vendredi 28 janvier 2022

Rubrique Cinéma : "Une jeune fille qui va bien"

 Sandrine Kimberlain, actrice française de talent, a décidé de prendre la caméra et son premier film, "Une jeune fille qui va bien" vient de sortir sur les écrans. C'est l'été 42 à Paris. Irène, (interprétée par Rebecca Marder) adore la vie et le théâtre en particulier. Jolie, insouciante, intelligente, la jeune fille croque ses vingt ans avec appétit. Elle vit chez son père (André Marcon), avec son frère Igor (Anthony Bajon) et sa grand-mère Marceline (Françoise Widhoff). Elle suit des cours de théâtre pour préparer un concours du Conservatoire et rêve aussi à son premier amour. Les jours passent dans une certaine allégresse de sa jeunesse prometteuse. Amis présents, famille aimante, études passionnantes, tout semble aller au mieux pour elle. Mais, l'inquiétude commence à percer chez le père et chez la grand-mère. Ils apprennent qu'il faut se déclarer comme juif à la préfecture de Paris. Irène ne mesure pas ces "contrariétés" dues à leur identité. Elle tombe enfin amoureuse d'un jeune homme, assistant de son médecin de famille qu'elle voit pour des évanouissements récurrents. Mais, un jour, Irène est obligée de porter l'étoile jaune. Il leur faut aussi déposer leurs vélos et leur téléphone à la Préfecture. Irène malgré tous ces événements ne peut pas imaginer le pire : "On n'a pas la peste, quand même !". L'examen approche pour Irène et son amie qui préparent une pièce de théâtre de Marivaux. Des scènes insouciantes se succèdent dans la vie de la jeune fille : répétitions, repas de famille, rencontres avec son amoureux, fêtes amicales. Le tragique de l'histoire surgit en une seconde quand la jeune fille, attendant les résultats de son concours, est dénoncée par une serveuse de bar. Un homme de la Gestapo se tient derrière elle et le film se termine sur cette image effrayante. Pour la réalisatrice, le film exclut le symbolique de la période nazie : pas de drapeaux, pas de soldats allemands, aucun S.S. en vue. Pourtant, la menace monte crescendo pour les citoyens juifs. Face à ce drame tragique, Irène symbolise l'hymne à la vie, à la culture, à l'amour et à l'amitié. La jeune comédienne, issue de la Comédie-Française illumine ce film par sa beauté espiègle, par son innocence et par sa joie de vivre. Quand on a vingt ans en 1942, la réalité morbide et tragique d'une France occupée semble irréelle. Sandrine Kimberlain s'est inspirée de journaux intimes relatant cette époque comme celui d'Helen Berr. La critique a soulevé l'aveuglement de la jeune Irène sur l'actualité de l'Occupation et de la déportation des Juifs. Ce beau film sensible et sobre pose la question permanente de l'antisémitisme, une question essentielle encore vive de nos jours. Un rappel historique salutaire pour ne jamais oublier. 

mercredi 26 janvier 2022

Atelier Littérature, 3

 La séance de ce jeudi s'est terminée avec les coups de cœur des lectrices. Annette a beaucoup apprécié le livre de Rachid Benzine, publié au Seuil. De Sarcelles à la frontière kurde en passant par la Syrie, le petit Fabien, devenu Farid, raconte sa nouvelle vie qu'il ne comprend pas. Loin de l'insouciance de l'enfance, il est confronté à l'horreur du camp et du totalitarisme islamiste. Ce petit garçon écrit pourtant des poèmes, Poignant et d'une grande humanité, ce roman pose la question de la protection des enfants face à des parents bourreaux. Ce voyage au bout de l'enfer dénonce le fanatisme, l'endoctrinement et la barbarie. Odile a changé de registre en évoquant une saga très agréable à lire, celle des "Cazalet" de l'anglaise Elizabeth Jane Howard en quatre tomes : "Etés anglais", "A rude épreuve", "Confusion", "Nouveau départ", publiés à la Table Ronde. Cette fresque familiale démarre en 1937 en Angleterre dans le Sussex. Dans la grande propriété de Home Place, la famille au grand complet se réunit avec épouses, enfants et gouvernantes. Les intrigues se succèdent dans un climat d'incertitudes car la guerre approche. Quelques lectrices ont parlé de la très bonne série anglaise, "Downtown Abbey" en six saisons qui rappelle la saga des Cazalet. On peut aussi se souvenir du succès sans précédent des "Jalna" de la canadienne Mazo de La Roche. Régine a choisi un récit étonnant, "La grâce" de Thibaut de Montaigu, publié dans la collection "J'ai Lu". Le narrateur explique qu'il a sombré dans une vertigineuse dépression. Il n'avait plus le goût de vivre. Quand il a pénétré un jour dans une chapelle d'un monastère, il a été touché par la grâce. Pourtant athée, cette révélation provoque une incompréhension en lui. Il va chercher des réponses auprès d'un oncle devenu prêtre franciscain après une vie dissolue. La foi reste un mystère... Mylène a découvert une petite nouvelle glaçante d'Alain Damasio, "Scarlett et Novak" qui l'a frappée. L'auteur dénonce l'emprise des écrans et des smartphones sur nos vies. Danièle a parlé du premier roman de Mariette Navarro, "Ultramarins". A bord d'un cargo qui traverse l'Atlantique, l'équipage décide un jour, d'un commun accord, de s'offrir une baignade en pleine mer. La commandante accepte cette transgression qui aura des conséquences funestes sur leur traversée. Odile a évoqué le roman de deux sœurs, Anne et Claire Berest. En 1908, Gabrielle Buffet, une jeune femme indépendante et féministe, rencontre le peintre Picabia. Ce roman très documenté suit le parcours atypique de cette femme sulfureuse qui brise les carcans de la société. Elle rencontre Marcel Duchamp, Apollinaire, les dadaïstes, les précurseurs de l'art abstrait. Et défilent aussi les capitales incontournables de l'art : Paris, Berlin, Zurich, Barcelone, New York, etc. Les sœurs Berest ont en fait relaté la vie très tempétueuse de leur arrière-grand-mère. Voilà pour les coups de cœur des lectrices de l'atelier. Nous nous retrouvons le jeudi 10 février pour partager quelques lectures sur le thème du temps...  

