lundi 25 octobre 2021

Rubrique cinéma : "Les Illusions perdues"

 Quand une grande œuvre littéraire comme "Les Illusions perdues" d'Honoré de Balzac, est adaptée au cinéma, ma curiosité m'incite à voir le film. J'ai donc vu cet après-midi ce long métrage de Xavier Giannoli. La distribution des rôles est particulièrement réussie : Benjamin Voisin, Salomé Dewaels, Cécile de France, Vincent Lacoste, Xavier Dolan, Jeanne Balibar et Gérard Depardieu. Le monde balzacien de 1814 à 1830, l'époque de la Restauration, ressuscite sous nos yeux dans un Paris flamboyant, bruyant, excentrique, corrompu et partagé politiquement entre royalistes et libéraux. Lucien de Rubempré préfère le nom de sa mère à celui trop prosaïque de son père, un dénommé Chardon. Il écrit des poèmes romantiques et travaille dans l'imprimerie familiale. Une baronne d'Angoulême, Louise de Bargeton, le prend sous son aile et le présente dans les salons de la petite noblesse de province. Malgré la différence d'âge, Lucien tombe amoureux de Louise. Comme leur liaison doit rester secrète, les deux amants quittent leur ville pour Paris. Mais, la classe sociale et la jeunesse inexpérimentée de Lucien vont décourager Louise car il ne possède pas les codes pour s'intégrer dans ce milieu. Il devient alors serveur dans un restaurant et une rencontre avec un client change son destin. Ce Lousteau en question est journaliste et il introduit le jeune provincial dans le monde des gazettes et de la presse libre. Balzac a dénoncé dans son roman les compromissions d'une certaine presse mercantile, publiciste et sans principe qui n'hésite pas à diffuser des fausses nouvelles pour faire du chiffre. Lucien va apprendre à utiliser son talent pour écrire des critiques cyniques  et méchantes sur les écrivains de son temps. L'ère des "fakes news" a donc démarré à cette époque. Des scènes fastueuses montrent la réussite mondaine de Lucien : fêtes, débats, réunions, bals, orgies, une vie parisienne ébouriffante, explosive. Le jeune poète journaliste se laisse abuser par ses confrères et par sa propre ivresse de réussir. Il rencontre une jeune comédienne, Coralie, avec laquelle il va vivre une belle histoire d'amour qui va mal se terminer. Son orgueil et sa volonté de légitimité pour son titre de noblesse le fait basculer dans le camp des royalistes. Une spirale infernale accélère la chute prévisible de ce jeune homme naïf. Mais il conserve, malgré son arrivisme, une passion secrète pour la littérature. Ce film français présente une époque historique qui annonce la délicate mission de l'information, objective souvent détournée par des intérêts financiers. Décors, ambiance, musique classique omniprésente, ce film se laisse regarder avec un grand plaisir. Même si le réalisateur n'a pas respecté à la lettre l'intrigue du roman, il a voulu raconter le désenchantement, la perte des illusions. La dernière séquence montre un Lucien se baignant dans le lac de sa province quand il retourne chez lui. Cet acte de renaissance signifie un nouveau départ. J'ai retenu cette citation de Balzac en exergue de ce film littéraire : "Je pense à ceux qui doivent trouver en eux quelque chose après le désenchantement". Un bon film français de grande qualité.