mardi 28 juin 2011

Une visite en librairie

Quand je pénètre dans une librairie, je ne peux pas résister à mon envie d'emporter quelques livres. J'ai conscience qu'il faut absolument soutenir ce commerce si particulier, dépositaire de nos créations de l'esprit. Evidemment, on y trouve une quantité de livres que l'on ne lira pas : les livres scolaires d'une utilité improbable pour une retraitée, les guides de voyage pour des destinations saturées, des livres de cuisine aux recettes infaisables, des livres pour les enfants que je n'ai plus, des livres politiques surtout pas écrits par les auteurs de la couverture, des romans policiers à la pelle, des beaux livres d'art trop lourds, des montagnes de best-sellers campagnards, et dans toute cette abondance d'écrits, j'ai choisi pour mon bonheur de lecteur :
- "Les mots de ma vie" de Bernard Pivot pour le remercier d'avoir introduit le livre à la télé...
- "Le manifeste hédoniste" de Michel Onfray, l'anti-Luc Ferry, l'anti-bling bling de la philosophie...
- "Du bon usage des catastrophes" de Régis Debray, mon écrivain-bougon préféré...
- "La Lumière et l'Oubli" de Serge Mestre, écrivain que je ne connais pas et dont le sujet du livre m'a attirée, sujet sur la Guerre civile espagnole...
- "Du côté de chez Swann" de Marcel Proust dans une collection originale et pratique
qui se nomme ".2 Point Deux", dont le format atypique ressemble à un livre de poche minuscule et inversé, à mettre dans son sac à mains et le lire dans un moment d'attente, en voyage dans une gare ou un aéroport... Proust à relire éternellement...
Voilà ma cueillette du 28 juin, dans une bonne librairie de Chambéry... N'oublions pas de franchir les portes des librairies : elles ont besoin de lecteurs-insvestisseurs !

lundi 27 juin 2011

Emportée

Paule du Bouchet raconte dans ce très beau "témoignage", récit biographique, la vie de sa mère, Tina Jolas, compagne de René Char. La rencontre de Tina Jolas avec René Char provoque dans la vie de la petite fille un bouleversement déchirant. Son père, l'écrivain André du Bouchet et sa mère, Tina Jolas, forment un couple désuni qui va finir par se séparer. Le récit démarre par la mort de sa mère à l'hôpital, pages difficiles à lire par ailleurs. Paule du Bouchet essaie de sauver des fragments du passé de sa mère en utilisant des lettres qu'elle envoyait à ses amis. La présence tout au long du récit de René Char, cet homme-poète exigeant, parfois tyran, toujours fascinant donne au récit une vérité "littéraire" intéressant les amateurs de ce poète des Busclats. Tina Jolas ne peut pas résister à cette force aimante et dévorante et choisira la fuite et les retrouvailles avec son "amant terrible". L'enfant de cinq ans se révolte en visitant ce passé si trouble et si difficile à re-transcrire. Ce récit d'amour filial pour sa mère "emportée" par la passion qu'elle ressent pour René Char se transforme en hommage d'une fille pour une mère à la personnalité écrasante. La prose de Paule du Bouchet se rapproche de l'incandescence, de l'incantation sur cette mère troublante et mystérieuse, amoureuse de l'amour et de la vie et se demandant jusqu'à sa mort le sens de cette vie passée à rejoindre et à aimer René Char au détriment de ses propres enfants.
Je vous livre un extrait de son style : "Il faudrait pouvoir soumettre les souvenirs à une enquête. Procéder à des vérifications, des recouvrements, des croisements. Je ne sais plus ce qui fut. Il faudrait pouvoir traquer les détails dans leur vérité, leur grain sensible, infinitésimal. Pouvoir se dire : "C'était cela, ainsi, exactement." Or, n'est avéré que ce qu'est devenue cette geste-là, irrémédiablement enfuie, derrière nous, du passé, l'épaisseur enkystée de notre vie. De l'histoire elle-même, il ne reste rien. Seulement un paysage roulé par les mouvements telluriques, lavé par les tempêtes, et nous sommes à nous seuls ce paysage raviné."
Ce récit se lit d'une traite, et dans l' avalanche des nouveautés, c'est une pépite d'or à ne manquer sous aucun prétexte... On a bien de la chance, en tant que lecteur, de découvrir les livres-joyaux de cette belle maison d'Editions, Actes Sud !!!

