lundi 4 décembre 2017

Hommage à Françoise Heritier

Récemment, j'ai vu Françoise Héritier dans la Grande Librairie. Atteinte d'une grave maladie paralysante, elle arborait pourtant un sourire serein et lumineux malgré son handicap. Cette grande dame de l'anthropologie africaniste est décédée le jour de ses 84 ans. En 1957, elle effectue sa première mission en Haute-Volta. Plus tard, elle succèdera à Claude Lévi-Strauss au Collège de France. Ses nombreux ouvrages savants, difficiles à lire pour des néophytes, ont marqué l'histoire de la pensée du XXe siècle. Pour comprendre les théories qu'elle développe dans "Masculin/Féminin", j'ai suivi une émission sur elle très éclairante qui montrait l'importance de ses recherches. Dans la notice nécrologique du Monde, un de ses collègues témoigne : "Elle s'est battue avec toute la force de son intelligence pour affirmer les droits des femmes et leur volonté de se débarrasser de cette domination masculine". Ses champs de recherche se concentrent sur la condition des femmes et leurs rapports avec les hommes, le tabou de l'inceste, la contraception, la différence sexuelle en s'appuyant sur les sociétés africaines.  Féministe, elle était persuadée que "l'évolution vers l'égalité est inéluctable, car elle va dans le sens de l'Histoire". En 2012, elle entame une nouvelle carrière en écrivant le délicieux " Le Sel de la vie", édité chez Odile Jacob, où elle établit une liste des "petits bonheurs de l'existence", les "petits riens" qui forment une autobiographie originale et abrégée. L'année suivante, elle récidive avec "Le goût des mots" en leur faisant un éloge vibrant. Quelques mois avant sa mort, elle publie "Au gré des jours", où elle se confie avec une intimité discrète et élégante. Elle évoque ses souvenirs en Afrique quand elle a découvert ce continent : "une odeur chaude, poivrée, enivrante, d'humus mais aussi de poussière. Invasive, troublante mais immédiatement familière, comme appartenant à l'ordre naturel des choses". Le prix Femina lui a décerné un prix d'honneur pour l'ensemble de son œuvre. Malgré ses graves problèmes de santé, elle semblait vaincre ses souffrances avec une sagesse stoïque, digne de Marc Aurèle. Une grande intellectuelle a disparu mais, elle nous lègue son œuvre d'anthropologue, son engagement féministe et son esprit libre...