mercredi 13 octobre 2021

"Les Enfants de Cadillac"

 François Noudelmann part en quête de ses origines familiales dans son nouveau livre, "Les Enfants de Cadillac", publié chez Gallimard en septembre. Ce récit autobiographique tente de répondre à cette question existentielle : "D'où venons-nous ? Nos ascendants influencent-ils notre vie ? Nos racines ont-elles joué un rôle dans nos choix ? ". Le narrateur raconte l'histoire de son grand-père, Chaïm, celle de son père, Albert et termine son récit par la sienne. Sa parenté appartient à la catégorie des "nomades, des errants, des migrants, fuyant l'invivable pour atteindre une Terre promise", elle aussi, parfois, invivable. Il se demande : "A quelles expériences familiales doit-on ce que l'on est devenu ? Comment les désirs des parents, leur volonté d'acquérir une identité, une place, une réputation se répercutent-ils sur les êtres qui leur succèdent". Le narrateur raconte Chaïm, son grand-père, colporteur juif, illettré, échappant aux pogroms en Lituanie. Cet homme immigre en France et s'engage comme soldat pendant la Première Guerre mondiale. Il est gravement blessé et gazé. Il ne s'en remettra jamais. Son épouse le place dans un asile psychiatrique et il finira par mourir à Cadillac, dans les années 40, abandonné par les siens et par sa nouvelle patrie ingrate et indifférente face à ces soldats malades. Ce grand-père sacrifié a été enterré dans une fosse commune. Ce destin poignant et tragique restera une énigme pour l'écrivain. Son père, Albert, lui révèlera sa propre guerre pendant six ans entre captivités et fugues. L'épopée de son père, représentant en tissus, taisait son passé qui ressemblait à une aventure picaresque. Ce père, "titi parisien, avec l'accent et la gouaille d'un poulbot de Montmartre", change son patronyme pour sauver sa peau et choisit un prénom et un nom bien français, "Philippe Garnier", pour échapper au camp de concentration. Le sujet de l'assimilation se pose dans ce roman autobiographique qui explore aussi les méandres de l'identité française en trois générations : "Entre Chaïm et Albert, un récit a bégayé, celui de l'assimilation des Juifs, le fils oubliant son père et poursuivant un même désir de fuit ses origines et de s'incorporer à la France, quitte à recevoir son passé en pleine face". Le narrateur,  professeur de philosophie, spécialiste de Sartre, s'est installé aux Etats-Unis, une distance bénéfique pour interroger sa propre identité, la mémoire familiale escamotée et l'interrogation de sa judéité. Il rappelle sans pathos la souffrance de son grand-père, héros de guerre,  mort dans l'indifférence et la non reconnaissance de sa nouvelle patrie. Son père, Albert, français assimilé rejetant ses racines, a peut-être trahi ses origines. Et lui, François Noudelmann, dénonce à la fin de ce roman autobiographique, les soubresauts de l'antisémitisme dans la société française. Ce livre déploie un bel hommage à sa lignée patrilinéaire (dommage pour sa mère et sa grand-mère) et figure dans les listes des prix littéraires. Un des meilleurs romans de la rentrée littéraire.