mardi 10 décembre 2013

Rubrique cinéma

J'aime bien les histoires concernant les immigrants en Amérique. J'ai connu des hommes (en majorité) au Pays basque qui partaient faire fortune en Californie et revenaient souvent riches dans leur village natal. Pourtant, ils étaient bergers, agriculteurs, artisans, et leur goût du travail, leur force physique et morale, leur ténacité les ont aidés à s'intégrer et à devenir des américains. J'ai pensé à eux et à mes grands-parents d'origine aragonaise qui ont fui la misère de leur pays pour trouver du travail et mener une vie digne et honnête. L'héroïne du film de James Gray peut symboliser ce mythe de l'immigration européenne aux Etats-Unis dans le début du XXème siècle. Ewa et sa sœur Magda débarquent à Ellis Island en 1921. Elles ont perdu leurs parents pendant la guerre en Silésie. La délivrance approche et elles espèrent retrouver une tante, installée à New York. Mais Magda a attrapé la tuberculose et elle est mise en quarantaine sur l'île. Ewa se retrouve seule et elle est expulsée. Dans la file d'attente, un homme la remarque pour sa beauté et la sauve car elle parle anglais. Ce Bruno en question n'est qu'un souteneur-proxénète mais Magda n'a pas le choix. Elle ne pense qu'à sa sœur et elle accepte à contrecœur de se prostituer. Elle se sauve un jour pour rejoindre sa tante et son oncle mais ils la rejettent. Plus tard, elle rencontre un magicien, Orlando, qui, lui, la respecte et veut l'aider pour récupérer sa sœur. Elle reprend espoir et se met à rêver d'une vie nouvelle. Va-t-elle libérer sa sœur sur Ellis Island ? Bruno sera-t-il son sauveur ou son malheur ? Je ne dirai pas plus sur ce film classique, qui offre à la fois une reconstitution historique et sociale très réaliste sur l'immigration européenne en Amérique et un beau portrait de femme, victime de la rapacité sexuelle et qui, malgré tout, n'est pas atteinte par la dégradation morale que cela implique. Son obsession (sauver sa sœur) la protège de la déchéance et lui donne une énergie toute féminine.  Le réalisateur traite ses personnages avec subtilité et avec une certaine ambiguïté, en particulier pour le personnage de Bruno, jaloux et possessif. Pour moi, ce n'est pas le film de l'année mais, le sujet du film -le rêve américain- résonne au plus profond de l'identité européenne, et même mondiale... et mérite une séance sur grand écran.