques de ce grand chanteur de rock. La société du spectacle n'intéresse pas le philosophe et il ne se reconnait plus dans ce monde égalitariste. Tout se vaut et alors rien ne se vaut. Sa conception d'une culture élitiste pour tous passe très mal de nos jours. Un terrain glissant où il est préférable de ne point s'aventurer. Ce philosophe ne se résigne pourtant pas à l'effondrement culturel : "Je continue, je m'obstine, j'aggrave mon cas pour une raison toute simple, admirablement exprimée par Léon Werth (…) : je tiens à la civilisation, à la France. Je n'ai pas d'autre façon de m'habiller. Je ne peux pas sortir tout nu". La phobie technologique d'Alain Finkielkraut appartient aussi à sa légende médiatique. Il craint l'emprise des écrans dans nos vies et cette critique lui vient du grand philosophe Heidegger qui a défini le monde comme un empire de la technique, le Gestell qui se manifeste dans le langage  anglicisé, l'écriture inclusive, la féminisation des métiers, le tourisme de masse, l'invasion de la musique en tous lieux et bien d'autres contrariétés que notre société génère. Il évoque "l'inhabilité de notre monde, l'empire dévastateur de l'esprit de la technique", dont il révèle les symptômes. Avant de critiquer et de condamner ce grand intellectuel français, je conseille d'ouvrir ces ouvrages et de le lire, tout simplement, de le lire attentivement. Et ensuite, de penser par soi-même si cette voix dérange ou au contraire nourrit la réflexion sur notre monde contemporain. J'avoue que je partage souvent l'inquiétude "finkielkrienne", peut-être est-ce un phénomène générationnel… Un ouvrage à lire pour comprendre les combats d'arrière-garde ou d'avant-garde de ce philosophe nostalgique…