lundi 24 janvier 2022

Atelier Littérature, 2

 Régine a présenté le roman de Jonathan Coe, "La pluie avant qu'elle tombe", publié chez Gallimard en 2009. Notre amie lectrice nous a posé la question suivante : "Pourriez-vous résumer votre vie en vingt photos ?". Evidemment, non, mais pour Jonathan Coe, ce pari est tenu sans aucune difficulté. Ces vingt photos représentent l'armature du roman et racontent l'histoire de Rosamond. Sa voix résonne dans une confession enregistrée que sa nièce, Gill, seule héritière de cette tante célibataire, écoute. Elle découvre que ces cassettes sont adressées à une jeune fille aveugle, Imogen. Ce testament oral révèle l'histoire de trois générations de femmes des années 40 aux années 80. Ce formidable écrivain anglais évoque la répétition des "scénarios de vie" dans les choix hasardeux, les décisions arbitraires, les échecs prévisibles. Régine a apprécié ce roman bien ficelé, avec des personnages attachants et des questions à foison dont celle-ci en particulier : "Notre destin serait-il relié aux générations précédentes ?". La réponse de Jonathan Coe s'impose : "Il n'y a rien à dire, je crois, d'un bonheur qui ne comporte aucun défaut, aucune ombre, aucune tache, si ce n'est la certitude qu'il aura une fin". Annette a beaucoup aimé l'ouvrage d'André Kertész (1894-1985) dans la très bonne collection "Photo poche" chez Actes Sud. Ce photographe d'origine hongroise et naturalisé américain a façonné le style de la photographie moderne. Spontané et sincère, il traque le réel en instants de grâce à la "lisière poétique" sans emphase. Proche des surréalistes et du mouvement Dada, il réalise des distorsions photographiques qui auront une influence déterminante sur la reconnaissance de cet art comme une discipline à part entière.  Un photographe à découvrir dans cette collection emblématique d'Actes Sud. Odile a choisi la biographie de Pierre Assouline sur Henri Cartier-Bresson, "L'Œil du siècle", paru chez Folio en 2001. Né en 1908, le photographe a le "regard d'un promeneur lucide" entre l'Afrique des années 20, la Guerre d'Espagne, la Libération de Paris, Gandhi quelques heures avant son assassinat. Le photographe était l'assistant de Jean Renoir, a fondé Magnum, une des plus prestigieuses agences de photos. Il a photographié Mauriac, Camus, Faulkner, Sartre, etc. Odile a particulièrement apprécié la personnalité d'Henri Cartier-Bresson, inscrite dans une histoire du XXe siècle, bien présente dans cette biographie de Pierre Assouline. La littérature et la photographie font donc bon ménage à travers tous les livres retenus, romans et documentaires réunis. 

vendredi 21 janvier 2022

Atelier Littérature, 1

 Nous étions presque toutes au rendez-vous mensuel de l'Atelier ce jeudi 20 janvier à la Maison de Quartier du Centre Ville pour débattre de la relation entre la photographie et la littérature. Masquées pendant les deux heures de la séance et respectant les consignes sanitaires, la réunion s'est déroulée sereinement malgré nos visages où quelques lunettes des participantes se nimbaient de brume hivernale. Je rêvais d'une séance d'antan quand des sourires s'affichaient sur nos lèvres. Pour février et mars, nous garderons encore nos armures de papier contre le virus. Mais en avril ? Peut-être... Il faut être optimiste. Nous nous regarderons avec un étonnement émerveillé. La séance a démarré sur un coup de griffe de Geneviève concernant "La femme révélée" de Gaëlle Nohant. Notre lectrice a classé ce roman dans la "Pop littérature" ou littérature populaire en remarquant le style moyen, les intrigues invraisemblables, les personnages falots. En 1950, à Paris, Eliza se cache dans un hôtel sous un faux nom. Elle a quitté Chicago, son mari fortuné et son petit garçon. Dans sa valise, son Rolleiflex va l'aider à apprivoiser la ville, les visages des parisiens, sa nouvelle vie. Cette histoire est inspirée par la photographe américaine Vivian Maier, exposée en ce moment au Palais du Luxembourg. Mylène et Odile ont aussi lu ce roman et ont un avis plus nuancé et plus positif. Le roman documenté évoque le Paris des années 50 et se lit avec plaisir. Janelou a présenté avec un enthousiasme certain, l'autobiographie de Willy Ronis, "Ce jour-là", paru chez Folio. A partir d'une cinquantaine de photos, Willy Ronis à l'âge de 96 ans, évoque ses voyages, ses rencontres dans les rues de Paris, ses reportages dans les années 30. Janelou a beaucoup apprécié ce montage entre les photos et les textes les comparant à des petits contes. "Une photo, c'est un moment pris sur le vif, mais, c'est aussi l'histoire d'un jour", écrit Willy Ronis. Ces photos émouvantes forment "le tissu de ma vie, elles se font des signes par-delà les années". Après la présentation de ce Folio illustré, toutes les lectrices auront la curiosité de découvrir ce bel ouvrage. Danièle a choisi "S'émerveiller" de Belinda Cannone, publié chez Stock en 2017. Elle aussi s'est sentie émerveillée par ce beau livre illustré de photos montrant la beauté du monde. Pourtant, ce sentiment n'est pas très à la mode en ce moment mais, l'écrivaine s'en moque et propose une démarche modeste afin de mieux regarder notre environnement tout simple : un chêne devant sa fenêtre, un essaim d'oiseaux, le grain d'une peau, du linge qui sèche dans le vent. Cette attention renouvelée demande une certaine concentration, une présence sensible aux choses qui nous entourent. Ce "sentiment fugitif" ressemble à un "état intérieur favorable qui nous permet de percevoir une dimension secrète et poétique du monde". Cet ouvrage anti-déprime, écrit dans une langue élégante, ne bascule pas dans une autosatisfaction béate. Belinda Cannone semble trop fine pour tomber dans le piège de la mièvrerie. Il lui faut même un certain courage (ou de l'aveuglement ?) pour s'émerveiller de tout et de rien. Un livre à découvrir. (La suite, lundi)

