vendredi 19 août 2022

"Vagues"

 Comme tous les étés, je me donne des "objectifs" de lecture. Il y a quelques mois, j'avais commencé le roman de Virginia Woolf, "Vagues", son roman le plus expérimental, paru en 1931 et traduit par Marguerite Yourcenar en 1936. Mais, j'ai abandonné le livre car je n'arrivais pas à me concentrer suffisamment pour suivre les personnages. J'ai donc repris "Vagues" en juillet pour me prouver que mes "neurones" fonctionnent encore face à la difficulté de certaines œuvres. Marguerite Yourcenar a rencontré Virginia Woolf à Londres pour régler quelques détails de traduction. J'imagine leur rendez-vous qui appartient maintenant à la légende de la littérature. La préface de Marguerite Yourcenar éclaire et prépare le lecteur(trice) pour se laisser emporter par ces "vagues" de mots. Six personnages, Bernard, Susan, Rhoda, Neville, Jinny et Louis font partie d'un groupe d'amis et les "six" monologues se juxtaposent dans le récit. Un septième personnage, Perceval, ne parle jamais de lui-même. Il meurt dans un accident en Inde lors d'une campagne de colonisation. Ces amis forment un choral, une communauté d'esprit mais pourtant, ils n'ont rien en commun. Bernard, conteur né, aime écrire et cherche son style. Louis rêve de reconnaissance et de succès. Neville préfère les hommes et Jinny ne pense qu'à sa beauté. Susan choisit de vivre à la campagne pour élever ses enfants alors que Rhoda, souvent angoissée, fuit la société et ne se sent bien que dans la solitude. Une fois que l'on arrive à distinguer les six voix, il suffit de se baigner dans ce flot de paroles, ces six "flux de conscience" qui forment un seul fleuve, une composition musicale subtile que Virginia Woolf qualifiait de "poème-jeu". Derrière chaque personnage, se cache parfois un parent ou un ami de l'écrivaine anglaise. Un critique littéraire va plus loin dans l'analyse en imaginant que ces personnages symbolisent aussi les facettes de la personnalité complexe de Virginia Woolf. Et si "Vagues" cachait une autobiographie élégiaque et cryptée que le lecteur et la lectrice tentent de déchiffrer ? Enfance, jeunesse, maturité, ces épisodes de vie relatés par les narrateurs, traversent ce récit fascinant d'une modernité avant-gardiste. Dans sa formidable préface, Marguerite Yourcenar présente Virginia Woolf comme un génie littéraire et elle parle du projet woolfien ainsi : "Dans ces "Vagues", les quelques personnages ne sont plus que des mouettes au bord d'un Temps-Océan, et les souvenirs, les rêves, les concrétions parfaites et fragiles de la vie humaine nous font l'effet de coquillages au bord de majestueuses houles éternelles". Ce roman mythique se transforme en méditation profonde sur la vie et sur la mort, éternels sujets traités par la littérature et Virginia Woolf apporte sa propre "vision" comme son personnage emblématique, Miss Briscoe, dans "Vers le phare". Un roman initiatique à lire avec une extrême lenteur, deux à trois pages par jour, pour goûter la prose poétique de cette écrivaine que j'ai toujours qualifiée de "sublime", un adjectif que je n'emploie pas souvent...