lundi 30 décembre 2013

Rubrique cinéma

Mon dernier film de l'année 2013 s'appelle "Suzanne" de la réalisatrice Katell Quillévérè. La comédienne Sara Forestier interprète un rôle de fille à la limite de la marginalité. Au fond, elle n'en fait "qu'à sa tête" sans trop réfléchir aux conséquences de ses actes. Elle incarne donc une certaine jeunesse qui a beaucoup de mal à accepter le "principe de réalité". Suzanne est élevée par un père courage, chauffeur de poids lourd, chaleureux et attentif car il éduque ses filles tout seul. Ses deux filles s'entendent à merveille, malgré l'absence d'une mère, morte trop tôt de maladie. Le milieu social de Suzanne ne l'encourage pas à faire des études pour changer sa vie. Elle va choisir la pire des solutions : tomber enceinte à 17 ans parce qu'elle "en avait envie". Son père et sa sœur assument la situation, contraints mais toujours patients. Quand Suzanne rencontre son "amoureux", elle ne lui résiste pas longtemps et comme c'est un jeune délinquant, elle s'enfuit avec lui pour vivre une cavale qui va la conduire en prison après un vol avec agression. Et Suzanne, toujours dans l'improvisation, a abandonné son fils qu'elle aime pourtant. Quand elle quitte la prison, elle tente de revivre avec son fils mais son compagnon resurgit et elle reprend sa vie marginale en l'accompagnant dans ses trafics de drogue. Ils vont même donner naissance à un enfant qu'ils mêlent à leurs minables opérations. La vie aurait pu continuer ainsi, mais Suzanne veut présenter son enfant à sa mère au cimetière quand elle se rend compte que sa sœur est décédée, victime d'un accident de la route. Cette révélation va changer le cours de sa vie... La réalisatrice montre le déterminisme familial et social de Suzanne,  l'ennui d'un destin tout tracé dans des travaux ingrats. Suzanne préfère la liberté et l'amour sans se poser de questions.  Son père l'aime malgré tout ce qu'elle lui fait subir, un père Goriot, un personnage exemplaire et bouleversant joué par l'excellent François Damiens. Sa sœur joue le rôle de l'aînée, sérieuse, travailleuse et patiente envers sa sœur rebelle. Suzanne et son copain délinquant forme un couple de paumés, d'égoïstes et d'inconscients. Le père et la sœur sont les véritables héros du film pour leur abnégation, leur solidarité et leur dignité. Un bon film réaliste, un beau portrait de famille disloquée, dévastée et pourtant soudée.

vendredi 27 décembre 2013

"Eclats d'insomnie"

J'ai déjà mentionné cette écrivaine, Diane de Margerie,  dans mon blog, à propos de "La passion de l'énigme". Je l'ai retrouvée avec beaucoup de plaisir en lisant son dernier récit, "Eclats d'insomnie", paru chez Grasset en 2013. Il s'agit d'un journal intime sur un an, de septembre 2011 à septembre 2012. Ce récit autobiographique ne contient aucun événement sensationnel, bouleversant ou tragique même si elle traverse de graves soucis de santé. Elle évoque, avec sa musique stylistique irremplaçable, sa vie quotidienne à Chartres où elle habite, ses fréquents déplacements à Paris pour des raisons professionnelles (elle est membre du jury Femina), les nombreux voyages et les pays de prédilection sans oublier ses amis en souffrance. A plus de quatre-vingt ans, cette femme de lettres au sens le plus intelligent du terme, décrit ses moments "d'éclats d'insomnie" avec une lucidité rare, sans fard, avec une simplicité déroutante et une délicatesse profonde. Sa raison de vivre, elle l'a trouvée dans l'écriture sous toutes ses formes : l'essai, la traduction, la fiction et la critique littéraire. Ses multiples talents ont forgé une personnalité où l'amour de la vie l'emporte sur les inquiétudes et les interrogations. Elle nous communique un élan vital quand elle écrit ces mots : "Et la vie est un tel don (pour ceux qui ont le privilège de pouvoir la vivre comme moi) que je ne dois pas la laisser filer sans en garder une trace. Trop d'années ont ainsi disparu dans un gouffre, des années de formation, de bonheur ou encore des années ternes, mornes, comme si rien ne s'était passé, alors que, si justement, : tantôt l'espoir lové dans les moments merveilleux, tantôt la répulsion des désenchantements." Son journal intime rassemble des notations de son quotidien souffrant mais aussi de son émerveillement devant la nature et les oiseaux, de Paris et de Chartres, et surtout de ses nombreuses lectures et remarques sur des écrivains qu'elle affectionne tout particulièrement comme Proust, Edith Wharton (qu'elle a traduit), Antonio Tabucchi, Roland Barthes, etc. Diane de Margerie évoque fréquemment sa nouvelle sérénité peut-être ressentie grâce à son âge, où tous les moments sont comptés, gagnés et vécus pleinement. Lire cet ouvrage confirme la certitude que la littérature peut aussi nous embarquer vers des rivages heureux et sereins surtout en compagnie de Diane de Margerie...