mercredi 19 janvier 2022

Rubrique Cinéma : "La leçon d'allemand"

Christian Schwochow a adapté au cinéma le roman de son compatriote allemand, Siegfried Lenz, "Une Leçon d'allemand", publié en 1968. Un jeune homme, Siggi Jepsen, incarcéré pour un refus de composer une dissertation sur les "joies du devoir" se souvient de son adolescence au bord de la Mer du Nord en Allemagne. Son père, officier de police et nazi, l'éduque à la dure et ne supporte aucune discussion. Un voisin, artiste de métier et ami d'enfance du policier, consacre sa vie à la peinture. Mais, ces tableaux ne correspondent pas du tout à l'idéologie nazie qui considère cet art comme un acte dégénéré. Ce peintre, Max Nansen, se voit confisquer toutes ces toiles et le jeune garçon assiste à cette scène avec une incrédulité totale. Peu à peu, la conscience de Siggi commence à émerger car il décide d'aider son ami peintre. Mais son père, borné et cruel, poursuit avec détermination l'éradication des peintures de son ancien ami. Comment défier ce père puissant et rigide ? Le jeune garçon découvre une maison abandonnée et utilise une de ses pièces pour entreposer ses trouvailles naturalistes ramassées sur la plage et des toiles de Max qu'il subtilise avec adresse sans que le peintre ne le devine lui-même. Déchiré entre l'obéissance qu'il doit à son père et son affection pour son voisin, Siggi cherche dans la nature sauvage de la Mer du Nord une réponse à son conflit intérieur. Sa sœur le soutient mais sa mère ne réagit pas car elle subit la tyrannie de son mari en silence. Un jour, le fils aîné revient chez ses parents car il a déserté l'armée en se mutilant. Siggi cache son frère dans sa maison abandonnée. Le peintre et sa femme, ancienne cantatrice, aident le jeune garçon mais ils prennent un risque inouï. Le père, honteux d'apprendre la désertion de son fils aîné, le dénonce à la police quand celui-ci est blessé par un avion ennemi dans les dunes voisines. Entre la traque du voisin qui n'a plus le droit de peindre et le reniement de son fils soldat, Siggi ne supporte plus l'aveuglement idéologique de son père et il se rapproche de son ami peintre.  Cette "leçon d'allemand" démontre la folie nazie totalitaire. Mais, en face du nazisme, l'art symbolise une forme de résistance absolue à travers le peintre empêché de représenter "la douleur du monde". Les splendides paysages de la Mer du Nord avec ses milliers de mouettes répondent à la beauté des toiles du peintre. Quand la guerre se termine, le père est arrêté. La famille respire à nouveau. Le peintre est libéré mais il perd sa compagne. Le jeune Sirri l'aide à traverser ce deuil. Ce beau film, austère dans sa forme et complexe dans la psychologie des personnages, rappelle la barbarie nazie qu'il ne faut jamais oublier. A découvrir à l'Astrée en ce moment.

lundi 17 janvier 2022

"Les forêts de Ravel"

 J'éprouve une grande admiration pour Maurice Ravel, notre monument national de la musique du XXe. Je pense même que la jeunesse d'aujourd'hui pourrait écouter avec intérêt les compositions colorées, rythmées, éclatées comme le lancinant "Boléro", la Pavane magnifique, les concertos vivifiants pour piano. J'ai suivi les conseils d'Alain Finkielkraut dans son émission Répliques. Il avait invité un écrivain que je ne n'avais jamais lu. Il s'agit de Michel Bernard, peu connu du public mais son dialogue avec notre philosophe m'a convaincue de le découvrir. J'ai acquis "Les forêts de Ravel" aux éditions de La Table Ronde dans la collection La Petite Vermillon. Ravel se désespérait de ne pas servir la France pendant la guerre de 14-18. Au printemps 1916, l'armée répond à sa demande malgré ses quarante-et-un an et l'envoie chez les artilleurs où il sera conducteur d'ambulance, rapatriant les blessés du front pour les hôpitaux de Bar-le-Duc : "Il partit un matin d'avril 1916, au volant de sa camionnette, le casque sur la tête et le masque à gaz à portée de main, sur la route nationale de Bar-le-Duc et Verdun". Il s'adapte avec courage à cette nouvelle vie où il croise des hommes broyés par la guerre. Il n'économise pas ses efforts et se fait un devoir d'accomplir ses missions malgré les nombreuses péripéties comme les pannes de camions, les routes saturées, les problèmes d'intendance. Il remarque la "musique du front", "la profonde pulsation de la canonnade". Dans sa vie de musicien, il vient de terminer son "Trio" et se sentait en panne d'inspiration. Les soldats découvrent un jour la véritable identité de leur compagnon quand celui-ci se remet à jouer Chopin dans une salle de l'hôpital où il vient de conduire l'ambulance. Il sera envoyé au Nord Ouest de Verdun dans une forêt où il partage tout avec tous ces soldats du feu. Peu à peu, le désir de composer lui revient quand il écoute les chants d'oiseau dans cette forêt enchantée : "Elle était l'enfance et le refuge, la mère des contes et des songes. Elle était comme l'océan, elle était l'océan sur terre". Il lit Nerval et Alain-Fournier qui l'inspirent dans sa musique.  Epuisé par la vie militaire, il se laisse réformer quand il apprend la mort de sa mère. Cette guerre a décuplé son énergie créatrice avec la composition du "Tombeau de Couperin" et de la "Suite française". Ce beau roman sur un de nos musiciens emblématiques se lit avec plaisir en remarquant le style élégant de l'auteur, la présence de la musique, la personnalité intègre de Ravel, son courage et son "patriotisme", si démodé aujourd'hui. En lisant cet ouvrage, j'ai songé à mon grand-père, sous-officier, présent à Verdun qui a peut-être croisé son compatriote basque sans savoir que ce camarade ambulancier se nommait Ravel... Après avoir lu "Les Forêts de Ravel", j'ai écouté sa "Rhapsodie espagnole". Quand la littérature et la musique se rejoignent dans les mots, les notes ne sont pas loin...