jeudi 23 juin 2011

Les heures secrètes

Pierre, ancien libraire, se retrouve veuf et se morfond dans son appartement parisien. Il revisite son passé et se sent quelque peu déprimé et seul. Il rend visite à sa belle-mère, Léa, âgée de 90 ans et avec laquelle il vit une profonde complicité, basée sur l'humour et surtout le regret. Il pense à ce coup de foudre à l'âge de 16 ans quand il a rencontré Léa et sa famille de culture juive, Etienne et Régine. Son ami de jeunesse, Etienne, meurt dans un accident. Il se marie avec Régine, la soeur d'Etienne, par raison plus que par passion, et ils ont deux enfants. Pierre, dans la chaleur de l'été, redécouvre l'amour de Léa et ils se l'avouent, enfin. Ils se sentent libérés de leur secret. Mais Léa se dérobe à cause de son grand âge. A partir de cet épisode révélateur, Pierre repart à la conquête de son présent qui lui apportera encore des surprises... Un souvenir enfoui de son enfance resurgit dans sa mémoire qui lui donnera la clef de son comportement amoureux... Ce roman se lit avec un certain plaisir. Pierre se reconstruit après un deuil et la relation pudique avec sa belle-mère, le seul vrai amour de sa vie, sa solitude et surtout sa liberté apportent une dose de charme mélancolique au roman. Elisabeth Brami aime ces situations amoureuses improbables et irréalistes. Le lecteur, généreux par nature, accepte cette dimension romanesque par souci de non-conformisme ambiant. Le poids de l'âge et des années est un ressort dramatique qui fonctionne bien. Encore un roman à mettre dans votre valise pour les vacances...

mardi 21 juin 2011

L'impermanence des choses

Romancier, auteur et compositeur, Yves Simon a reçu le Prix Médicis pour un très beau roman, "La dérive des sentiments". Il offre un billet d'humeur dans le journal "Le Monde", du dimanche-lundi. Cette semaine, et je suppose avant de partir pour l'été, il établit un bilan sur l'actualité. Le titre du billet, "L'impermanence des choses" résume les faits racontés avec élégance, humour et sobriété. L'épisode new-yorkais hallucinant, le printemps arabe, le Japon, le machisme millénaire enfin dévoilé. Il écrit : "Sans doute aussi peut-on imaginer que le machisme prendra fin un jour. Que quantité de femmes ne seront plus des proies que l'on peut asservir à sa guise, à ses pulsions, sans que leur avis interfère." Yves Simon espère un monde où la culture redeviendra ce lien de civilisation entre hommes et femmes. Il cite deux éléments qui résistent au temps : les pierres et la... littérature. "D'elles restent des monuments de mots, des architectures raffinées, ils nous enchantent, transforment notre vie des milliers d'années après leur métamorphose." Tout est donc "impermanent" pour Yves Simon. Le cas le plus flagrant de cette existence éphémère se trouve au Japon où le tsunami a tout détruit. Les Japonais vivent avec cet esprit de la catastrophe qui rend la vie encore plus précieuse. Ce bel article d'Yves Simon est un raccourci de tout le tragique de l'actualité de ce premier semestre 2011. Quand un écrivain nous offre sa vision des faits et des événements, l'actualité devient un objet de réflexion qui nous apporte désespérance et espoir mêlés...

lundi 20 juin 2011

"Un saison de lumière"

