mardi 5 mai 2020

Ecrivains confinés

Dans le dernier Magazine Littéraire du mois de mai, très intéressant au demeurant, il est question des écrivains confinés. Certains d'entre eux dont Marie Darrieussecq et Leila Slimani, ont témoigné très vite ou trop vite de leur expérience lors de cette période de confinement. Dès le 17 mars, elles se sont réfugiées loin de Paris, l'une en Normandie, l'autre au Pays basque. Elles ont publié leur témoignage dans la presse nationale, l'une dans le Monde, l'autre dans le Point. "Quelle aubaine, pour un écrivain" s'exclame Leila Slimani faisant fi de tous les soldats sur le front : soignants, caissières, etc. La Bayonnaise raconte qu'elle a caché sa voiture immatriculé 75 dans son garage pour ne pas attirer l'attention sur sa famille. Elles ont déserté la capitale des Lettres pour se réfugier à la campagne sans se rendre compte de leurs immenses privilèges. Toutes les deux ont choisi la médiatisation de leur fugue : leur départ précipité est aujourd'hui fortement critiqué dans la presse. Leur maladresse à chacune relève d'une naïveté confondante. La célébrité littéraire ne permet pas le cynisme même involontaire. J'ai lu aussi le portrait de Lydie Salvayre dans Le Monde des Livres, qui paraît tous les vendredis en format raccourci malgré la crise. Elle évoque les écrivains qui ont délibérément choisi un "confinement" pour vivre l'écriture : Kafka, Emily Brontë, Flaubert. Proust vivait reclus dans sa chambre qu'il avait fait tapisser de liège pour empêcher les bruits du dehors de le perturber dans ses pensées. Hölderlin est resté reclus pendant trente ans dans sa tour de Tübingen en Allemagne. L'écrivaine cite aussi Kant et Rilke : "Elle est interminable la liste de ceux qui, pour garder à l'écriture son cœur sauvage, s'éloignent, s'isolent, et se tiennent à l'écart des contaminations conformistes et des idées de tout le monde". Lydie Salvayre avoue qu'elle est devenue "une confinée volontaire", ayant horreur des voyages et du tourisme. Son village dans le Sud de la France la protège et ses amis, compagnons de sa solitude, se nomment Faulkner, Sterne, Pascal, Nietzsche, Montaigne. Ses voisines les plus proches lui apportent "gaité et franchise" loin des salons parisiens. Son village contient "le monde" et tout ce qui fait monde : "La douleur de vivre, les grands débats, l'arrogance des riches et le mépris des pauvres, la soumission des uns et l'insoumission des autres". Elle nous avoue que son travail d'écriture ne va pas toujours de soi, et que les doutes surgissent souvent. Son entretien se termine par ce constat : "Car j'ai beau vivre en confinée, la tristesse virale du monde et ses désastres annoncées me contaminent, évidemment". De tous les témoignages que j'ai lus ces deux derniers mois, celui de Lydie Salvayre me semble le plus sincère, le plus authentique. J'ai apprécié son hommage vibrant à tous ces écrivains solitaires, confinés volontaires, pour qui la littérature se vivait comme un sacerdoce (du latin sacer = sacré)…