lundi 23 décembre 2013

"L'écrit dure"

Il est rare qu'un quotidien consacre sa "une" sur le livre et l'écrit. Libération l'a donc fait ce samedi 21 décembre avec une illustration en couleurs d'une sculpture spectaculaire d'un artiste contemporain pragois, Matej Kren, qui érige des tours monumentales en livres, matière vivante et colorée, tel des remparts protecteurs contre les agressions de la vie extérieure... Le journal constate l'effondrement des grandes enseignes en citant la fermeture d'une cinquantaine de librairies "Chapitre" dans des villes moyennes. La lutte entre le Grand Ogre dévoreur du moment, Amazon, et l'ensemble des librairies ne fait que commencer. Seules, les librairies indépendantes et de qualité résisteront à la vague d'achats sur Internet. Faut-il aussi, près de chez soi, trouver une librairie qui sort ses griffes et attire le lecteur potentiel. Quelquefois, on peut entrer et sortir d'une librairie sans avoir rencontré un regard de la part des employés. Il faut aller vers eux pour avoir des renseignements et le hasard joue son rôle : soit la requête est traitée avec gentillesse et intérêt, soit elle tombe à plat et laisse le demandeur sans voix... Il n'est pas évident de rencontrer des passionnés de littérature, ou de livres d'art, sans parler des sciences humaines, de philosophie et d'histoire pour vous guider et vous informer. Cela ne me gêne pas car j'aime butiner sur les rayons et feuilleter les nouveautés sur les tables. Malgré un manque de conseils avisés, il ne faut jamais renoncer à ces visites de librairies dans nos villes car, si l'on n'est pas toujours accueilli avec attention, les livres, eux, nous attendent et espèrent se faire adopter et vivre dans notre foyer... La survie des librairies dépend de ces achats sur "place" et Libération montre un certain optimisme en évoquant un chiffre réconfortant : 45 % des ventes se réalisent dans les librairies indépendantes. Dans l'éditorial d'Alexandra Schwartzbrod, j'ai apprécié ce passage : "Après tout, peu importe le support-liseuse, tablette numérique ou livre papier-, l'important est de lire. Dans notre époque flottante et fragilisante, entre crise économique et conflits rampants, accélération du temps et sollicitation des écrans, le besoin de respiration, de cette parenthèse de calme et surtout de cet indispensable recul sur la frénésie de l'actualité que représente la lecture devient vital." Pour Noël, n'oubliez pas d'offrir des livres et des... chocolats, deux gourmandises essentielles, l'une pour l'esprit et l'autre pour les sens !

jeudi 19 décembre 2013

"Le goût des mots"