Ce premier roman de Francesca Kay est traduit de l'anglais aux Editions Plon et pour un premier essai, il semble réussi. Avant de lire ce beau livre, il faut aimer la peinture car le personnage central se nomme Jennet Mallow, artiste peintre. Jennet rencontre David Heaton, lui aussi peintre réputé. Ce couple d'artistes va vivre une passion, passion qui va finir par les opposer. Jennet, malgré la naissance et l'éducation de ces trois enfants, de l'entretien de sa maison, des infidélités de son mari alcoolique, traversera le siècle avec une seule obsession : peindre. Ils vont partir en Espagne dans les années 5O, puis rentreront en Angleterre pour vivre pleinement leur consécration en tant qu'artiste. Francesca Kay décrit tous les tableaux de Jennet et le lecteur se demande comment on peut atteindre une telle prouesse dans l'écriture. Je ne sais pas si l'auteur s'est inspirée d'un modèle (qui est derrière Jennet ?). On pourrait craindre l'ennui en lisant les descriptions des oeuvres picturales. Au contraire, ces pauses artistiques donnent au roman toute la véracité de ce milieu, de la vocation irrésistible de Jennet pour traduire sa propre vision des paysages qui l'entourent : l'Espagne, Londres et la campagne anglaise. Francesca Kay a réussi son pari audacieux, celui d'établir un portrait d'une femme artiste, qui se débat dans les méandres de l'art et dans les filets de l'amour, amour-passion envers son mari, amour-protection envers ses enfants. Un beau portrait de femme artiste, un style "impressionniste", un roman sur l'art et la création. Un beau roman pour cet été !

vendredi 17 juin 2011

"L'écriture comme un couteau"

Quand je pense à la littérature française d'aujourd'hui, j'ai un nom qui me vient à l'esprit. Certains pourraient citer Modiano, Quignard, Le Clézio, etc. Je suggère un nom, celui d'Annie Ernaux. Je viens de terminer un entretien d'Annie Ernaux avec Frédéric-Yves Jeannet , "L'écriture comme un couteau" aux éditions Stock, publié en 2003. Annie Ernaux fait partie de ma vie de lectrice depuis la parution de son premier roman "Les armoires vides" en 1974. J'ai tout lu depuis cette date et en particulier le très classique "La place" que l'on devrait faire lire au collège et au lycée. Tous ces récits font partie d'une littérature autobiographique, autofictionnelle, intimiste qui a une portée universelle. Dans le livre d'entretien, Annie Ernaux répond en profondeur aux questions très pertinentes de Frédéric-Yves Jeantet, lui-même écrivain. Il est question des influences de ses lectures, la genèse de ses livres qu'elle définit comme des romans pour certains d'entre eux et des récits autobiographiques pour d'autres. Annie Ernaux, modeste et lucide sur son oeuvre, sur la vie littéraire, traite souvent du sentiment d'humiliation, de trahison de classe et d'identité féminine. Elle confie aussi qu'elle tient un journal intime sur la "fabrication" de son oeuvre. Le lecteur de ces pages perçoit la double identité d'un écrivain, une vie totalement consacrée à ces "travaux d'écriture" qui transforment une vie en livres et l'autre vie, intime et personnelle, cachée et secrète. Annie Ernaux nous dit : "C'est au fond ma propre vision de la littérature que j'affirme , c'est à dire mon désir que chaque phrase soit lourde de choses réelles, que les mots ne soient plus des mots, mais des sentiments, des images, qu'ls se transforment, aussitôt écrits/lus, en une réalité "dure" par opposition à "légère", comme on le dit dans le bâtiment." Plus loin, elle explique qu'elle "veut sauver de l'effacement des êtres et des choses dont j'étais l'actrice, le siège ou le témoin, dans une société et un temps donnés, oui, je sens que c'est là ma grande motivation d'écrire. C'est par là une façon de sauver ma propre existence". Annie Ernaux vient de sortir un nouvel opus "L'autre fille" que je vais évidemment lire cet été. Si vous voulez des idées de lecture, n'oubliez pas de découvrir "Les années" qui, pour moi, est son meilleur livre... .