vendredi 14 janvier 2022

"Virginia Woolf, Carte d'identité", 2

 Henriette Levillain aborde avec délicatesse, dans son chapitre, "Bipolaire", la maladie de Virginia Woolf. Elle écrit : "Héroïque, elle chercha inlassablement par la plume à tendre les fils entre les malades et les sains d'esprit, entre les lieux ou les moments de bonheur et les nuits sans étoiles". Virginia Woolf a subi deux pertes irrémédiables dans son adolescence : sa mère et sa demi-sœur. Plus tard, son frère Thoby meurt à 26 ans de la typhoïde pendant des vacances en Grèce. Ces traumatismes successifs ont eu une influence sur la personnalité fragile de la jeune fille. Pour expliquer aussi sa sexualité, la biographe mentionne les attouchements incestueux de ses demi-frères. Toute sa vie, elle a lutté contre ses périodes dépressives et ses envies de suicide. Elle se sentait souvent submergée par des migraines, des insomnies, des changements d'humeur. La psychiatrie de l'époque ne pouvait pas lui venir en aide et elle-même ainsi que son entourage n'évoquaient pas la maladie mentale. Son mari, Léonard, la soignait, la rassurait et lui permettait de surmonter ses crises passagères qui l'épuisaient. Virginia suggérait que son état inquiétant ne l'empêchait pas d'écrire, de penser, de vivre : "Chacun recèle en lui une forêt vierge, une étendue de neige où nul oiseau n'a laissé son empreinte. Là, nous avançons seul et c'est tant mieux". Malgré ce handicap permanent, Virginia Woolf se consacre entièrement à l'écriture quand son état de santé la laisse tranquille. A son journal intime qui lui sert de confident, l'écrivaine déclare : "Lutte, lutte" pour affirmer que seule, sa vocation d'écrivain lui importe. En parallèle, Henriette Levillain décrit les personnages des romans qui portent en eux les souffrances psychiques de Virginia comme Rachel dans "Traversées" et Septimus dans "Mrs Dalloway". Par ailleurs, Virginia a tout anticipé dans le féminisme. Son essai, "Une chambre à soi" reste un livre fondateur de l'émancipation féminine. L'indépendance économique des femmes demeure une condition essentielle de leur liberté. Un homme a partagé la vie de Virginia. Léonard bien qu'écrivain lui-même a sacrifié sa propre carrière en devinant le génie de sa compagne. Ils ont partagé une passion : celle de l'édition. A Londres, leur maison artisanale, la Hogarth Press, créée en 1917, a publié Freud, Joyce, Rilke, Lorca, les grands écrivains russes et des auteurs anglais comme Katherine Mansfield. Lectrice, éditrice, écrivaine, Virginia Woolf vivait pour la littérature. La biographie très documentée et d'une écriture élégante, apporte des éléments nouveaux et donne encore plus l'envie de retrouver la prose woolfienne, toute fluide, poétique, intimiste, intériorisée. La vie amoureuse de Virginia Woolf entre son mari et ses amours féminines participent aussi à sa légende de femme libre. Elle met un point final à sa vie le 27 mars 1941 en s'enfonçant dans la rivière proche de sa maison de campagne. Les poches de son manteau étaient remplies de cailloux. Ses cendres reposent dans le jardin de cette maison si chère à son cœur, Monk' House. Elle avait à peine cinquante-neuf ans... Cette biographie éclaire avec empathie et admiration le génie singulier de cette femme exceptionnelle. Sublime Virginia Woolf. 