Françoise Héritier est professeur honoraire au Collège de France. Cette immense scientifique dans les sciences sociales avait déjà écrit un best-seller complétement inattendu avec son petit opuscule, "Le sel de la vie", édité chez Odile Jacob. J'avais évoqué ce bijou de l'art de vivre dans mon blog en 2012. Elle récidive avec "Le goût des mots", un hommage à la langue française, aux mots et aux images du langage. Elle est nomme cet exercice, "une fantaisie"... Elle compare la "parlure", ces mots qu'elle entend dans sa tête, à l'écriture et raconte son émerveillement de petite fille devant le langage parlé et écrit. Elle propose deux registres pour savourer les mots : un premier registre où les mots peuvent avoir un sens multiple et un deuxième registre qui regroupe les mots à sens unique, partagé par tous, comme les expressions toutes faites, proverbes, aphorismes, argot,  dictons, etc. Elle ne veut pas se substituer à une savante linguiste. Ses explications sur la manière d'appréhender les mots sont claires, amusantes, non pédantes. Bien au contraire, le lecteur(trice) suit son discours avec une curiosité gourmande. Je cite un exemple sur le mot armoire : "J'ai ainsi avec le mot armoire, aux résonances profondes, sombres et soyeuses, semblables à celles de la massive chose bourguignonne doublée de faille jaune safran de mon enfance, un rapport de doute, d'inquiétude et d'émerveillement". Françoise Héritier poursuit sa démonstration sur ces mots qui déterminent un objet banal mais dont la sonorité appelle des images plus riches et évocatrices. Je ne peux pas résister à vous citer cette deuxième phrase : "Je suis entourée de mots dans une forêt bruissante où chacun se démène pour attirer l'attention et prendre le dessus, retenir, intriguer, subjuguer, et chacun aspire à ces échappées belles". Ce livre d'un prix modeste (10.90 €) possède une valeur sans prix pour tous les amoureux du langage. Un conseil pour sa lecture : ne pas l'avaler en une heure, mais le conserver dans sa bibliothèque et le feuilleter comme un dictionnaire sur la vie tumultueuse et romanesque des mots, un bien commun et une source d'émerveillement sans fin. Merci, Madame Héritier !

lundi 16 décembre 2013

"En mer"

Je viens de découvrir le Prix Médicis étranger 2013, "En mer" du néerlandais Toine Heijmans aux éditions Bourgois. Ce roman m'a laissée songeuse. Pourquoi ai-je éprouvé un malaise en lisant ce livre, écrit à l'économie, compact et angoissant ? Je peux, sans dévoiler la fin de l'histoire, résumer l'atmosphère très oppressante du texte. Donald, un cadre supérieur, est las de sa vie stressante de bureau et commence à comprendre que sa hiérarchie ne le "récompensera" pas. Il prend un congé sabbatique pour réaliser son rêve : naviguer sur son voilier pendant trois mois dans la mer du Nord. Dans la dernière étape, sa femme accepte de lui confier leur fille de sept ans, Maria, qui va le rejoindre sur le voilier. Le narrateur raconte son périple dans les moindres détails : une météo incertaine, des nuages lourds de menaces, une mer agitée, et tous les actes techniques de la navigation. Sa fille Maria est toujours présente dans son champ de vision mais un soir, il ne la trouve plus dans sa cabine et elle est peut-être tombée par dessus-bord. Le père, paniqué à l'idée de la disparition de sa fille, se jette à l'eau pour la récupérer. Il s'éloigne du bateau pour la rechercher, mais il ne l'aperçoit pas dans la mer. Il remonte, après les pires difficultés, sur le voilier et sa fille Maria réapparaît. Mais, je ne donnerai pas les raisons de la panique du personnage. Le roman illustre la paranoïa d'un père qui se sent abandonné par la société, par sa femme, et le seul lien humain qui lui reste, lui échappe aussi dans cet espace pourtant protégé. Ce texte relève de l'hallucination, du cauchemar et de la perte. La fin du livre révèle un événement surprenant pour comprendre l'attitude de ce père, trop aimant, maladroit et malheureux. Sa femme pense qu'il existe "deux catégories de pères. La première catégorie se fiche pas mal des enfants, n'y comprend rien et ne veut rien savoir-ce sont des pères stables qui voient leur famille comme une chose à entretenir. (...) Des enfants comme il faut, qui réussiront, sont aussi importants qu'une nouvelle  BMW. La seconde catégorie ce sont les pères pleins d'entrain, qui se jettent avec enthousiasme sur leurs enfants et s'attendent à toutes sortes de choses en retour. Ils ont été élevé dans l'idée qu'hommes et femmes sont égaux. Si tout le monde est égal dans une famille, le chaos s'installe spontanément. Les enfants ne comprennent pas cette notion. Les enfants trouvent leurs comptes dans la clarté, et la hiérarchie". Ce roman appartient à une catégorie littéraire très contemporaine, héritière de Kafka où la folie rôde et déforme les perspectives.
Un livre à découvrir et un prix Médicis mérité, amplement mérité.