jeudi 16 juin 2011

Un garçon singulier

Ce roman de Philippe Grimbert se lit avec beaucoup d'attention et d'intérêt. C'est l'histoire de Louis, un adolescent de 17 ans, qui cherche un emploi d'été. Il tombe sur une annonce qui l'attire car il s'agit de s'occuper d'un "jeune garçon singulier" en séjour avec sa mère, à Horville sur la côte normande. Horville lui rappelle ses propres vacances d'été quand il résidait dans un hôtel avec ses parents. Louis sollicite donc cet emploi et l'obtient. Le cadre temporel du roman se situe dans les années 70. La rencontre entre le jeune garçon autiste et Louis s'avère délicate et surprenante. La mère de Iannis essaie d'écrire un roman érotique et a recruté Louis pour se libérer et se consacrer à l'écriture. Les scènes où Louis prend en charge Iannis sont décrites avec une vérité et une authenticité frappantes. Iannis, adolescent mutique, donne pourtant des signes de communication mais ne se contrôle pas et fait subir des crises permanentes d'une violence éprouvante pour sa mère et Louis. Un souvenir troublant lie Louis à ce lieu de vacances car il a rencontré un ami de son âge avec qui il noue une amitié amoureuse troublante. Ce huis-clos entre Iannis, Louis et la mère se tranforme en liens étroits jusqu'au retour inattendu du père de Iannis. Une solution est trouvée pour placer Iannis dans une maison spécialisée. Iannis doit l'accompagner mais iront-ils jusqu'au bout du voyage ? Je ne dévoile pas le dénouement... Roman bref, fort, concentré, un diamant d'écriture, à lire absolument...

mardi 14 juin 2011

Un roman glacial

J'ai déjà parlé d'Anne B.Radge en conseillant la lecture de la trilogie de Neshov : "La Terre des mensonges", "La Ferme des Neshov", "L'Héritage impossible". Ces trois romans ont obtenu un succès considérable. Et si ne les avez pas encore lus, n'hésitez pas à vous les procurez pour vos vacances... Son dernier roman, "Zona Frigida" aux Editions Balland ressemble à un polar scandinave comme on les aime. Lecture de vacances, lecture de détente... Le personnage central se prénomme Béa, caricaturiste dans la presse. Elle s'inscrit pour une croisière à destination des terres du Grand Nord, en Norvège. Béa s'embarque donc avec une quizaine de participants qui vont découvrir l'extrême froideur de ces terres glaciales où ne vivent que des phoques, des oiseaux et des ours polaires. Si vous lisez ce roman cet été, il vous apportera une fraîcheur sans conteste... Je ne dévoilerai pas l'intrigue. Prenez le large avec Béa et vous apprendrez plein d'infos pratiques si vous vous retrouvez nez à nez avec un ours polaire... L'intérêt du roman réside dans la description ironique et distancée du quotidien des membres d'équipage et des croisiéristes, à bord dans un espace réduit, avec leurs querelles, leurs manies, leurs alliances secrètes... Béa boit sec pour oublier un drame qu'elle a vécu. Elle va se lier à un homme d'équipage aussi rugueux qu'elle. Et cette croisière à ses risques et périls sera une thérapie libératrice...
Anne B. Radge confirme bien son talent d'écrivain et nous fait découvrir ces confins de l'Europe du Nord avec beaucoup de talent.

lundi 13 juin 2011

"Les yeux au ciel"