jeudi 13 janvier 2022

"Virginia Woolf, Carte d'identité", 1

 Dès qu'une biographie ou un essai concerne Virginia Woolf, je n'hésite pas à acquérir ce document sur l'une de mes écrivaines préférées. L'automne dernier, Henriette Levillain, professeur émérite à la Sorbonne, a consacré une biographie à l'écrivaine anglaise. En 2016, j'avais apprécié l'essai qu'elle a écrit sur Marguerite Yourcenar. Pourtant, je connais bien et même très bien tous les éléments biographiques de Virginia Woolf, de sa naissance à sa mort tragique. Mais, je cherche toujours à comprendre sa personnalité profonde oscillant entre génie créateur et folie destructrice. La biographe démarre son essai ainsi : "L'émouvante beauté de Virginia Woolf avait de son vivant fasciné les plus grands photographes, elle a traversé les siècles". Henriette Levillain ne propose pas une biographie linéaire, utilisant la chronologie classique. Elle évoque la vie de l'écrivaine avec un abécédaire astucieux. Les chapitres s'intitulent ainsi : "Anglaise, Aristocratie, Biographe, Bipolaire, Bloomsbury, Féminisme, Lectrice, Léonard, Londres, Maisons, Marcheuse, Vita Sackville-West, etc.". Cette méthode biographique permet une lecture très agréable, inhabituelle et surprenante. La grande écrivaine anglaise a commencé à écrire à l'âge de dix ans. Sa précocité intellectuelle dans une famille bourgeoise éclairée présume une vie d'écrivain. Virginia Woolf symbolise la civilisation anglaise jusqu'au bout des ongles. Grande lectrice passionnée, grande marcheuse dans la campagne et à Londres, entourée d'amis, de sa famille et de son cher Léonard, l'écrivaine n'avait qu'une idée en tête : écrire, écrire, écrire. La biographe décrypte ses romans qui éclairent la vie de Virginia : "Woolf rêve à partir de choses minuscules, l'agitation frénétique d'une phalène sur sa fenêtre (La mort d'une phalène), les coups de Big Ben ou le timbre grêle d'une ambulance (Mrs Dalloway) ; elle valorise les petits faits de la vie quotidienne, enrichit de mystère les vies minuscules, celle d'une pauvre femme en face d'elle dans un wagon (Ce qui n'a pas été écrit), ou celle de Lily Briscoe, l'artiste manquée (Vers le phare)". Sa vocation d'écrivain commence donc tôt avec ce mot d'ordre permanent : "I will work, work, wotk". La littérature est une "affaire sérieuse" et elle accorde une grande importance à son environnement matériel. Il lui faut une pièce isolée, une bonne plume, un paysage, une présence affectueuse. Elle redouble d'énergie dans ses nombreuses lectures qu'elle puisait dans la très belle bibliothèque de son père, Leslie Stephen, responsable d'un Dictionnaire de biographie nationale. La jeune Virginia ne pouvait pas fréquenter l'université alors interdite aux filles. Une aberration scandaleuse qu'elle dénoncera dans son essai, "Une chambre à soi". Sa formation éclectique, d'un classicisme traditionnel (elle comprenait le grec et le latin), sa curiosité insatiable, sa passion des livres ont donné naissance à l'une des voix les plus modernes, les plus singulières de la littérature européenne. Pour paraphraser Simone de Beauvoir : on ne nait pas écrivain, on le devient...   (La suite, demain) 

mardi 11 janvier 2022

Rubrique Cinéma : "Nos plus belles années"

 Il ne faut pas manquer "Nos plus belles années", une comédie italienne, signée Gabriele Muccino. Ce film retrace le destin de quatre adolescents durant quatre décennies de 1982 à nos jours. Cette chronique implique trois garçons : Giulio, Paolo et Riccardo et Gemma, la seule fille du groupe. A 16 ans, Giulio et Paolo aident Riccardo, blessé dans une manifestation et l'emmènent à l'hôpital. A partir de ce sauvetage, les garçons deviennent des amis intimes. Gemma rejoint le trio car Paolo est follement amoureux d'elle. Le quatuor amical va entamer une longue histoire commune qui se déroule de leur jeunesse à leur maturité. Gemma doit quitter Rome pour Naples car elle perd sa mère et sa tante la recueille chez elle. Paolo ne se remet pas de ce départ et n'oubliera pas Gemma, trop fragile, qui s'adapte difficilement à sa nouvelle vie. Elle fréquente un mauvais garçon, fait trop la fête, sombre dans l'alcool. Pendant ce temps, les garçons entrent dans la vie active avec difficulté. Riccardo, l'optimiste, essaie le journalisme sans succès. Paolo, doux rêveur, devient professeur de littérature, de grec et de latin et Giulio, l'ambitieux, choisit le métier d'avocat. La vie professionnelle les éloigne les uns des autres. La vie amoureuse éclate leur harmonie amicale. Paolo retrouve Gemma après quelques années de séparation mais elle préfère Giulio. Cette trahison entre amis amplifie le gouffre de leur amitié perdue. Riccardo finit par divorcer, son épouse étant lasse de sa marginalité professionnelle. Mais, une comédie italienne ne ressemble pas à une tragédie grecque. La fin du film raconte leurs retrouvailles après toutes ces années de malentendus, de jalousie, de discorde. Ce long métrage rappelle l'inoubliable "Nous nous sommes tant aimés" d'Ettore Scola en 1974. Mais l'époque diffère et les personnages d'aujourd'hui ne connaissent pas le boom économique, les grandes luttes sociales, les idéaux politiques. Mais, ils possèdent en commun l'énergie de la jeunesse, le goût de la réussite, le sens de la famille. Giulio, l'avocat, mari malheureux mais père comblé, finira par quitter le milieu huppé de sa femme. Paolo, l'éternel amoureux, chevalier servant, retrouve sa Gemma, enfin réconciliée avec elle-même. Riccardo, longtemps écarté de son fils, vivra à nouveau une relation apaisée avec celui-ci. Gabriele Muccino rend un hommage appuyé au cinéma italien avec l'ombre de Fellini et  celle d'Ettore Scola. La bande-son dynamise les images, les villes magiques de Rome et de Naples illuminent les scènes et la fresque sociale emporte l'adhésion du spectateur. Ces quarante années racontées sans nostalgie, ni pathos, se résument en deux heures : un pari gagné pour le réalisateur italien même si les critiques n'ont pas retrouvé la magie de Scola ou celle de Fellini. La dolce vita en 2020 au temps du Covid, semble difficile à vivre !