jeudi 12 décembre 2013

Atelier de lecture, 2

J'avais donc préparé, pour la deuxième partie de l'atelier, un lot de livres ayant obtenu un des quatre prix littéraires les plus populaires : le Goncourt, le Renaudot, le Femina et le Médicis. Michèle avait fait une lecture sérieuse et approfondie avec une prise de notes de "La carte et le territoire" de Michel Houellebecq, Goncourt 2010. Elle a donc conté l'intrigue complexe de ce roman contemporain assez dérangeant pour beaucoup de lecteurs qui "n'accrochent pas" au style de cet écrivain si particulier dans le panorama littéraire hexagonal. Son personnage central, un double de Houellebecq, artiste photographe de cartes routières et des métiers, rencontre une femme russe, Olga, dont il tombe amoureux, règle ses comptes avec son père, évoque le pays comme un parc touristique, mêle des faits réels à la fiction. Un livre surprenant et atypique à découvrir malgré le manque de "charisme" de cet écrivain français mal aimé... Geneviève avait tiré au sort Gilles Leroy, "Alabama song", Goncourt 2007. Ce livre raconte l'histoire déjà très utilisée du couple mythique Zelda et Francis Scott Fitzgerald dans les années 20, le tourbillon de leur vie mondaine, le succès littéraire, leurs problèmes de couple, un roman jugé superficiel et creux selon Geneviève. Régine a lu et peu apprécié "La vie est brève et le désir sans fin" de Patrick Lapeyre, Femina 2010. Encore une histoire d'amour entre deux hommes et une femme, un peu lassant et répétitif dans la production romanesque. Mylène n'était pas non plus très enthousiasmée par "Personne" de Gwenaëlle Aubry, Femina 2009, mais au fur à mesure de sa présentation, elle a reconnu l'originalité de ce récit autofictionnel sur le père de l'écrivaine, dépressif chronique écrivant son journal dont elle a utilisé des extraits dans son livre. Un roman-abécédaire, un récit singulier à découvrir. Evelyne a  vraiment apprécié "Suite française" d'Irène Némirovsky, Renaudot 2004. Ce roman posthume dépeint l'exode de juin 1940, vécue dans des familles bourgeoises ou modestes où la solidarité semblait fragile et la lâcheté manifestement plus répandue. Evelyne a évoqué "Le silence de la mer" de Vercors dans la dernière partie du livre où une mère et sa fille reçoivent par obligation un gradé allemand dans leur maison. Rappelons qu'Irène Némirovsky a écrit de nombreux romans dans les années 30 et qu'elle est morte assassinée à Auschwitz en 1942. Janine a beaucoup aimé "Le soleil des Scorta" de Laurent Gaudé, Goncourt 2004. Ce roman qui a rencontré un grand succès auprès du public. Il évoque une lignée patrimoniale des Pouilles en Italie du Sud, les Scorta, depuis 1870 à nos jours où les secrets de famille sont cachés. Janine avait pris soin de noter des phrases qu'elle nous a citées et qui, je crois, ont donné un avant-goût du style poétique de Laurent Gaudé. Véronique a lu avec plaisir "Peste et choléra" de Patrick Deville, Femina 2012. Les aventures picaresques d'Alexandre Yersin, découvreur du bacille de la peste en 1894, ont semblé conquérir notre lectrice ainsi qu'un vaste public en 2012. Danièle a terminé la séance en évoquant un livre fort et douloureux de Jean-Louis Fournier, "Où on va, papa ?", Femina 2008. Un père raconte la vie de ses deux fils handicapés, un enfer quotidien où l'humour décalé et décapant de l'écrivain allège ce récit bouleversant. Conclusion, les prix littéraires peuvent plaire ou déplaire comme l'ensemble des parutions d'une rentrée littéraire lambda... Mais, ils ont une place d'honneur dans la presse et les médias, ce qui les rend beaucoup plus visibles que leurs confrères, hélas, trop vites oubliés.