L'été arrive et souvent, on a envie de lire des romans un peu plus légers, frais comme un bon rosé de Provence, comme un petit souffle d'air frais, à l'ombre dans un jardin paisible. Je vous propose donc "Les yeux au ciel" de Karine Reysset aux Editions de L'Olivier. Je l'ai pris au hasard sur la table des nouveautés en bibliothèque. Ce roman recèle une petite musique douce, liée à l'histoire d'une famille un peu "mal en point". Ils se retrouvent dans une maison de vacances en Bretagne à l'occasion de l'anniversaire du grand-père. Les familles recomposées sont devenues des sujets de roman aujourd'hui. Achille le demi-frère mal aimé, parti vivre aux Etats-Unis, va se séparer de sa femme psycho-rigide. Merlin, l'éternel adolescent de la famille, essaie de renouer des liens avec sa fille Scarlett qu'il a abandonnée à sa naissance et qui vit avec ses grands-parents. Stella, la cadette, se pose des questions sur son projet de bébé avec sa compagne. La mère fuit toutes les questions et se refugie dans le silence. Les grands ont du mal à grandir et les parents essaient de cacher un drame qui a eu lieu dans cette maison. Ce fantôme du passé hante le présent de la famille... Un bon roman pour l'été si vous aimez les histoires de famille, où la fragilité des adultes et leur "mal de vivre" donnent une résonance très contemporaine à l'histoire. On constate un style certain qui devrait se confirmer dans le prochain roman de Karine Ryesset...

vendredi 10 juin 2011

Les livres à la télévision

Temps maussade et gris sur Chambéry, avec quelques éclaircies : j'en profite pour visionner des émissions littéraires que j'enregistre le soir. J'ai donc vu la dernière de la Grande Librairie avec François Busnel sur la Cinq, le jeudi soir. J'aime bien cette cérémonie de la dernière émission avant l'été. Ils exagèrent de partir trois mois quand même... Bon, il faut bien qu'ils soufflent, ces parisiens. François Busnel était entouré de quelques écrivains qui se sont chargés de sélectionner des classiques. J'ai remarqué surtout Laure Adler défendant Flaubert, Rimbaud et conseillant la lecture de "La sorcière" de Jules Michelet. Elle a aussi bien parlé de Marguerite Duras qu'elle a biographée et recommande "L'amant", roman oublié et décrié par la critique. Les écrivains présents sur le plateau ont cité Vian, Marcel Aymé, Beckett, et bizarrement le journal de Churchill. Ensuite, les critiques de certains hebdos ont recommandé "La fortune de Sila" de Fabrice Humbert, "la province" d'un russe Maxime Ossipov, "Ce qu'aimer veut dire" de Mathieu Lindon", "Ou j'ai laissé mon âme" de Ferrari. Et enfin des libraires, de vrais libraires qui lisent. Dans les conseils précieux qu'ils ont livrés, j'ai surtout retenu pour les auteurs français : Sévère" de Jauffret, "Cet été-là" de V. Olmi, "G229" de Blondel, "Ouragan" de Laurent Gaudé, "La violoncelliste" de Marcel Moreau. Pour les étrangers, j'ai remarqueé le "Just kids" de Patti Smith, "Le léopard" de Nesbo. Réunir des écrivains, des critiques et des libraires donnent une dynamique à l'émission et Busnel devrait proposer cette formule plusieurs fois dans l'année au lieu d'une avant l'été. Plus on parle de livres à la télé, plus on a envie de lire tous ces titres. Pour ma part, j'en ai déjà lu certains, mais je vais découvrir des livres que je n'ai pas encore eu le temps de lire. Quand la télévision se mêle de littérature, je la trouve plus "intelligente"... Quel dommage qu'elle l'oublie trop souvent...
La deuxième émission que j'ai regardé en "différé" était passionnante : c'est le portrait de Maurice Nadeau, le plus jeune des centenaires de France. Portrait émouvant, touchant,intelligent. Des livres partout : dans son bureau de la Quinzaine, dans son appartement parisien, dans sa maison de campagne, des murs de livres protecteurs, bienveillants, chaleureux. On sent qu'il aime cette vie totalement consacrée à la litttérature et quand il montre à la caméra des lettres de René Char, Perec, Lowry, je me demandais, moi qui suis une ancienne biblothécaire, que deviendraient tous ces livres et tous ces documents précieux en l'absence de Maurice Nadeau. Dans cette émission si précieuse, il lit le journal de Kafka, (qu'il m'a donné envie de lire), il parle de Beckett, il feuillete des manuscrits, il corrige les épreuves de la "Quinzaine" et finit par avouer qu'il n'est "rien" sans les autres. Leçon de modestie, leçon de vie, dans le bon sens du terme. Maurice Nadeau aime la littérature qui dérange, qui dit non, qui "révolutionne" et qui "dénonce"... A cent ans, Maurice Nadeau éprouve le vertige de partir sans avoir tout relu. Un phénomène, je vous dis...

