lundi 17 août 2020

"Colline"

 J'ai préparé une petite escapade du 7 septembre au 12 en remplacement des vols annulés pour la Sicile de l'Est. Je devais revisiter Catane, Syracuse, Noto, Raguse et d'autres sites dans cette région qui est restée authentique malgré le tourisme de masse. Ce parcours en Sicile me faisait rêver depuis le mois de janvier et il faut bien accepter ces perturbations dans le ciel européen. Je reprogrammerai cette expédition dès l'année prochaine car Syracuse que j'ai vue dans les années 2000 m'attire toujours autant, surtout son passé archéologique. L'âme déçue par l'annulation de mon vol, j'ai donc décidé de partir en France, le seul endroit où on nous demande d'aller pour aider les hôtels et d'autres structures. La France devient donc le nouveau terrain de jeu et au moins, on ne nous mettra pas en quarantaine à notre retour. Je descends en voiture vers le Sud pour revoir Vaison la Romaine, le Luberon, Aix en Provence et Manosque. Les paysages et les villages du Luberon vont certainement me séduire car j'ai déjà parcouru ce pays à plusieurs reprises. J'avais envie de connaître la librairie Le Bleuet à Banon avec son million de livres et dont la réputation n'est plus à faire. Et je vais enfin visiter la maison de Jean Giono, Le Paraïs, située sur les flancs du Mont d'Or dans la montée des Vraies Richesses. Jean Giono, sa femme et ses deux filles y ont vécu pendant 40 ans et elle est devenue un centre culturel consacré à l'écrivain. Pour préparer mon voyage intramuros, j'ai relu "Colline", un des premiers romans de l'auteur, paru en 1929. Dans ce hameau de Provence, Les Bastides Blanches, vivent une douzaine de personnes dans quatre maisons autour d'une fontaine. Un sanglier traverse la petite place et s'échappe malgré qu'il soit chassé. Plus tard, les habitants sont frappés par des malheurs : la fontaine se tarit, une petite fille tombe malade, un incendie menace le village, un ancien se meurt. Ce vieil homme, Janet, "déparle", devient délirant et sa folie est interprétée comme un mauvais présage. Avant que les habitants ne commettent l'irréparable, Janet meurt naturellement. Le sanglier revient et cette fois-ci, il est abattu. La colline, la nature, la Terre, se vengent des méfaits humains et une atmosphère de réalisme merveilleux règne dans le roman. Jean Giono utilise le langage parlé, vivant, coloré et magnifié par l'écriture poétique quasi surréaliste de l'auteur, un grand maître des mots et des images. Je n'avais pas lu "Colline" depuis très, très longtemps et j'avoue que je l'ai redécouvert différemment. J'ai remarqué le style incroyablement malaxé comme une pâte à pain, la frugalité rustique du monde paysan, l'hommage à la nature, aux paysages, à ses forces occultes comme à ses bienfaits enchanteurs. Un classique à lire, une plongée dans un univers homérique. Je ne peux pas résister à citer Giono : "Il a peur. Il n'a plus la certitude qu'on va gagner, dans cette lutte contre la méchanceté des collines. Le doute est en lui, tout barbelé comme un chardon". ¨Plus loin : "Un silence où ronfle un flot de vent alourdi d'essences violentes". Une plume inimitable, la marque d'un grand écrivain !