mercredi 11 décembre 2013

Atelier de lecture, 1

Je tiens à remercier vivement et chaleureusement mes dix "camarades" en lecture qui ont assisté à la séance du mardi 10 décembre. Le compte rendu démarre toujours par les coups de cœur et demain, je parlerai des lectures tirées au sort concernant les prix littéraires de ces dix dernières années. Régine nous a dévoilé, avec son enthousiasme habituel, un écrivain juif américain, Chaïm Potok, et son roman "Le don d' Asher Lev", édité dans la collection 10/18. Il faudrait peut-être lire son premier volume, "Je m'appelle Asher Lev", avant celui-ci. Ecrit à la première personne, Chaïm Potok retrace l'itinéraire d'un jeune homme, Asher Lev, doué sur le plan artistique. Il veut traduire dans son art, les images de la Crucifixion alors que la religion de ses parents, issus de la communauté juive assidique de Brooklyn, lui interdit ce blasphème. Il quitte les siens et s'exile à Paris. Il vit sa vie d'artiste et fonde une famille. A la mort d'un oncle, il retourne à Brooklyn et entame un bras de fer avec sa famille. Régine a trouvé ce roman passionnant sur l'ambivalence du personnage : choisir sa foi ou son art ? Un écrivain à découvrir... Mylène a mentionné l'ouvrage de Jeanne Benameur, "Comme on respire", écrit à l'occasion de la journée du livre et de la rose en 2004. Elle a cité cette fort belle phrase : "Je ne cesserai pas de lire et d'écrire, c'est ma façon d'aimer". Elle a aussi aimé un des derniers livres de Doris Lessing, "Alfred et Emily", biographie inventée de ses parents dans une première partie et des explications réelles en seconde partie. Dany nous a conseillé une écrivaine islandaise, Kristin Marja Baldursdottir, avec une suite en deux volumes, "Karitas" et "Chaos sur la toile" aux éditions Gaïa. Karistas se sent une âme d'artiste et rêve d'une autre vie. Cette fresque se déroule au début du XXème et rend hommage à l'émancipation des femmes.  Evelyne a apprécié un livre d'un écrivain... islandais, Gudbergur Bergsson, édité chez Métailié, sombre et amer mais lucide et beau comme le dernier chant du cygne, un vieil homme solitaire relate sa vie, scandée par le bruit de sa bouilloire et confie ses regrets. Evelyne a montré un beau livre d'art comme idée de cadeau, "Le voyage d'un peintre chinois dans les Alpes" aux éditions Ouest-France. Janine, qui aime beaucoup la poésie, a sorti de son sac "Les cents poèmes du bonheur", anthologie illustrée et agréable à offrir. Véronique a aimé de Blandine Le Callet, "La pièce montée". Danièle a évoqué avec émotion le roman de 500 pages de Philippe Forest, "Le siècle des nuages", paru chez Gallimard. Ce livre l'a concernée personnellement car son propre père a connu le père du narrateur comme navigant à Air France et elle était émue aux larmes en lisant les cent dernières pages. Elle nous a conseillé de patienter pendant les 400 premières pour éprouver ce grand coup de cœur... Je me promets de lire ce "Siècle des nuages", si prometteur. Elle a aussi présenté un livre magnifique de photographies de Sebastiao Salgado, "Genesis", un hymne à la vie sur notre belle et fragile planète. Geneviève a mis à l'honneur un écrivain quasi oublié, Henri Barbusse, en résumant "Le feu", prix Goncourt en 1916, un livre sur les horreurs de la guerre de 14-18, avec un style reprenant le parler populaire des soldats, un message de paix, pour Henri Barbusse, compagnon de route de Romain Rolland. Elle a lu un classique "La Religieuse" de Diderot, roman passionnant à ses yeux. Régine a terminé cette première partie de l'atelier en mentionnant brièvement le merveilleux J.-B. Pontalis, "En marge des nuits" et Jean Sullivan, "Abécédaire", écrivain aussi à découvrir. Rendez-vous demain pour la suite...