jeudi 9 juin 2011

Hommage à Jorge Semprun

Quand j'ai appris hier matin la nouvelle du décès de Jorge Semprun, j'ai éprouvé un sentiment de tristesse d'avoir perdu un "père" intellectuel car il faisait partie d'une génération ayant traversé le siècle dernier. Je crois avoir lu toute l'oeuvre de Jorge Semprun depuis son grand livre "Le grand voyage" que j'ai découvert dans les années 70 comme j'avais eu un choc avec "Le premier homme" de Primo Levi. Le destin de Jorge Semprun n'est vraiment pas banal... Issu de la grande bourgeoisie madrilène, son grand-père et son père étaient des héros de la famille républicaine espagnole et cette naissance dans l'histoire déchirée de l'Espagne va en faire un anti-fascite, un anti-nazi et un farouche partisan de la République espagnole. Il aura traversé le siècle dernier avec une passion pour la justice et la vie. Quand sa famille a fui les horreurs du franquisme, il sera lui-même arrêté en France pour des faits de résistance et sera déporté à Buchenwald. Cette expérience de la captivité et de la mort proche sera la grande source d'inspiration de son oeuvre. Son engagement clandestin au Parti communiste espagnol se comprend à l'aune de l'antifranquisme qui aboutira plus tard à l'avénement du socialisme après la mort de Franco. Il sera même ministre de la Culture pendant trois ans dans les années 80. Malgré son amour de l'Espagne, il reste en France et écrit en français la plupart de ses ouvrages. La presse dans son ensemble rend hommage à Semprun surtout Libération qui lui consacre trois pages avec un photo en première page. Semprun a aussi été scénariste de films politiques comme "L'aveu" et "Z", réalisés par Costa-Gavras. En tant que lectrice qui aime la littérature liée à l'histoire, j'aime Semprun que j'associe aussi à des écrivains comme Milan Kundera, Albert Camus, Thomas Mann... La littérature engagée est indispensable pour faire comprendre l'horreur du nazisme, des camps de concentration, du franquisme, du totalitarisme. Evidemment, je ne comprends pas que Semprun n'ait pas obtenu le Prix Nobel de littérature... Tous ces livres sont passionnants à lire : je conseille surtout "L'écriture ou la vie", "Adieu vive clarté", "Le mort qu'il faut" et "vingt ans et un jour". Les romans de sa période communiste clandestine risquent de moins intéresser le lecteur qui n'a pas connu cette période troublante en Espagne. Sa bi-nationalité espagnole de naissance et française de culture était une caractéristique fondamentale qui le rendait si séduisant et si touchant. C'était un écrivain engagé, un grand Monsieur comme il en existe rarement, un modèle pour beaucoup, un européen convaincu, un amoureux de culture et de livres, un homme vrai, un honnête homme... Heureusement que son oeuvre nous permet de le retrouver à tous moments. Sale journée, celle du 6 juin...

