mercredi 17 mai 2017

Prague, 4

La ville de Prague s'est emparée de l'image de Kafka. Pragois de naissance et germanophone, cet écrivain majeur de la littérature mondiale m'a toujours fascinée pour son œuvre à la croisée du fantastique et de la philosophie. Sa culture juive influence ses écrits par le sentiment "étrange" qu'il éprouve de se sentir toujours un peu "étranger" au monde. Je suis donc partie sur ses traces et j'ai, dès le lundi, visité le musée Franz-Kafka dans le quartier Kampa qui longe le fleuve, la Vlata. Dès que l'on pénètre dans ce lieu assez modeste, situé sur une placette, la lettre K attend les amateurs de littérature. Le pauvre Kafka n'a jamais connu la reconnaissance de ses pairs à son époque (1883-1924) et serait étonné de voir sa vie ainsi étalée et décortiquée. Le musée propose des vitrines remplies de documents privés, de ses publications, des photos de ses compagnes éphémères dans une ambiance très noire, nimbée d'une lumière blafarde qui accentue le côté sombre et angoissant de son œuvre.  Des documents vidéos complètent la collection. Une petite salle comporte un meuble noir avec des rangées de tiroirs qui symbolisent la froideur de la bureaucratie kafkaïenne. Kafka souffrait de dépression et de phobie sociale. Il est mort de la tuberculose. Cet état permanent dans la maladie a certainement contribué à la noirceur de son univers qui annonce la notion de l'Absurde de Camus et l'existentialisme de Sartre. J'ai aussi vu sa maison "A la minute" où il a vécu avec ses parents dans la place de la vieille ville. J'ai déjeuné au Café Louvre où il se réunissait avec ses amis. J'ai parcouru la célèbre Ruelle d'or où il séjournait chez sa sœur. En dehors des maisons et des institutions, j'ai rencontré Kafka dans deux œuvres d'art. La première est une tête gigantesque de David Cerny (2004), haute de onze mètres, composée de 42 plaques superposées en aluminium et toujours en mouvement. La deuxième se situe au cœur de l'ancien quartier juif et montre un Kafka sans tête, en bronze et sur l'épaule de ce corps, campe un Kafka dans un corps d'enfant. Cette sculpture (2004) de Jaroslav Rona symbolise certainement l'esprit déroutant de l'écrivain... Prague avec Kafka comme Lisbonne avec Pessoa célèbre la littérature et même si ce phénomène commercial peut agacer les puristes, j'apprécie cet éloge au génie littéraire...