mardi 10 décembre 2013

Rubrique cinéma

J'aime bien les histoires concernant les immigrants en Amérique. J'ai connu des hommes (en majorité) au Pays basque qui partaient faire fortune en Californie et revenaient souvent riches dans leur village natal. Pourtant, ils étaient bergers, agriculteurs, artisans, et leur goût du travail, leur force physique et morale, leur ténacité les ont aidés à s'intégrer et à devenir des américains. J'ai pensé à eux et à mes grands-parents d'origine aragonaise qui ont fui la misère de leur pays pour trouver du travail et mener une vie digne et honnête. L'héroïne du film de James Gray peut symboliser ce mythe de l'immigration européenne aux Etats-Unis dans le début du XXème siècle. Ewa et sa sœur Magda débarquent à Ellis Island en 1921. Elles ont perdu leurs parents pendant la guerre en Silésie. La délivrance approche et elles espèrent retrouver une tante, installée à New York. Mais Magda a attrapé la tuberculose et elle est mise en quarantaine sur l'île. Ewa se retrouve seule et elle est expulsée. Dans la file d'attente, un homme la remarque pour sa beauté et la sauve car elle parle anglais. Ce Bruno en question n'est qu'un souteneur-proxénète mais Magda n'a pas le choix. Elle ne pense qu'à sa sœur et elle accepte à contrecœur de se prostituer. Elle se sauve un jour pour rejoindre sa tante et son oncle mais ils la rejettent. Plus tard, elle rencontre un magicien, Orlando, qui, lui, la respecte et veut l'aider pour récupérer sa sœur. Elle reprend espoir et se met à rêver d'une vie nouvelle. Va-t-elle libérer sa sœur sur Ellis Island ? Bruno sera-t-il son sauveur ou son malheur ? Je ne dirai pas plus sur ce film classique, qui offre à la fois une reconstitution historique et sociale très réaliste sur l'immigration européenne en Amérique et un beau portrait de femme, victime de la rapacité sexuelle et qui, malgré tout, n'est pas atteinte par la dégradation morale que cela implique. Son obsession (sauver sa sœur) la protège de la déchéance et lui donne une énergie toute féminine.  Le réalisateur traite ses personnages avec subtilité et avec une certaine ambiguïté, en particulier pour le personnage de Bruno, jaloux et possessif. Pour moi, ce n'est pas le film de l'année mais, le sujet du film -le rêve américain- résonne au plus profond de l'identité européenne, et même mondiale... et mérite une séance sur grand écran.

lundi 9 décembre 2013

"L'invention de nos vies"

