mardi 6 décembre 2011

Rubrique cinéma

J'avais envie d'aller voir "Les Neiges du Kilimandjaro" du réalisateur Robert Guédiguian avec Ariane Ascaride et Jean-Pierre Daroussin. Chose faite lundi pour la séance d'un cinéma de quartier à 14h30. Nous étions une petite trentaine de spectateurs, ce qui équivaut à une fréquentation record pour cet horaire et ce jour de semaine. D'habitude, on est deux, trois, cinq... Le film démarre et le charme opère sur moi à la première minute. Le monde de Guédiguian est notre monde de tous les jours avec des gens ordinaires, normaux, vrais. Il s'agit de l'histoire d'un couple d'ouvriers pour qui le travail est une conquête pour vivre mieux et à l'abri du besoin. Les premières images sont fortes : un tirage au sort, organisé par le syndicat, permet de licencier une vingtaine d'ouvriers pour que l'entreprise survive. Ensuite, le héros principal est malgré tout tiré au sort et part en "pré-retraite". La camaraderie de ce monde va lui manquer et on le suit dans cette nouvelle identité de "retraité", moment difficile à vivre pour tous ceux qui ont construit leur existence sur le travail. Après un fête de leur anniversaire de mariage, où les amis, collègues et la famille s'étaient cotisés pour leur offrir un voyage au Kenya, le film bascule dans la tourmente. Lors d'une soirée, deux hommes cagoulés font une irruption brutale et dérobent la cagnotte et les billes d'avion offerts pendant leur fête. Je ne vais pas dévoiler la fin du film, il vaut mieux aller le voir. La violence sociale, le désespoir du chômage, la misère morale, la jalousie de classe, la pauvreté sont les thèmes du film. La solidarité et la générosité prendront le dessus et le couple formé par Daroussin et Ascaride symbolise encore l'espoir et la tendresse dans un monde voué à l'individualisme et au cynisme. Un homme sans travail perd toute sa dignité : le jeune ouvrier exclu de l'entreprise, exclu de la société, ne demandera pas pardon et donnera une leçon à tous ceux qui ont acquis une certaine sécurité. Conflit de générations, conflit de méthodes, conflit de visions de la vie, voilà un film français sur la crise des valeurs, sur la crise sociale qui marque l'esprit du spectateur et qui nous dit : "Attention à la tentation du repli sur soi et de l'égoïsme..." Un film de qualité, avec un militantisme assumé à gauche ! Elle existe bien cette générosité naïve et cette solidarité de classe, mais cela nous change des hautes sphères dans le cinéma d'aujourd'hui. La classe ouvrière est en voie de disparition dans le cinéma français. Comptons donc sur Robert Guediguian pour nous montrer sa complexité et ses désillusions.