lundi 11 mai 2020

Ma première sortie

Aujourd'hui, encore une journée historique pour des millions de Français… Je suis partie revoir mon cher lac du Bourget comme si je ne l'avais plus vu depuis des mois. Depuis cinquante cinq jours, j'ai arpenté mon quartier durant l'heure concédée (avec parfois des petits retards) et je connais ces paysages de long en large et de large en long. Enfin, en début d'après-midi, j'ai repris ma voiture et j'ai filé tout droit vers Aix-Les-Bains en constatant que la voie rapide avait repris sa voilure habituelle. Quand je me suis garée du côté du Petit Port, j'ai été surprise de voir très peu de voitures et de promeneurs. Un couple de retraités piqueniquaient sur un banc. Quelques familles se baladaient avec leurs enfants. Quand mes yeux ont découvert le lac, j'ai ressenti une émotion liée à la joie, comme ce fameux sentiment océanique décrit par Romain Rolland à Freud : une union avec ce paysage si familier et qui m'était interdit depuis le 17 mars. Rien n'avait changé. Les voiliers tanguaient sur l'eau, les mouettes virevoltaient dans le ciel, les nuages blancs chevauchaient la Dent du Chat. Un panorama unique, d'une beauté mélancolique. Je ne pensais plus à cette période viralement dangereuse qui nous a tous cloué(e)s dans notre chaumière, maison ou appartement. Cette marche tranquille et sereine me calmait, me désangoissait. J'ai atteint le port d'Aix pratiquement désert avec la fermeture de tous les restaurants. J'ai traversé le Jardin Vagabond, tout en fleurs pour rejoindre la Baie de Mémard d'où on aperçoit l'Abbaye d'Hautecombe au loin. Je me disais que le confinement dans ce lieu spirituel m'aurait vraiment convenue. J'ai remarqué que les promeneurs portaient des masques mais les jeunes, un peu moins. Une politesse civique régnait dans les allées où chacun s'écartait sans problème particulier. Je suis repartie vers le Viviers du Lac et je voulais retourner sur le site des Mottets. La plage au bout du lac est inaccessible mais cela ne m'a pas empêchée de me balader dans cet espace magnifique : l'étang avec son ponton, la plage des Dames, les roselières, les acacias fleuris, les mouettes. J'ai même aperçu un drôle d'oiseau inconnu. Un jeune homme a vite réagi en le photographiant. Quand je lui ai demandé le nom de ce volatile, il m'a gentiment répondu que c'était un grabier chevelu, une sorte de petit héron très rare en Savoie. Ce jeune photographe, fou de nature et de botanique, m'a raconté sa passion des oiseaux. Une rencontre éphémère agréable. Décidément, ce premier jour de "déconfinement" s'est avéré profitable : j'ai oublié l'horrible Covid, j'ai vécu ce jour dans un monde normal, dans un temps perdu puis retrouvé. Evidemment, j'avais la chance de vivre en Savoie, loin des rames de métro, des quais bondés, des hôpitaux chargés, des travailleurs sur les chantiers. Je me suis souvenue en revenant chez moi que le cauchemar viral se poursuivait partout dans notre pays et ailleurs. Il est toujours menaçant ce sacré sale virus mais le temps d'une balade au lac, je l'avais oublié et cela fait un bien fou !