lundi 10 janvier 2022

"Mon père et ma mère"

 Aharon Appelfeld (1932-2018), écrivain israélien, a publié en 2013, un récit fictionnel "Mon père et ma mère", édité dans la collection Points en 2021. Deux parents juifs et leur fils de dix ans passent leurs vacances d'été en 1938, près du fleuve Pruth, en Bucovine, une région entre la Roumanie et l'Ukraine. Ce roman crépusculaire évoque le destin des Juifs d'Europe centrale broyés par la barbarie nazie. La communauté se réfugie dans ce lieu privilégié tout en soupçonnant que la fin de leur monde approche à grands pas. L'antisémitisme règne dans ce village et ces signaux inquiétants angoissent les protagonistes du roman dont Erwin, le petit garçon si lucide et si courageux. En 84 chapitres cours, l'écrivain tient une chronique quotidienne de cet été au bord de l'abîme, un dernier été avant la tragédie finale. Le père de l'enfant, entrepreneur, a perdu la foi alors que sa femme conserve les traditions religieuses. Une galerie de portraits illustre l'anxiété de cette communauté en danger, une communauté composée d'individus en proie à l'inquiétude. Un ancien officier autrichien à la jambe coupée joue le rôle du juge. Une femme coquette se plaint d'être délaissée par son amoureux. Le médecin Zeiger rend visite aux parents du narrateur pour évoquer ses patients. Une voyante, Rosa Klein, interprète le rôle d'une pythie. Tous ces personnages attachants tentent d'échapper à l'étau qui se resserre autour d'eux en jouant la comédie d'un bonheur insouciant et léger. Aharon Appefeld décrit la désillusion amère de ces Juifs assimilés d'Europe centrale qui assistent, dans une incrédulité naïve, à l'effondrement de leur culture. L'écrivain annonce la fin du judaïsme européen. Ce récit des "jours d'avant", mélancolique et bouleversant, est porté par un style limpide : "Certains mots déposent en vous de la lumière. Si vous êtes chanceux, les mots de lumière paveront votre route". Erwin, le narrateur ressemble trait pour trait à l'écrivain qui, enfant, a connu ce monde disparu et par la littérature, ressuscite ce passé gravé dans sa mémoire. Le regard ébloui de l'enfant rejoint le regard interrogateur de l'écrivain sur la tragédie de l'Holocauste. Ces instants de vie pendant l'été 1942 forment une parenthèse enchantée qui se termine tragiquement. Le narrateur éprouve : "Le sentiment grandissant que ce qui avait été ne serait plus m'enveloppait d'une étoffe mélancolique". Ce roman ressemble à une belle photographie ancienne sépia qui restitue cette communauté en danger. La mère du petit Erwin répond à son mari en parlant de leur petit garçon: "Laisse le rêver, intervient maman. Qui sait combien de temps il pourra encore le faire ?". Un récit émouvant, profond, traduit par Valérie Zenatti.

vendredi 7 janvier 2022

Rentrée littéraire de janvier

 Le mois de janvier détient une réputation un peu défavorable : froid, neige, brouillard, pluie. La météo n'est guère favorable aux voyages et aux escapades. Mais, ce mois possède un avantage appréciable à mes yeux de lectrice, celui d'une seconde rentrée littéraire après celle de septembre. La presse professionnelle évoque plus de cinq cents romans français et étrangers et se demande si les éditeurs ont confondu septembre et janvier. Beaucoup d'auteurs connus vont sortir leur dernier titre comme Geneviève Brisac, Pierre Lemaître, Nicolas Mathieu, Vincent Message, Leïla Slimani, Eric Vuillard, Karine Tuil, etc. Sur la Côte basque, il existe une vague mythique, baptisée Belharra, que les surfeurs adorent dompter. Cette rentrée littéraire ne parle que de notre Balzac d'aujourd'hui, le dénommé Michel Houellebecq, la Belharra littéraire, qui déferle sur les tables de librairie avec ses 300 000 exemplaires prêts à être consommés. Le dispositif publicitaire me semble impressionnant. J'ai succombé à l'envie de lire ce phénomène éditorial et cet après-midi, j'ai effectué mon pèlerinage livresque chez Garin. Dans mon escarcelle, je suis repartie avec le roman-pavé "Anéantir", publié chez Flammarion, format cartonné avec un marque-page à l'ancienne, plus de 700 pages. Je n'ai pas résisté aussi à la parution du  dernier roman de mon cher Quignard, "L'amour, la mer", publié chez Gallimard dont les médias ne parlent pas, évidemment. L'un est un monstre surmédiatisé, exposé, l'autre un monstre discret, muet. Deux écrivains majeurs, deux grands français d'aujourd'hui. Mais ils n'ont rien en commun et pourtant, j'apprécie leurs deux univers. Houellebecq décrit avec une férocité humoristique notre temps contemporain et futur, l'autre s'évade de notre temps et le creuse en profondeur. J'ai commencé "Anéantir" et j'ai retrouvé le ton houellebecquien avec des passages frappants sur la solitude humaine, sur le couple et sur la politique. Quelle belle rentrée littéraire pour moi : deux géants en même temps ! Ils vont bien occuper mes heures hivernales avec une certaine jubilation... 