Ce roman de Karine Tuil aurait mérité le prix Goncourt (il était en deuxième position) car il correspondait à "l'air du temps". Fresque sociale, fresque politique, fresque générationnelle, ce livre de 492 pages se lit d'une traite, sans pause et sans temps mort. Amours, ambitions, trahisons, mensonges composent ce livre, l'un des meilleurs de la rentrée. Le personnage principal, Sam Tahar, expatrié français, est un avocat riche et célèbre aux Etats-Unis. Il a épousé une héritière d'une grande famille juive américaine dont il a deux enfants. Son ascension fulgurante cache un secret inavouable : Sam Tahar n'est pas juif comme il le fait croire, mais arabo-musulman. A partir de ce mensonge, Sam Tahar jongle avec ses deux identités. Il s'est aussi séparé de ses meilleurs amis, restés en France, Samuel, l'intellectuel juif, et Nina, sa compagne, une très belle jeune femme que Samuel ne peut oublier. Samuel et Nina végètent dans la banlieue, lui est animateur social et elle, mannequin dans les catalogues de grandes enseignes. Sam Tahar va déclencher une descente aux enfers en renouant avec Nina qui part avec lui à New York et en contactant sa mère et son demi-frère, François, instable et inquiétant. Cette famille encombrante va le poursuivre au-delà de l'océan. Karine Tuil possède un talent romanesque incontestable. Le lecteur(trice) suit avec intérêt la vie de ces trois personnages qui vont finir par se retrouver et surtout, reprendre les rênes de leur destin. Samuel va enfin connaître le succès littéraire, Sam va perdre sa vie de nanti à cause d'un frère infréquentable et Nina sera libérée de ces deux hommes qui l'ont étouffée dans leur passion... On ne peut qu'apprécier le style percutant du texte, la clarté de la construction, les personnages tourmentés, les tensions identitaires et les résonances ultra-contemporaines (la chute spectaculaire de cet homme politique français à New York)... Un roman où l'ennui est complétement banni ! Si vous voulez offrir un bon roman de qualité, choisissez "l'invention de nos vies".

vendredi 6 décembre 2013

"Roma/Roman"

Quand on a séjourné récemment à Rome, lire ce livre, écrit par Philippe de la Genardière et publié chez Actes Sud en 2013, prolonge le bonheur du voyage. J'ai retrouvé toute la beauté de cette ville dans ces 300 pages où les quartiers (dont le Campo dei Fiori où j'ai séjourné) sont mentionnés ainsi que les places, les églises, les sculptures, les peintures, les fontaines, les lieux antiques, et bien d'autres monuments romains. Rome est vraiment le personnage central du livre et ce superbe portrait urbain, on ne le trouve pas dans un guide touristique ou un essai.  L'écrivain s'adresse aux trois personnages en les vouvoyant et cette construction du roman peut dérouter le lecteur(trice) mais, cette forme d'écriture donne un souffle dramatique au texte. Ariane, psychanalyste, est invitée à Rome pour fêter les vingt ans d'un film culte, réalisé par Adrien, cinéaste sur le déclin. Un troisième protagoniste intervient dans le film. Il se nomme Jim et s'est installé à Rome pour écrire un roman qu'il n'a toujours pas terminé. Ariane accepte ce séjour avec appréhension. Est-elle amoureuse de Jim, vingt ans après ? Ils ont été amants à cette époque. Jim se pose la même question : Ariane représente la femme fatale, idéale, fantasmée. Adrien aime aussi Ariane mais n'a jamais osé lui déclarer cette passion. Ils se retrouvent donc tous les trois face à leur passé, en tentant l'impossible : le revivre en éprouvant les mêmes sentiments amoureux dans cette ville magique, envoûtante et fascinante. Le roman de Philippe de la Genardière parle du temps, du souvenir, de la nostalgie de la jeunesse. Ce texte "proustien" brasse des thèmes sur l'amour, sur le rôle d'une ville comme Rome dans le mystère de la création artistique, sur le cinéma, sur les liens entre tous ces mondes concrets et virtuels. Un beau livre, écrit dans un style somptueux, ce qui est rare de nos jours. Je cite un passage : "Or, c'était cela qu'il fallait introduire dans le livre que vous écrivez, ce rire romain que vous entendez chaque jour, qui vient du fond des âges, remonte au temps de César, d'Auguste et aussi de Tibère ou de Caligula, et qui s'est perpétué au cours des siècles (...)".