mardi 7 juin 2011

The tree of life

Je préfère vérifier par moi-même si le film qui a obtenu la palme d'or du Festival de Cannes méritait le déplacement en salle de cinéma. Et je l'ai donc vu, ce film que certains trouvent grandiose, d'autres ridicule. Il faut se laisser prendre par les images et la musique surtout qui vous enveloppent comme dans un cocon. Et, il faut accepter ce flot d'images somptueuses sur la naissance du monde, le big bang, le cosmos, les flots et les méduses, les poissons, même des dinosaures, et surtout tout au long du film, les arbres. L'histoire d'une famille américaine dans les années 50 tient lieu de fil conducteur et le spectateur suit surtout un des trois frères que l'on voit plus tard dans des tours de New York. Ce film est une longue interrogation sur le mal, la violence, la frustration et le manque. Seule, la mère de famille incarne une sorte de salut par l'amour qu'elle donne à ses enfants. Le père ne peut que se conformer dans un rôle de "méchant", exigeant, rigide, malgré l'amour qu'il porte à ses trois garçons. Ce film évoque aussi la perte d'un être cher car un des trois frères meurt à 19 ans. Chef d'oeuvre ou pas, cette Palme d'or ? Je pense qu'il ne laisse pas indifférent. Toutes les grandes questions existentielles sont posées par Terrence Malick : l'origine de la vie, l'amour, la mort, Dieu, le mal, la bonté, le choix, le libre arbrite. Ce film ressemble à un puzzle que le spectateur doit reconstituer. On aime ou on n'aime pas. Je pense pour ma part que ce film est à voir... Cosmique ou comique : à vous de vous fabriquer votre opinion... Il faut se laisser absorber par l'histoire, les images, la musique et se dire que ce film n'est pas banal, stupide et commercial. Il est même "sacrément" dérangeant... Du cinéma avec un grand C !

lundi 6 juin 2011

Viviane Forrester

J'ai dans mon programme de lectures de cet été une biographie de Virginia Woolf écrite par Viviane Forrester. J'apprécie cette écrivaine discrète. J'ai récemment acquis son journal intime "Rue de Rivoli, journal 1966-1972", publié chez Gallimard. Je suis curieuse de "journal d'écrivain" comme tous les amoureux de littérature et celui de Viviane Forrester ne pouvait que m'intéresser. Je n'ai pas été déçue et je l'ai lu en regrettant qu'il soit si court, à peine 257 pages... Si l'on veut savoir comment on devient écrivain, il faudra mentionner ce journal de création littéraire. Quelques règles à retenir : lire, lire et lire beaucoup et passionnément. Elle cite Proust, Woolf, Hemingway, Simon, en particulier et parle de sa rencontre avec Maurice Nadeau, toujours "découvreur" de talents. Elle décrit sa vie quotidienne et ses voyages avec son mari, peintre "torturé", et égocentrique, ses rencontres amicales, et surtout ses doutes, ses angoisses sur le roman qu'elle est en train d'écrire. On y trouve un pachwork de notes éparses : des portraits nostalgiques d'un Paris des années 70 avec son atmosphère unique de ville littéraire, des souvenirs d'enfance, des doutes récurrents sur sa vocation d'écrivain et des fulgurances sur la beauté d'un moment de vie, au hasard. Ce journal intime, à la fois pudique et sincère, donne envie de lire tous les livres de Viviane Forrester, en particulier un essai prémonitoire sur "l'horreur économique", écrit en 1996 et qui sonne juste aujourd'hui en période de crise. Viviane Forrester nous communique son art de lire, d'écrire et de s'inscrire dans une histoire de la création artistique. J'attends la suite du journal avec impatience. C'est rare d'entrer dans le laboratoire d'idées d'une femme, écrivain et critique littéraire qui se confie aussi intimement.
Un extrait daté du 25 juillet : "Toutes ces choses heureuses. La cloche de Saint-Roch qui sonne l'heure dans la nuit et c'est chaque fois comme une surprise, intense. J'aime l'heure, les heures, la nuit. j'aime vivre, exister. J'ai besoin de solitude. J'écris, je suis heureuse."
Laissons Viviane Forrester à son bonheur d'être et retrouvons la dans ses écrits divers et originaux.

