vendredi 3 décembre 2010

Régis Debray

J'ai terminé un des derniers ouvrages de Régis Debray, "Dégagements". J'aime beaucoup Régis comme le dirait Ségolène (Martine par ci, Dominique par là...). Monsieur Debray est pour moi un des derniers grands intellectuels et penseurs d'aujourd'hui. Je l'ai suivi depuis qu'il écrit soit au minimum trente ans de compagnie avec un honnête homme, d'une lucidité fulgurante sur les travers de notre époque. J'ai même assisté à Grenoble dans les années 80 à une de ses conférences où il nous disait déjà que la seule valeur pour laquelle il faudrait se battre serait l'éducation. J'aime son côté ronchon, démodé, ancien révolutionnaire désenchanté, intellectuel libre et solitaire. Le milieu universitaire ne le reconnaît pas comme un des leurs malgré l'apport passionnant de la médiologie ou l'étude des supports de transmission de la culture dans le sens large. Revenons à son dernier ouvrage qui contient des pépites d'or. Exemples : l'éloge indécent et surdimensionné d'une star-rock à l'échelle planétaire, l'amitié entre Johnny Halliday et le Président,révélatrice du malaise que l'on peut éprouver face à cette mascarade du pouvoir, la vulgarité de notre télévision, la disparition des amateurs de littérature qui ne sont plus que quelques milliers en France. Le passage sur la vente des objets de Julien Gracq est particulièrement émouvant... C'est un livre à lire et à relire pour se donner du courage. Le fait de savoir qu'il reste quelques intellectuels à la "Péguy", me conforte dans l'idée que Régis Debray est pour moi un écrivain essentiel pour son style unique et ses critiques percutantes, pleines d'humour et d'ironie sur la société d'aujourd'hui.
Je vous livre une petit extrait :
"Le cinéma bouffe tout, disait Céline, ce ne sont plus des livres, les romans actuels, ce sont des scénarios". Alors,qu'est-ce qu'on fait, plumitifs, avec une arbalète au milieu des fusils-mitrailleurs ? On se fait plaisir avec nos petites montagnes de mots, dans l'espoir de toucher au mieux les dix mille survivants de la congrérie littéraire. Notre homologur derrière une caméra peut espérer toucher aux larmes dix millions de congénères, et dans tous les continents au même moment. Zéro compétitivité. Si l'on avait que cette pensée en tête, ce serait à se flinguer. Heureusement que nous avons d'autres plaisirs moins partageables, plus secrets...