mardi 1 août 2017

Eloge de la marche, 1

Le quotidien Le Monde a eu l'excellente idée de proposer en six articles, datés du 18 juillet au 23 juillet, un éloge de la marche avec ce titre : "Penser la marche". Des randonneurs "intellectuels" ont étudié la "locomotion" humaine sous divers angles : pratique sportive, initiation spirituelle, projet thérapeutique, découverte touristique. Le premier article est consacré à Sylvain Tesson, écrivain-voyageur dont le célèbre "Dans les forêts de Sibérie" avait touché le grand public. De l'Asie centrale aux "Chemins noirs" de la France rurale, Sylvain Tesson raconte dans cet entretien, sa fuite d'un monde "numérisé, connecté, branché" pour rencontrer "le jaillissement perpétuel de la nouveauté" (citation de Bergson). Victime d'un accident très grave alors qu'il s'adonnait à sa passion d'escalader les toits, Sylvain Tesson est resté un an à l'hôpital pour se reconstruire. Il est reparti sur les sentiers de traverse qu'il décrit dans son ouvrage, "Les Chemins noirs". Du Mercantour à la Normandie, ce périple l'a guéri de sa "noirceur intérieure". La marche est devenue une thérapie évidente et lumineuse. L'écrivain se définit comme "un rustique" avec une "bonne résistance physique". Dans cette planète, saturée de technicité, Sylvain Tesson se glisse dans un "interstice" de liberté où il se met à l'écart du monde, loin du "balisage" que la société impose. Il rend hommage aux géographes des cartes IGN (1 cm pour 250 m), une aide précieuse pour s'évader dans des espaces peu explorés à la "praticabilité aléatoire". Et surtout, il évoque Jacques Lacarrière dont il admire la capacité "d'éblouissement". La marche l'a "soigné" ; "Je suis parti boitant, je suis revenu debout". Il considère sa démarche comme un mode de vie libre et non entravé par les contraintes sociales. Je cite la dernière phrase de son entretien : "La fuite est un formidable acte de critique. C'est ce qu'on appelle le chemin noir existentiel. On peut trouver partout ces interstices, ces échappées, ces issues de secours et ces chemins buissonniers : dans une bibliothèque, sous une voûte, une forêt, sur une paroi, en soi, surtout". Belle conclusion...