vendredi 20 août 2021

"Un sanctuaire à Skyros"

 Je ne connaissais pas cet écrivain, Lucien d'Azay, mais le titre de son livre m'a attirée : "Un sanctuaire à Skyros", publié aux "Belles Lettres" en 2019. Cette île des Sporades au nord de la mer Egée, qualifiée de sanctuaire, concentre deux personnages légendaires de la Grèce antique : Thésée et Achille et une troisième icône littéraire : le poète anglais, Rupert Brooke. Le narrateur tient un journal intime et séparé de sa femme, il part avec son fils en vacances à Skyros. Il loue une maison à demi troglodyte sur un piton rocheux face à la mer. Il explique que, depuis vingt ans, la Grèce est devenu son pays de villégiature et pour choisir une île à visiter, il veut réunir trois critères : un mythe, un écrivain, la forme poétique du lieu ou la beauté du nom. Thésée, en exil, fut assassiné et les Athéniens vinrent récupérer ses ossements pour instituer son culte à Athènes. Achille se cache, déguisé en jeune fille, pour fuir la guerre de Troie. Mais Ulysse le démasque et l'embarque avec lui pour faire la guerre. En 1915, le poète anglais succombe à une infection alors qu'il partait se battre contre les Ottomans pour libérer la Grèce. Le narrateur raconte au fil des jours les rencontres avec les habitants comme sa logeuse Aspasia,  des pêcheurs, des retraités paisibles, installés sur des chaises devant leur porte. Il étudie le grec moderne et note souvent la beauté de cette langue triplement millénaire dans certaines expressions. La vie quotidienne de l'île est décrite dans tous ses aspects en particulier, sa cuisine simple et succulente : salades avec la feta, keftédhès (boulettes), mezzés, brochettes grillées, hachis, riz et pommes de terre, pastèque et yaourt au miel. La météo berce aussi le rythme des jours avec le redoutable meltem, ce vent violent époustouflant qui coupe le souffle. Une visiteuse anglaise intrigue le narrateur. Elle vient seule en pèlerinage depuis 33 ans pour se recueillir pendant une semaine sur la tombe du poète anglais. Ce dévouement mystérieux restera une énigme. La tombe sous un olivier ressemble à un "écrin" et le narrateur dévoile le sens de cette dévotion : "Dans ce champ clos, comme dans un portrait photographique, on assiste à la convergence de forces spirituelles, à la projection mentale de fantasmes puissants, à la transmission d'une métaphore, à la formation d'un spectre de résonance. L'absence se réconcilie avec la présence". Le narrateur s'interroge sur l'influence de l'hellénisme dans l'imaginaire occidental et ce livre charmant, érudit et élogieux se lit avec un grand plaisir surtout pour les amoureux(ses) de la Grèce. Il raconte aussi Athènes, une étape de son voyage et les pages consacrées à cette capitale chaotique, pierreuse et blanche, m'ont rappelé les impressions que j'ai ressenties dans mes escapades grecques. Lucien d'Azay rend un hommage vibrant à la langue grecque, à sa culture antique, à sa géographie et aussi à ses habitants. Une lecture lumineuse, d'une lumière grecque, unique au monde. J'ai envie d'y retourner et j'y retournerai dès l'année prochaine pour découvrir une île mythique à mes yeux qui combine les trois critères de Lucien d'Azay : Corfou !