jeudi 6 janvier 2022

Douze mois de lectures : mes 12 récits et essais préférés, 4

 En juillet, j'ai découvert "Le dictionnaire chic de la philosophie" de Frédéric Schiffter. J'avais croisé ce philosophe à Biarritz dans le célèbre et incontournable Bookstore, une librairie réputée pour son escalier central qui mène au premier étage dans une mezzanine envahie de livres. Ce philosophe marginal, amateur de surf, professeur, ne se prend jamais au sérieux et son ironie mordante, son dandysme assumé donnent à sa propre pensée une légèreté profonde. En août, j'ai relu et terminé le troisième tome du "Labyrinthe du Monde" de la sublime Yourcenar, "Quoi l'éternité ?". Il ne se passe pas une année sans une rencontre avec elle. Je sors mes Pléiades et je lis un chapitre ou un extrait d'un essai. Récemment, je suis tombée sur cette phrase dans "Le Temps, ce grand sculpteur" : "Il n'y a ni passé, ni futur, mais seulement une série de présents successifs, un chemin perpétuellement détruit et continué, où nous avançons tous". Me ressourcer dans sa prose somptueusement classique reste pour moi un des grands bonheurs de la lecture. En septembre, Philippe Sollers est revenu dans mes lectures avec ses "Mémoires, un vrai roman" où il raconte son enfance, son milieu familial à Bordeaux, son projet littéraire, sa passion de la littérature. Cet écrivain français provoque, dérange, agace, ne laisse jamais indifférent. En octobre, un essai d'Alain Finkielkraut, "L'Après littérature" a confirmé mes intuitions pessimistes sur la mort annoncée de la littérature. Le philosophe écrit : "Nous sommes entrés dans l'âge de l'après-littérature. Le temps où la vision littéraire du monde avait une place dans le monde semble bel et bien révolu. Non que l'inspiration se soit subitement et définitivement tarie. De vrais livres continuent d'être écrits et imprimés, mais ils n'impriment pas !".  Un livre-bilan sur la culture littéraire, un essai revigorant et salutaire. En novembre, j'ai apprécié "Bellissima" de l'écrivaine italienne, Simonetta Greggio. Après "Dolce Vita" et "Les Nouveaux Monstres", elle raconte sa famille, ses parents, la sienne et aussi l'histoire sombre d'une Italie en proie à la violence. En décembre, sans aucune hésitation, j'ai été "remuée" par l'essai de Yannick Haenel, "Notre solitude". Il témoigne de sa participation aux procès des attentats de janvier 2015 quand les terroristes islamistes ont abattu les journalistes de Charlie Hebdo. Un livre essentiel, fort, indispensable pour comprendre et pour ne jamais oublier. Voilà mon palmarès personnel : au total 24 ouvrages, romans, récits et essais sur une année de lectures toujours aussi abondante, riche et surprenante. La lecture, une passion assumée et permanente ! 

mercredi 5 janvier 2022

Douze mois de lectures en 2021 : mes 12 récits et essais préférés, 3

 Je distingue dans mes lectures les romans, domaine de la fiction, et les récits ou essais, domaine de la réalité. J'ai une préférence pour la fiction mais, ma curiosité intellectuelle m'incline vers des essais et des récits. En janvier, j'ai apprécié "Un tout autre Sartre" de François Noudelmann, publié chez Gallimard. On connaît l'image emblématique d'un Sartre militant d'extrême-gauche, proche des communistes, juché sur un tonneau pour haranguer les ouvriers en 1968. Au fond, cette renommée politique cachait un Sartre amateur de voyages, d'évasion, de bons repas luxueux. Il était heureux à Venise, jouait du piano, tombait souvent amoureux. Ce portrait renouvelé et émouvant de l'écrivain philosophe est vraiment à découvrir. En février, et sans aucune hésitation, j'ai été charmée par le récit autobiographique de Chantal Thomas, "De sable et de neige". J'ai retrouvé l'univers de cette écrivaine-essayiste : son enfance à Arcachon, le portrait de son père taiseux, la présence magique de la nature, de l'océan, son style et ses réflexions sur la vie. Un grand bol d'air marin. En mars, j'ai découvert un texte posthume de Julien Gracq, un écrivain merveilleux, "Nœuds de vie", publié chez Corti. Je cite une de ses phrases : "Il fait un jour de fin d'hiver clair et froid, de ce bleu métallique et luisant de zinc neuf qu'on voit au ciel des dernières gelées quand les jours s'allongent ; la sécheresse de ce froid est tonique et exhilarante". Quel écrivain aujourd'hui emploierait ce vocabulaire et cette image ? Personne. Julien Gracq, un styliste inimitable, un amoureux de la langue française. En avril, j'ai lu une biographie du meilleur disciple de Freud,  Sándor Ferenczi. Benoît Peeters raconte la vie amoureuse et mouvementée de cet "enfant terrible de la psychanalyse". Un document précis et précieux sur les débuts de la psychanalyse. En mai, j'ai lu le récit sur un des mes écrivains préférés, "A la recherche de Milan Kundera" de la journaliste, Ariane Chemin. La journaliste du journal "Le Monde" a livré quelques informations sur la trajectoire de l'écrivain, venu de l'ancienne Tchécoslovaquie, son rôle politique, l'influence de son épouse Vera, son destin d'immigré de l'Est. Cet essai biographique m'a donné envie de relire les romans fabuleux de ce Diderot contemporain. En juin, j'ai retrouvé Lydia Flem dans son ouvrage original, "Paris Fantasme", publié au Seuil. Grâce à cette écrivaine belge, j'ai découvert le poème de Rimbaud dans cette rue Férou que je ne connaissais pas, près du Jardin du Luxembourg. J'ai arpenté cette petite rue typique de Paris en pensant à Lydia Flem qui a reconstitué l'histoire de cette rue avec ses hôtels particuliers, ses personnages anonymes, la vie parisienne, l'identité française. Un ouvrage fortement influencé par Georges Perec. (La suite, demain) 