mardi 3 décembre 2013

Atelier d'écriture

Mylène a proposé deux exercices basés sur l'anagramme et les voyelles. Elle a évoqué le livre "Anagrammes renversantes ou le sens caché du monde" d'Etienne Klein, physicien, et de Jacques Perry-Salkow, musicien de jazz. Ils s'adonnent à un jeu de mots farfelu et ludique consistant à mélanger les lettres d'un mot pour en former un autre. J'ai surtout apprécié l'anagramme sur "la madeleine de Proust" qui se transforme en "la ronde ailée du temps"... J'avoue que j'ai manqué d'imagination et de temps pour en fabriquer un alors que mes collègues en écriture ont réussi leur anagramme.  Pour le deuxième exercice, Mylène nous a lu le poème magnifique de Rimbaud sur les voyelles et un texte savoureux de Françoise Héritier sur "Le goût des mots", paru récemment. Il fallait écrire un texte sur le caractère des voyelles. Certaines participantes ont construit leur exercice sur des images animalières, florales ou voyageuses... Voilà le mien :
Le A, mon alpha, le monarque de l'alphabet,  le premier exclamatif de curiosité, le point de départ, les deux pieds plantés dans la terre des mots. Mon E, discret, indispensable, exploité, exposé, corvéable, les deux bras tendus vers l'autre, l'altruisme, termine les mots au féminin.  Mon I, sûr de lui, copilote adoucisseur de sons et de sens, trait d'union entre le ciel et la terre. Mon O, sa rondeur assumée et parfaite, indépendant et exotique, mon soleil de l'alphabet. Mon U, le mal-aimé, le marginal, deux bras tendus vers le ciel pour se faire pardonner, et mon Y, complexe et hermaphrodite, à la fois voyelle et consonne, quel destin !
 

lundi 2 décembre 2013

Revue de presse

La revue Lire propose en décembre sa fameuse liste des 20 meilleurs livres, le guide des beaux livres et un entretien avec Jared Diamond, historien américain. Dans cette liste des primés, le meilleur livre de l'année, toutes catégories, concerne "La fin de l'homme rouge" de Svetlana Alexievitch, qui a reçu aussi le prix Médicis étranger (essai).  Dans la liste, j'ai remarqué Pierre Lemaître et son "Au revoir, là haut" prix Goncourt 2014 dans la catégorie "meilleur roman français". C'est dommage qu'ils attribuent cette distinction à un roman déjà amplement sollicité... Joyce Carol Oates et son dernier roman, "Mudwoman" a été choisi dans la catégorie du meilleur roman étranger. Pour les autres rubriques, on retrouve les noms suivants : Kevin Powers, Delphine Coulin, Loïc Merle, Michel Winock, James Sallis, etc. Le Magazine littéraire célèbre ce mois-ci, Stendhal, un classique à lire et à relire. On trouve aussi un choix de beaux livres à offrir et un grand entretien avec Imre Kertesz. Pages, revue des libraires, met à l'honneur "des livres et des fêtes", en suggérant aux lecteurs d'aller en librairie particulièrement pendant les fêtes pour les soutenir dans cette période de crise économique. J'évoquerai aussi la revue Philosophie magazine qui, en cette fin d'année, s'intéresse à une question originale : "Peut-on vivre plusieurs vies en une ? Nous cherchons à occuper le plus intensément possible le temps dont nous disposons. Faut-il se méfier de la dispersion ou se jeter dans l'aventure ?". Ce dossier central apporte des réponses (entre autres) de Florence Aubenas, Sylvain Tesson, Emmanuel Carrère. Un dialogue entre Christiane Taubira et Frédéric Gros porte sur la punition et la prison. La revue se termine par une étude sur Dostoïevski. Voilà pour cette revue de presse de décembre qui donne envie d'acheter plein de cadeaux dans sa librairie préférée.