vendredi 3 juin 2011

Revue de presse Juin 2011

Mes mensuels du mois : la revue "Lire" dont le dossier concerne vos lectures estivales pour vous détendre avec un spécial Polar, une sélection des 10 meilleurs polars du moment et un entretien avec Fred Vargas qui sort son très attendu roman "L'armée furieuse". J'estime que Fred Vargas est un écrivain singulier dans la mesure où elle a toujours soigné et même sculpté son écriture, son style et son univers romanesque à base d'éléments "policiers". Si vous n'avez pas encore découvert Vargas, lisez ses romans et vous passerez de bons moments de lecture. Elle est restée fidèle à l'éditrice Viviane Hamy et cette collection "Chemins nocturnes" comporte des romans policiers originaux, souvent bien écrits.
La revue "Philosophie Magazine" propose un dossier sur la nourriture : "Je suis ce que je mange". Quand on suit l'actualité sur la bactérie tueuse d'Allemagne, se nourrir va devenir un problème de société... donc à lire.
Les hebdos de cette semaine traitent de sujets qui me tiennent à coeur : le sexisme, le machisme, le non-respect des femmes. La télévision et les médias parlent enfin de ce fléau social qui dure depuis les temps préhistoriques... Les hommes des cavernes sont toujours là... "Le Nouvel Obs", "Marianne", "L'Express", les premières pages affichent des titres accrocheurs dénonçant le sexisme ordinaire, le machisme vulgaire, le droit de cuissage au bureau, et certains hommes osent encore dire que les femmes n'ont pas le sens de l'humour !
Au moins, le lamentable épisode "DSK" a démontré le comportement inadmissible des dragueurs en tous genres, des donjuan pitoyables sur le tard, des prédateurs sexuels de tous poils... Les féministes ont réagi, surtout la jeune génération que l'on retrouve dans le journal numérique "Osez le féminisme". Ces militantes d'un genre nouveau reprennent le flambeau et c'est une très, très bonne nouvelle, une satisfaction pour la vieille militante féminisie que j'ai été dans les années 1975-1982...
La presse était donc fort intéressante cette semaine !

jeudi 2 juin 2011

Rubrique cinéma

Allez voir cette charmante comédie italienne "Gianni et les femmes" du réalisateur Gianni di Gregorio. Je suis souvent "charmée" par les petits films qui racontent des histoires très simples, pas spectaculaires et plutôt intimistes. C'est l'histoire d'un sexagénaire à la retraite et qui vit à Rome. Il passe son temps en prenant en charge sa vieille mama cocasse et coquine, sa femme absente, sa fille amoureuse, ses courses quotidiennes, ses promenades pour sortir le chien. Il a aussi un copain qui l'encourage à prendre une maîtresse, comme la coutume l'exige en Italie... Un humour léger et ironique court tout au long du film qui nous révèle la fragilité des hommes qui se sentent vieillir et qui essaient malgré tout d'arrêter le temps et de rajeunir. Il retrouve une ancienne maîtresse mais elle se dérobe. Son copain essaie de lui faire partager un repas avec des clientes belles et blondes mais qui ne donnent pas suite... Gianni va finir par comprendre qu'il n'attire plus les femmes et qu'il lui faudra accepter avec sagesse et résignation sa condition d'homme vieillissant. Les femmes dans le film ont la "pêche"... Le film nous propose un catalogue de scènes de famille avec sa mamma et ses copines, les voisins fêtards, les rues animées, la présence de Rome, la belle, une atmosphère à l'italienne, Le réalisateur italien a tenté de nous proposer un portrait d'un homme normal et banal qui, avant de s'enfoncer dans l'âge, essaie de réagir mais ses plans échouent et il se retrouve face à sa propre vérité, celle du temps qui passe et du changement que cela implique... Film attachant, comédie italienne de grande qualité, le spectateur sourit, rit et aussi peut réfléchir. Vive ce cinéma-là sans tambour ni trompette...