lundi 2 août 2021

"Billy Wilder et moi"

 Jonathan Coe était un jeune adolescent de quatorze ans quand il voit un film de Billy Wilder à la BBC, "La vie privée de Sherlock Holmes" et depuis ce coup de foudre cinématographique, il a voulu rendre un hommage vibrant à ce cinéaste américain dans son dernier roman, "Billy Wilder et moi", publié chez Gallimard en début d'année. Billy Wilder devient une idole pour l'écrivain anglais qui s'inspire de ses dialogues dans sa manière d'écrire. Il n'opte pas pour une biographie classique mais préfère l'art du roman pour évoquer la vie du réalisateur. Il s'est même donné un modèle avec le "Ravel" de Jean Echenoz. Son personnage principal, la narratrice du récit, s'appelle Calista. Grecque de naissance, elle quitte Athènes avec son sac à dos en 1977 pour visiter les Etats-Unis et se retrouve à Los Angeles. Une rencontre va changer sa vie : elle partage un repas grâce à une amie de hasard avec le cinéaste d'Hollywood, Billy Wilder. Celui-ci remarque la présence de cette jeune fille intrépide et il l'invite à le rejoindre à Corfou pour lui servir d'interprète. Il va tourner le temps d'un fol été son avant-dernier film, "Fedora" en 1978. Jonathan Coe a justifié son choix ainsi : "J'ai toujours trouvé fascinante l'histoire derrière ce film, et poignante : cette situation affreuse où un grand réalisateur qui a connu tant de succès se retrouve abandonné par tous les grands studios parce que ses films les plus récents ont connu l'échec". Dans ce film, l'écrivain britannique sexagénaire perçoit le passage du temps et le poids des années. Calista se souvient de cette période cruciale pour elle quelques décennies plus tard. Elle vit à Londres avec son mari et ses deux grandes filles dont l'une traverse une période difficile. Compositrice de musique de film, elle ne signe plus de contrat. Les deux vies racontées, celle de Wilder et celle de Calista, se rejoignent dans ce constat lucide : "Reconnaître le moment où une période de notre vie est terminée et trouver un moyen de s'adapter à cet état de fait, de l'accepter". Ce roman virtuose se lit avec un intérêt certain, lié au talent irrésistible du magicien Coe. Une magie littéraire dans la construction du roman avec des retours passé-présent sur la vie de Wilder et de Calista, leur complicité bienveillante, leur passion commune pour le septième art. J'ai redécouvert ce cinéaste oublié, Billy Wilder, et j'ai envie de voir sa filmographie. Je me souviens encore de "Certains l'aiment chaud", un film jubilatoire qui m'avait marquée dans ma jeunesse. La littérature joue toujours la carte culturelle, d'un texte à un film, d'un film à un texte. Cette cohabitation littéraire et cinématographique est un des charmes irrésistibles de ce roman nostalgique et tendre. Une très agréable lecture pour l'été.