mardi 4 janvier 2022

Douze mois de lectures 2021 : mes douze romans préférés, 2

 En août, un roman classique a marqué mon été, celui de Virginia Woolf, "Les Années" et j'ajoute une relecture passionnante, les Mémoires de Simone de Beauvoir avec "Mémoires d'une jeune fille rangée" et "La force de l'âge". J'ai relu le roman de Virginia Woolf en effectuant un saut dans le temps, d'au moins trente ans et cette deuxième lecture s'est avérée bien plus profonde que la première. Peut-être que mes années cumulées peuvent parfois "bonifier" mon esprit, ma sensibilité, mon empathie. L'écrivaine raconte le destin d'une famille sur trois générations de 1880 à 1918 où tout change, conditions économiques et valeurs morales. Le Temps, ce sujet woolfien par excellence. Elle aimait Proust et sa Recherche et j'ai retrouvé dans ce très beau texte, les influences proustiennes. Simone de Beauvoir a représenté aussi un retour sur le passé, un passé politique, social, historique d'une France des années 30 à 60. Relire Beauvoir m'a procuré un brin de jouvence et une confirmation : suivre le destin de cette jeune fille devenant Simone de Beauvoir peut donner une énergie fabuleuse pour toutes les lectrices en quête de liberté et d'autonomie. Cet été, je retrouve "Simone" pour "La Force des Choses" et "Tout compte fait". Je m'en réjouis d'avance. En septembre, j'opte pour une nouveauté de la rentrée, "L'éternel fiancé" d'Agnès Desarthe, un très bon roman enjoué, vivant, vibrant et vraiment agréable à lire. En octobre, j'ai découvert le dernier opus de Joyce Maynard, "Là, où vivaient les gens heureux". Des années 70 à nos jours, l'écrivaine évoque une famille dans les tourbillons de la société américaine : libération sexuelle, émancipation des femmes, l'émergence de Me Too. Une fresque sans concession d'une saga familiale. En novembre, j'avais choisi le rôle du père dans la littérature pour l'atelier et j'ai redécouvert la puissance romanesque de Balzac avec "Le Père Goriot". Cet homme fou d'amour paternel pour ces deux filles idiotes et ingrates se ruine, se sacrifie pour elles. Un roman passionnant qui m'a donné envie de relire Balzac en 2022. J'irai visiter sa maison à Paris pour me plonger dans l'ambiance littéraire du XIXe siècle. En décembre, grâce à Alain Finkielkraut dans son émission Répliques, j'ai exploré l'univers ironique et grinçant d'Abel Quentin dans son roman, "Le Voyant d'Etampes". Un roman aux accents de Philip Roth, une dénonciation de la vague woke en France, un style, une écriture élégante, un nouvel écrivain à suivre. Voilà mes douze romans préférés de l'année 2021 ! J'espère que 2022 m'apportera de belles surprises littéraires... 

lundi 3 janvier 2022

Douze mois de lectures 2021 : mes 12 romans préférés, 1

Comme tous les ans, j'établis ma liste des dix romans que j'ai vraiment appréciés. Dans les statistiques sur la lecture, je ressemble à un animal en voie de disparition, style ourse blanche, seule sur ma banquise sibérienne. Les sociologues m'appellent "grosse lectrice", ce qui n'est pas très élégant. Je préfère le terme de grande lectrice, lectrice ultra motivée, passionnée, enracinée dans les pages d'un livre. Les livres, ma "véritable patrie" avait dit Marguerite Yourcenar, ou ma terre natale. J'avoue que je ne n'ai aucun mérite car lire s'apparente pour moi à des heures de méditation libératrice et sereine. Ma respiration quotidienne. En lisant, je respire mieux. Avec un rendement respectable, à raison d'une huitaine de livres par mois, je peux établir ma liste de mes douze romans préférés, un par mois. En janvier, je choisis sans aucune hésitation "L'homme aux trois lettres" de Pascal Quignard, un des mes écrivains préférés. Je sais qu'il n'est pas facile à comprendre, mais j'aime me confronter à la difficulté. Je retiens cette belle citation : "J'aime les livres. J'aime leur monde. J'aime être dans la nuée que chacun d'eux forme, qui s'élève, qui s'étire. J'éprouve de l'excitation à en retrouver le poids léger et le volume à l'intérieur de la paume. J'aime vieillir dans le silence, dans la longue phrase qui passe sous les yeux". En février, le roman de Yasmina Reza m'a particulièrement touchée pour sa galerie de personnages, par son style et son ironie poignante. En mars, je mets à l'honneur deux titres de Philippe Sollers, "Légende" et "Agent secret". Même s'il attire beaucoup de critiques acerbes, j'aime son esprit de liberté, son goût de la vie, sa passion de la littérature. Il demeure un de nos plus grands écrivains français d'aujourd'hui. En avril, j'ai découvert un écrivain peu connu mais passionnant, Patrice Jean avec son beau roman anti woke, "La poursuite de l'idéal" chez Gallimard. Un regard original, fortifiant et iconoclaste sur notre société française bien complexe à saisir. En mai, un roman américain m'a bien intéressée. "Copies non conformes" d'Alix Ohlin, publié chez Gallimard. L'histoire de ces deux demi-sœurs, abandonnées par leur mère, vivent un destin opposé. L'une va se lancer dans le cinéma documentaire alors que l'autre se perdra dans ses relations amoureuses. En juin, j'ai redécouvert la verve romanesque de William Boyd dans son dernier roman, "Trio". En juillet, j'ai succombé au charme de Javier Cercas avec "Terra Alta". L'Espagne avec ses fantômes du franquisme, l'Espagne avec ses paysages parfois arides. Un héros, un policier, Melchior, amoureux des Misérables de Hugo. Un écrivain majeur, Javier Cercas. (La suite demain)